LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été autorisé à se retirer de la société civile immobilière Marina Airport (la SCI) par un jugement du 11 mai 1999 qui a désigné un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil ; qu'après le dépôt du rapport de l'expert, M. X... a demandé la condamnation de la SCI à lui payer une certaine somme représentant la valeur de ses droits sociaux, la quote-part des bénéfices de l'exercice 2006 et l'indemnisation de son préjudice moral ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors, selon le moyen :
1° / que la responsabilité pour faute ne suppose pas l'intention de nuire ; qu'en déboutant M. X... de la demande indemnitaire qu'il fondait sur différentes fautes imputées à la SCI, à laquelle il reprochait d'être à l'origine de la longueur de l'expertise, au motif que celui-ci ne démontrait pas l'intention de nuire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2 / que dans ses conclusions en appel, M. X... faisait valoir que, privé du remboursement de ses parts sociales pendant près de sept ans, il n'avait pu faire face au paiement de ses impôts et avait subi un préjudice moral lié notamment à des avis à tiers détenteurs, à des mesures conservatoires prises par le Trésor public, qui avaient bouleversé sa vie familiale ; qu'en décidant que " M. X... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice moral " sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que M. X... ne rapportait pas la preuve, dont il avait la charge, d'un préjudice moral, la cour d'appel qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 1843-4 et 1869 du code civil ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la valeur des parts sociales de M. X... doit être arrêtée à la date à laquelle celui-ci a manifesté sa volonté de se retirer ou, à défaut, à celle de la décision de justice l'autorisant à se retirer ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que le juge doit trancher le litige qui lui est soumis sans en différer l'examen au motif qu'il lui manquerait des éléments de preuve ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... de condamnation de la SCI à lui payer sa quote-part des bénéfices de l'exercice 2006, l'arrêt retient par motifs propres et adoptés qu'aucun élément ne permet en l'état de conclure que la SCI refuse de payer à M. X... sa quote-part des bénéfices de l'exercice et que cette demande est prématurée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... en réparation de son préjudice moral, l'arrêt rendu le 11 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la SCI Marina Airport aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la valeur des parts sociales de Monsieur X... à la date du 11 mai 1999 et dit que les parts sociales seraient évaluées à la somme de 2. 125. 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE par jugement en date du 11 mai 1999, le tribunal de grande instance de Grasse a autorisé le retrait de Monsieur X... de la SCI MARINA AIRPORT et désigné Monsieur Y... aux fins d'évaluer les parts dont il était propriétaire au sein de la société en application des dispositions de l'article 1843-4 du Code civil ; que l'expert a déposé tardivement son rapport soit le 13 janvier 2006 ; que, conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du Code civil, l'évaluation de l'expert s'impose aux parties et ne peut faire l'objet d'une appréciation judiciaire ; que toutefois la date de détermination de cette valeur n'ayant pas été prévue aux termes du jugement qui a ordonné l'expertise, il revient à la présente juridiction de le faire ; que l'associé dont le retrait est judiciairement autorisé pour justes motifs sur le fondement de l'article 1869 du Code civil ne perd cette qualité qu'après remboursement de ses droits sociaux ; que Monsieur X... en tire la conséquence que la valeur de ses parts doit être fixée au jour où il perdra sa qualité d'associé de la SCI, c'est-à-dire au jour où l'annulation de ses parts en contreparties de leur complet paiement interviendra ; que toutefois si la perte de la qualité d'associé se confond avec la cession ou l'annulation de ses parts, la date à laquelle la valeur des droits sociaux du retrayant doit être estimée ne se confond pas avec cet événement mais dépend de la date à laquelle l'associé a manifesté sa volonté de se retirer, ou à défaut, la date à laquelle la décision de justice l'autorisant à se retirer a été rendue ; que cette date en effet caractérise la fin, d'un commun accord entre associés ou par décision de justice s'y substituant, du pacte social les ayant réuni ; que la manifestation de ce retrait par cession ou par annulation et modification du capital social ne représente que la mise en application de cette décision et doit rester sans influence sur la date à retenir pour l'évaluation des parts du retrayant, ne serait-ce que pour éliminer tout aléa lié à la durée des opérations de retrait, étant ici relevé qu'aucune disposition relative à la détermination de cette évaluation n'est indiquée aux statuts de la société ; que c'est d'ailleurs pour cette raison que la Cour de cassation, dans son arrêt du 11 février 2003 a pu affirmer que « la valeur des parts devait être fixée à la date où s'effectue le transfert de propriété » dans une espèce où les statuts prévoyaient un délai de six mois après la décision de retrait pour permettre aux associés de proposer une valeur de rachat, délai au terme duquel, à défaut d'offre, l'évaluation des parts devait être judiciairement fixée ; que cette espèce n'est donc pas transposable à l'espèce, alors qu'au surplus aucune cession n'est envisagée ;
1° ALORS QUE l'évaluation des parts sociales de l'associé qui se retire s'apprécie à la date à la date la plus proche de celle à laquelle s'opère le transfert de propriété de ces parts ; que le transfert de propriété des parts sociales ne peut pas avoir eu lieu tant que le retrayant conserve la qualité d'associé ; que l'associé qui est autorisé à se retirer d'une société civile pour justes motifs par une décision de justice, sur le fondement de l'article 1869 du code civil, ne perd sa qualité d'associé qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux ; qu'en jugeant que la valeur des droits sociaux du retrayant devait être estimée à la date du 11 mai 1999, date à laquelle avait été rendu le jugement l'autorisant à se retirer, et non à la date la plus proche de celle à laquelle les parts sociales seraient effectivement annulées et remboursées, tout en constatant elle-même que le retrayant avait encore, au moins au 22 novembre 2005 la qualité d'associé, propriétaire des parts sociales, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du Code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir condamner la SCI MARINA AIRPORT à lui payer sa quote part des bénéfices de l'exercice 2006 s'élevant à la somme de 276. 311 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a considéré injustifiée la demande formée par Monsieur X... au titre de sa quote-part dans les bénéfices de la société, alors qu'au surplus les parties s'opposent dans le cadre d'une instance judiciaire sur le principe même de ces règlements depuis 1999 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aucun élément ne permet en l'état de conclure que la SCI MARINA AIRPORT refuse de payer à Victor X... sa quote-part des bénéfices de l'exercice 2006 ; qu'en conséquence, Victor X... sera débouté de sa demande tendant à voir condamner la SCI MARINA AIRPORT à lui payer sa quote-part des bénéfices de l'exercice 2006, cette demande étant prématurée ;
1° ALORS QUE tenu de trancher le litige conformément aux règles qui lui sont applicables, le juge ne peut débouter une partie de sa demande au motif que le litige est complexe et les parties en désaccord ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande au motif que « les parties s'opposent dans le cadre d'une instance judiciaire sur le principe même de ces règlements depuis 1999 », la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 4 du Code civil et 12 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... faisait valoir qu'à l'issue d'une assemblée du 28 juin 2007, les associés avaient distribué des dividendes de la SCI MARINA portant sur l'année 2006 et que sa quote-part s'élevant à 25 % des sommes distribuées, soit 276. 311 euros, lui avait été refusée ; qu'il soutenait qu'en dépit du fait qu'il n'avait perçu aucune dividende sur l'année 2006, il lui était réclamé le paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu ainsi que celui correspondant aux contributions sociales ; qu'en le déboutant de sa demande au titre de sa quote-part portant sur les bénéfices de l'année 2006 aux motifs que celle-ci était « injustifiée » sans rechercher si les bénéfices au titre de l'année 2006 avaient été ou non distribués, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832 du Code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en dommages et intérêts à hauteur de 50. 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur X... ne faisant pas la démonstration que la SCI MARINA AIRPORT ait résisté à ses prétentions dans l'intention de lui nuire, a été à juste titre débouté de ses demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il invoque ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur X... ne rapporte aucunement la preuve, dont il a la charge, de l'existence d'un quelconque préjudice moral ;
1° ALORS QUE la responsabilité pour faute ne suppose pas l'intention de nuire ; qu'en déboutant Monsieur X... de la demande indemnitaire qu'il fondait sur différentes fautes imputées à la SCI, à laquelle il reprochait d'être à l'origine de la longueur de l'expertise, au motif que celui-ci ne démontrait pas l'intention de nuire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
2° ALORS QUE dans ses conclusions en appel (pp. 26-27), Monsieur X... faisait valoir que, privé du remboursement de ses parts sociales pendant près de 7 ans, il n'avait pu faire face au paiement de ses impôts et avait subi un préjudice moral lié notamment à des avis à tiers détenteurs, à des mesures conservatoires prises par le Trésor Public, qui avaient bouleversé sa vie familiale ; qu'en décidant que « Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice moral » sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;