LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 14 mai 2009, qui, pour vol, l'a condamné à 1 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 381, 388, 521, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Christian X... ;
"aux motifs que la prévention qui saisit la juridiction fait état d'une soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; que celle-ci, de nature délictuelle, relève de la compétence du tribunal correctionnel ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence matérielle du tribunal au motif que les faits poursuivis constitueraient la contravention de cueillette sans l'autorisation du propriétaire du terrain de champignons (article R. 331-2 du code forestier) ne peut pas prospérer ;
"alors que les juges correctionnels ne sont saisis que des faits visés à la prévention sans être liés par la qualification que celle-ci leur donne ; que, dès lors, en se fondant, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par le prévenu qui faisait valoir que les faits qui lui étaient reprochés revêtaient une qualification contraventionnelle, sur la circonstance que la prévention faisait état de la qualification délictuelle de vol, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par le prévenu qui soutenait que les faits poursuivis constituaient la contravention de cueillette de champignons sans l'autorisation du propriétaire, prévue par l'article R. 331-2 du code forestier, la cour d'appel retient que la prévention vise la qualification de soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, laquelle relève de la compétence du tribunal correctionnel ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 466 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation du principe specialia generalibus derogant et des articles 311-1 du code pénal, R. 331-2 du code forestier, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian X... coupable de vol ;
"aux motifs que Christian X... reconnaît avoir ramassé à tout le moins deux truffes sur les parcelles de terrain où il a été vu et où ont été relevés le jour des faits huit trous portant excavation ; que ces parcelles appartiennent à autrui ; que Christian X... ne justifie d'aucune autorisation spécifique de ramasser les truffes sur les parcelles litigieuses ; que le délit de vol est donc caractérisé à son encontre ;
"alors qu'en cas de ramassage de truffes sans l'autorisation du propriétaire du terrain la qualification spéciale prévue par l'article R. 331-2 du code forestier doit être retenue au détriment de la qualification générale de vol ; que, dès lors, en l'espèce où l'arrêt constate que Christian X... avait ramassé des truffes sur des parcelles appartenant à autrui sans autorisation, la cour d'appel, en le déclarant coupable du délit de vol à raison de ces faits, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de vol, l'arrêt attaqué prononce par les motifs partiellement repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que les champignons n'ont pas été prélevés dans des bois et forêts mais soustraits dans une truffière cultivée par le propriétaire, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2132-3 et L. 2133-3 du code du travail, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a reçu la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon en sa constitution de partie civile et lui a alloué une somme de un euro à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon, créée le 23 octobre 2001, a pour objet notamment de : "représenter les trufficulteurs tant auprès des organismes administratifs professionnels ou interprofessionnels qu'auprès des pouvoirs publics et d'intervenir en toutes surveillances pour sauvegarder leurs intérêts et soutenir leurs revendications, agir en justice pour la protection des intérêts collectifs matériels ou moraux de ses membres" ; que Marinette Z..., sur les terrains de laquelle Christian X... a procédé au ramassage de truffes, était adhérente de la fédération au moment des faits et l'est encore à ce jour ; qu'il convient, en conséquence, de recevoir la fédération en sa constitution de partie civile, de déclarer Christian X... entièrement responsable de son préjudice et de faire droit à sa demande de dommages-intérêts à hauteur de un euro ;
"alors qu'un vol de truffes commis au préjudice d'un trufficulteur n'est pas de nature à causer un préjudice aux intérêts collectifs de la profession de trufficulteur ; que, dès lors, en l'espèce où le prévenu se voyait reprocher d'avoir volé des truffes à une trufficultrice du Gard, la cour d'appel, en recevant la constitution de partie civile de la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon et en lui octroyant une indemnité après avoir déclaré le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés et indemnisé la trufficultrice, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les syndicats professionnels ne peuvent exercer les droits réservés à la partie civile qu'en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;
Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon et faire droit à sa demande d'indemnisation, l'arrêt retient que cette fédération a pour objet notamment de "représenter les trufficulteurs tant auprès des organismes administratifs professionnels ou interprofessionnels, qu'auprès des pouvoirs publics et d'intervenir en toutes surveillances pour sauvegarder leurs intérêts et soutenir leurs revendications, agir en justice pour la protection des intérêts collectifs matériels ou moraux de ses membres" et que la victime du vol était adhérente à cette fédération au moment des faits ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le vol dont le prévenu a été déclaré coupable n'a pas porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession que représente la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la constitution de partie civile de la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 14 mai 2009, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Marinette Z... et de la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;