LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1er paragraphe 3, 4 et 17 paragraphes 2 et 3 de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ensemble les articles L. 212-18 et L. 220-3 du code du travail non abrogés par l'ordonnance du 12 mars 2007 portant recodification du code du travail ;
Attendu d'abord que les différentes prescriptions énoncées par la directive précitée en matière de temps minimal de repos constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ;
Attendu ensuite que si les dispositions du code du travail relatives au repos quotidien et au temps de pause ne sont pas applicables, selon les deux derniers textes précités, aux salariés de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), soumis à un statut dérogatoire, toutefois l'article 4 de la directive susvisée qui s'applique selon le paragraphe 3 de son article 1er, "à tous les secteurs d'activités, privés ou publics au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE", prescrit aux Etats membres de prendre " les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut par la législation nationale" ; que le paragraphe 3 de l'article 17 de la directive permet de déroger à ces dispositions "pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production notamment lorsqu'il s'agit ....des travailleurs concernés par le transport de voyageurs sur des services de transport urbain régulier", cette faculté étant subordonnée par le paragraphe 2 à la condition que "des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés" ; que les dispositions de cet article 17 peuvent être invoquées directement à l'encontre de la RATP en ce qu'elle est chargée en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service public et dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, qu'à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat, par un arrêt du 25 juin 2007, du décret du 5 mai 2006 relatif à la durée de travail du personnel de la RATP, M. X..., employé en qualité de machiniste-receveur au centre de bus de Montrouge a demandé à bénéficier du temps de pause prévu par l'article L. 220-2 devenu L. 3121-33 du code du travail issu de la transposition en droit interne des dispositions de la directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du temps de travail, à laquelle s'est substituée la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 ; que la RATP lui ayant opposé qu'elle n'était pas soumise au code du travail et était régie en matière de durée du travail, par la loi du 3 octobre 1940 et par les arrêtés pris pour son application, il a saisi la juridiction prud'homale statuant en référé ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que le trouble manifestement illicite qu'il invoque n'est pas établi dès lors que l'article 4 de la directive du 4 novembre 2003 n'a pas d'effet direct en droit interne à défaut de fixer la durée et les conditions d'octroi des temps de pause et que le paragraphe 3 de l'article 17 autorise des dérogations afin d'assurer une continuité du service notamment en matière de transport de voyageurs en milieu urbain ;
Qu'en se déterminant ainsi, en s'abstenant de vérifier si les dispositions du droit interne dérogeant pour les salariés de la RATP au régime des temps de pause prévu par le code du travail, accordent à ces salariés soit des périodes équivalentes de repos compensateur soit une protection appropriée pour les cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la RATP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande d'application du temps de pause issu des dispositions de la directive européenne 2003/88 du 4 novembre 2003, de la loi 98-461 du 13 juin 1998, de la loi 2000-37 du 19 janvier 2000 et de la loi 2001-397 du 9 mai 2001 ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des textes en vigueur et de la décision du Conseil d'Etat du 11 janvier 2006, passée en force jugée, que les arrêtés de novembre et décembre 1942 sont demeurés applicables au personnel de la RATP, dès lors que les autorités compétentes n'en ont pas décidé autrement ; que dès lors, suite à l'annulation pour des motifs de forme, du décret du 5 mai 2006 qui portait sur la durée du travail au sein de la RATP, ce sont des dispositions qui sont demeurées applicables dans l'attente de l'élaboration, actuellement en cours d'un nouveau texte par le conseil d'administration de l'entreprise ; que Monsieur X... soutient que ces arrêtés ne sauraient contrevenir à la règle posée par les lois Aubry I et II qui prévoit un temps de pause de vingt minutes, dès lors que celle-ci procède d'une norme supérieure, à savoir la loi ; que cependant, si Monsieur X... conteste la légalité des arrêtés en cause, force est de constater que sa contestation doit être portée devant la juridiction administrative, seule compétente en l'espèce ; que le juge des référés ne saurait statuer sur cet aspect du litige et qu'il convient de rejeter la demande de Monsieur X... de ce chef ; que par ailleurs, Monsieur X... invoque l'inadéquation des arrêtés de 1942 avec l'article 4 de la directive européenne du 5 mai 2003 ; que cependant, outre le fait que cette disposition ne fixe nullement les modalités d'application des temps de pause applicables aux salariés, il convient de relever que la même directive, dans son article 17-3, autorise des dérogations au principe posé notamment en matière de transport de voyageurs en milieu urbain et dans l'hypothèse d'une nécessité de continuité du service ; qu'il en résulte que le trouble manifestement illicite qu'il invoque de ce chef n'est pas établi ;
ALORS D'UNE PART QUE le principe de droit communautaire issu de l'article 4 de la directive européenne 2003/88 du 4 novembre 2003 sur le droit au bénéfice d'un temps de pause lorsque le temps de travail journalier est supérieur à six heures, et l'article L.3121-33 du Code du travail qui a le même objet, sont des dispositions d'ordre public plus favorables que la réglementation du statut du personnel de la RATP et ont une autorité supérieure à cette réglementation ; qu'il appartient au juge des référés de faire cesser la violation de ces dispositions, constitutive d'un trouble manifestement illicite à l'égard de Monsieur X...; qu'en refusant de se prononcer sur la compatibilité des règles du statut du personnel de la RATP avec l'article 4 de la directive européenne 2003/88 du 4 novembre 2003 et l'article L.3121-33 du Code du travail, aux motifs inopérants que seule la juridiction administrative est compétente pour apprécier la légalité des arrêtés régissant le statut du personnel de la RATP et qu'existerait une contestation sur l'application de ce statut, le juge des référés a méconnu son office et violé ensemble les dispositions précitées et l'article R.1455-6 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en s'abstenant de renvoyer à la juridiction administrative compétente la question de la légalité des dispositions réglementaires du statut par le biais d'une question préjudicielle qu'elle avait le pouvoir et le devoir de poser dès lors que cette question était indispensable à la solution du litige et à l'appréciation de l'existence d'un trouble manifestement illicite, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 4 du Code civil et le principe de la séparation des pouvoirs par fausse application ;
ALORS ENFIN QU'en se bornant à énoncer que l'article 17-3 de la directive européenne 2003/88 du 4 novembre 2003 autorise des dérogations au principe posé par l'article 4 de la même directive sur le droit au bénéficie d'un temps de pause lorsque le temps de travail journalier est supérieur à six heures, en matière de transport de voyageurs en milieu urbain dans le cas d'une nécessité de continuité de service, sans rechercher si l'article L.3121-33 du Code du travail qui prévoit un temps de pause de vingt minutes après six heures de travail continu, disposition plus favorable que le statut du personnel applicable à la RATP, n'avait pas vocation à s'appliquer, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 17-3 de la directive européenne précitée et de l'article L.3123-33 du Code du travail .