LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses trois dernières branches :
Vu l'article 3 § 1 b du Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis) ;
Attendu que, selon ce texte, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, notamment les juridictions de l'Etat membre de la nationalité commune des deux époux, ou dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du "domicile commun" ;
Attendu que M. Iaszlo X... et Mme Csilla Marta Y..., de nationalité hongroise, mariés en Hongrie en 1979, se sont établis en France en 1980 et ont été naturalisés en 1985 ; que M. X... ayant formé une requête en divorce le 23 février 2002, le divorce a été prononcé par jugement définitif du tribunal de Pest (Hongrie) le 4 mai 2004 ; que Mme Y... ayant introduit une action en divorce en France le 19 février 2003, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Meaux a déclaré sa demande irrecevable ; que la cour d'appel a infirmé le jugement, considérant que la décision étrangère ne remplissait pas les conditions de régularité internationale ; que par arrêt du 16 avril 2008, la première chambre civile de la Cour de cassation, a saisi la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;
Attendu que la Cour de justice des communautés a dit pour droit (CJCE, 16 juillet 2009, affaire C-168/08) que lorsque les époux possèdent chacun la nationalité de deux Etats membres, l'article 3, paragraphe 1, sous b, du Règlement n° 2201/2003 s'oppose à ce que la compétence des juridictions de l'un de ces Etats membres soit écartée au motif que le demandeur ne présente pas d'autres liens de rattachement avec cet Etat, qu'au contraire , les juridictions des Etats membres dont les époux possèdent la nationalité sont compétentes en vertu de cette disposition, ces derniers pouvant saisir, selon leur choix, la juridiction de l'Etat membre devant laquelle le litige sera porté ;
Attendu que pour déclarer recevable en France la demande en divorce formée par Mme Y... et dire inopposable le jugement de divorce du tribunal de Pest (Hongrie) du 23 février 2002, la cour d'appel relève que la compétence du tribunal de Pest est en réalité très fragile et que le litige ne présente pas de lien suffisant avec la juridiction hongroise ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle ne pouvait écarter la décision étrangère pour un tel motif et qu'elle devait contrôler les autres conditions de régularité internationale du jugement du tribunal de Pest, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Csilla Marta Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rouvière, avocat pour M. X... (A...)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du Juge aux Affaires Familiales du tribunal de grande instance de Maux du 8 novembre 2005, d'avoir dit que le jugement de divorce du tribunal de Pest du 4 mai 2004 ne peut être accueilli en France, d'avoir déclaré recevable l'action en divorce pour faute introduite par Madame Y... devant le juge français et d'avoir renvoyé les parties devant le Juge aux Affaires Familiales pour la tentative de conciliation et les mesures provisoires.
AUX MOTIFS QUE le règlement CE n° 1347/2000 du 29 mai 2000 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs, entré en vigueur le 1e` mars 2001, s'est appliqué dans les rapports avec la Hongrie à compter du 1e` mai 2004, et non avant cette date comme l'a pensé le Juge meldois, se substituant alors quatre jours avant le jugement de divorce du Tribunal de Pest à l'application de la convention bilatérale du 31 juillet 1980 sur la reconnaissance et l'exécution qui était entrée en vigueur le 1er février 1982 ; que ce règlement est remplacé à compter du 1er mars 2005 par le règlement CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003, dont l'article 64 alinéa 4 prévoit que les décisions de divorce rendues avant la date de mise en application du présent règlement, mais après la date d'entrée en vigueur du règlement CE n° 1347/2000 à la suite d'actions intentées avant la date d'entrée en vigueur du règlement CE n° 1347/2000 sont reconnues et exécutées conformément aux dispositions du chapitre III du présent règlement pour autant que les règles de compétences appliquées sont conformes à celles prévues soit par le chapitre II du présent règlement ou du règlement CE n°1347/2000, soit par une convention qui était en vigueur entre l'Etat membre d'origine et l'Etat membre requis lorsque l'action a été intentée ; que la reconnaissance en France du jugement de divorce du tribunal de Pest rendu à la suite de l'action introduite par Monsieur Lazlo A... devant le juge hongrois le 23 février 2002 est ainsi soumise aux dispositions du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, qu'elle exige notamment la réunion au titre de la compétence du juge d'origine des conditions de compétence exposées à l'article 3 du règlement précité ou à l'article 2 du règlement n° 1347/2000 ou encore à l'article 22 alinéa a de la convention du 31 juillet 1980 ; que les règles de compétence judiciaire envisagées par les règlements 2201/2003 et 1347/2000 à leurs articles 3 et 2 attribuent compétence au juge de l'Etat membre de la résidence habituelle (paragraphe 1 alinéa a), commune ou conservée par un époux, ou bien séparée, du défendeur, ou du demandeur mais alors s'il y a résidé depuis au moins une année avant l'introduction de la demande, ou six mois s'il est ressortissant de l'Etat membre en question ; que compétence est encore attribuée (paragraphe 1 alinéa b) au juge de la nationalité des deux époux ; que les époux A...-Y... ont acquis la nationalité française en 1985, et avaient, ainsi qu'il est constant, leur domicile conjugal en février 2002, au moment de l'introduction de l'instance par le mari devant le tribunal de Pest, en France dans la Seine et Marne, qu'aucune des conditions exposées ci-dessus pour pouvoir retenir la compétence du juge hongrois n'étant remplie, il convient d'examiner si, comme l'énonce l'article 22 alinéa a de la convention franco-hongroise du 31 juillet 1980, la juridiction de l'état sur le territoire duquel la décision a été rendue est compétente selon les règles concernant la compétence internationale admises dans l'Etat où la décision est invoquée, que le tribunal étranger doit être ainsi reconnu compétent si le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux ; que le juge hongrois a retenu sa compétence sur la base de la nationalité hongroise d'origine de Monsieur Laszlo A..., un chef non retenu par les règles françaises de compétence internationale exposées à l'article 1070 du nouveau code de procédure civile, qu'il convient de s'assurer si, d'après l'examen des circonstances de la cause, le for hongrois n'était pas inapproprié ; que la compétence du tribunal de Pest est en réalité très fragile alors que Monsieur Laszlo A... a engagé une action en divorce dans son pays d'origine en l'absence de tout autre élément de rattachement, que la compétence du Tribunal du domicile conjugal est, en comparaison particulièrement forte, que dès lors la saisine du juge hongrois en l'absence de lien suffisant de rattachement ne permet pas d'accueillir en France le jugement du Tribunal de Pest sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'éventuelle contrariété de celui-ci à notre ordre public international ; que l'ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Meaux doit être en conséquence infirmée ; que les parties sont renvoyées devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Meaux pour l'organisation de la conciliation et les mesures provisoires que la cour d'appel ne peut ordonner sans que le préalable de conciliation n'ait été effectué ;
1° ALORS QUE l'arrêt constatant que le règlement CE n° 1347/2000 du 29 mai 2000, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs est entré en vigueur le 1 er mars 2001 et a été applicable en Hongrie à compter de 1 er mai 2004, ce qui avait pour conséquence que ce texte se trouvait applicable, dans cet Etat, en tous ses éléments, à compter de cette dernière date, il en résultait que trouvaient à s'appliquer – comme l'avait considéré le premier juge - les dispositions de l'article 64-3 du règlement CE 2201/2003 du 27 novembre 2003 ; que dès lors, pour dire recevable - en présence d'une décision définitive de divorce rendue régulièrement en Hongrie - l'action en divorce intentée en France par Madame Y..., en statuant au regard de l'art 64-4 du même texte, la Cour d'appel, qui a confondu les notions d'entrée en vigueur et d'application du texte précité l'a violé par fausse application ;
2°/ ALORS QU'EN admettant même que soit applicable l'article 64-4 du règlement CE 2201/2003 du 27 novembre 2003, la Cour d'appel qui considère que la reconnaissance en France du jugement de divorce rendu par la juridiction hongroise, le 23 février 2002, exige au titre de la compétence du juge d'origine, la réunion des conditions de compétence de l'article 3 de ce règlement ou de celles de l'article 2 du règlement n° 1347/2000 du 29 mai 2000, ne pouvait, pour écarter ces dispositions, se déterminer en se bornant à examiner la situations des époux par rapport aux seules conditions relatives au domicile ( paragraphe 1 alinéa a ), sans rechercher, comme le soutenait Monsieur X... dans ses conclusions, si la compétence du juge hongrois ne résultait pas de la nationalité hongroise des parties, condition posée par les mêmes articles en leur paragraphe 1 alinéa b méconnu ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'un manque de base légale au regard des articles 3 § 1 b du règlement CEn°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 et 2 § 1 b du règlement CE n° 1347/2000 du Conseil du 29 mai 2000 ;
3°/ ALORS QU'EN statuant ainsi, la Cour d'appel a entaché l'arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et d'une violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
4°/ ALORS QU'EN toute hypothèse, la Cour d'appel ne pouvait considérer que la compétence du Tribunal de Pest "est en réalité très fragile" en l'absence de lien suffisant de rattachement, sans rechercher si la compétence du juge du divorce hongrois ne résultait pas du fait que Madame Y..., possédant comme son mari la double nationalité hongroise et française, avait suivi cette procédure en divorce sans aucunement s'y opposer et sans soulever l'incompétence de la juridiction saisie, la procédure ayant abouti au prononcé du divorce régulièrement transmis sur l'acte d'état civil des intéressés ; qu'ainsi, l'arrêt est, à nouveau, entaché d'un manque de base légale au regard des Règlements CE n° 1347/2000 du 29 mai 2000 et CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003.