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03/02/2010 | FRANCE | N°09-65366

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 février 2010, 09-65366


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que M. Nouredine X..., né le 12 septembre 1955 à Sétif (Algérie), fils de Aïssa X... et petit fils d'Ali X..., a engagé une action déclaratoire de nationalité, se disant français par filiation, son grand-père, Caïd et Agha, ayant été admis à la citoyenneté française en application de l'ordonnance du 7 mars 1944, ayant de ce fait acquis le statut civil de droit commun et conservé en conséquence de plein droit la nationalité française lors de l'accession d

e l'Algérie à l'indépendance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt confirm...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que M. Nouredine X..., né le 12 septembre 1955 à Sétif (Algérie), fils de Aïssa X... et petit fils d'Ali X..., a engagé une action déclaratoire de nationalité, se disant français par filiation, son grand-père, Caïd et Agha, ayant été admis à la citoyenneté française en application de l'ordonnance du 7 mars 1944, ayant de ce fait acquis le statut civil de droit commun et conservé en conséquence de plein droit la nationalité française lors de l'accession de l'Algérie à l'indépendance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 16 octobre 2008) d'avoir dit qu'il n'était pas français alors, selon le moyen, que selon l'article 32-1 du code civil, les français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'indépendance conservent la nationalité française et il résulte des articles 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944 et 6 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 que la reconnaissance de la citoyenneté française, au profit de certaines catégories de français musulmans, par le premier de ces textes, emporte de plein droit l'admission au statut civil de droit commun ; qu'ainsi, la cour d'appel, en considérant que le grand-père de M. X..., qui avait bénéficié en sa qualité d'Agha et Caïd et de commandeur de la légion d'honneur de la reconnaissance de la citoyenneté française en 1944 ne relevait pas du statut de droit commun, faute d'avoir souscrit une déclaration expresse, a violé les textes précités ;

Mais attendu que l'arrêt a exactement retenu, par motifs propres, que l'ordonnance du 7 mars 1944, conférant la citoyenneté française à certaines catégories de français musulmans particulièrement méritants, dont les Aghas et les Caïds, s'était conformée au principe de l'indépendance des droits civils et des droits politiques en décidant que ces nouveaux citoyens resteraient soumis au statut civil de droit local, sauf manifestation expresse, par décret ou par jugement, de leur volonté de renoncer au statut de droit local et d'adopter le statut civil de droit commun, et, par motifs adoptés, que la loi du 11 juin 1994, consacrée à l'indemnisation des rapatriés, anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et non à leur nationalité, en faisant référence à l'ordonnance précitée, n'avait pas entendu lier l'accession à la citoyenneté française à un changement de statut civil, ce dernier impliquant une renonciation expresse au statut civil de droit local ; que l'existence d'une telle renonciation par le grand-père de M. X... n'étant pas démontrée et la souscription d'une déclaration de reconnaissance de nationalité par le père de ce dernier, dont il suivait la condition, n'étant pas alléguée, la cour d'appel en a exactement déduit que M. X... n'était pas français ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Nouredine X... de sa demande tendant à voir juger qu'il a la qualité de français transmise par son grande-père Ali X... ;

AUX MOTIFS, propres, QUE les conséquences sur la nationalité de l'accession à l'indépendance de l'Algérie sont déterminées par l'article 32-1 du Code civil, qui a été substitué à l'article 154 du Code de la nationalité lequel reprenait les termes de l'article premier de l'ordonnance du 21 juillet 1962, selon lesquels les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, conservaient la nationalité française, quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ; qu'en ce qui concerne la nationalité de Feu Ali X..., si l'ordonnance du 7 mars 1944 a effectivement conféré la citoyenneté française à l'ensemble des Français musulmans d'Algérie et plus particulièrement à feu Ali X..., en sa qualité d'agha et de caïd, ainsi que de commandeur de la Légion d'honneur, elle n'a pas eu pour autant pour effet de faire accéder les musulmans d'Algérie au statut civil de droit commun, le deuxième alinéa de l'article 2 de ce texte prévoyant expressément que « restent soumis aux règles du droit musulman et des coutumes berbères en matière de statut personnel, les Français musulmans qui n'ont pas explicitement déclaré leur volonté d'être placés sous l'empire intégral de la loi française » ; que l'interprétation donnée à cette ordonnance par la circulaire 62-825 du 21 juillet 1962 , quelle qu'en soit la teneur, ne saurait s'imposer au juge judiciaire en application du principe de la séparation des pouvoirs, instauré par la loi des 16 et 24 août 1790 ; que par ailleurs, selon les termes de l'article 6 de la loi 94-488 du 14 juin 1994, les dispositions du premier titre de ce texte et qui sont relatives à l'octroi d'une allocation spécifique à certaines catégories de personnes s'appliquent : « Aux Français rapatriés d'Algérie, anciennement de statut civil de droit local ou dont les ascendants anciennement de statut civil de droit local, ont été admis au statut civil de droit commun en application du Sénatus-consulte du 14 juillet 1865, de la loi du 4 février 1919 ou de l'ordonnance du 7 mars 1944, ayant fixé leur résidence en France et ayant participé aux opérations en Algérie entre le 1er novembre 1954 et le 2 juillet 1962, dans les unités ou formations soumises à l'autorité civile ou militaire, à l'exclusion de ceux qui n'ont effectué que leurs seules obligations de service militaire au cours de la même période » ; qu'il n'est pas démontré que feu Ali X... ait quitté l'Algérie pour fixer sa résidence en France et ait participé, à titre civil ou militaire, aux opérations d'Algérie, au cours de la période s'étendant du 1er novembre 1954 au 2 juillet 1962 ; que dès lors, il ne peut être soutenu que feu Ali X..., qui n'avait pas accédé au statut civil de droit commun par décret ou par l'effet d'un jugement, y avait été soumis par l'effet des dispositions de l'ordonnance du 7 mars 1944 et de l'article 6 de la loi 95-488 du 14 juin 1994 et qu'il avait dès lors, au jour de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, conservé -et donc transmis- à sa descendance, la nationalité française alors qu'il n'avait pas souscrit, par ailleurs, une déclaration récognitive de cette nationalité et qu'il n'est pas établi qu'il avait la possession d'état de Français ;

ET, adoptés du jugement, QUE la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 qui est citée par la demanderesse, fait certes état des français musulmans, anciennement de statut civil de droit local, qui « ont été admis au statut civil de droit commun en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, de la loi du 4 février 1919, ou de l'ordonnance du 7 mars 1944 », que cependant, l'on ne peut inférer de ce texte, dont l'objet est l'indemnisation des rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie que, contrairement à l'interprétation jurisprudentielle qui a prévalu jusqu'à ce jour, le législateur de 1944 aurait entendu lier l'accession à la citoyenneté française à celle d'un changement de statut civil ; qu'en réalité, le libellé précité de la loi du 11 juin 1994 s'explique par le fait que l'ordonnance de 1944 avait prévu la possibilité pour les Français musulmans de renoncer expressément à leur statut civil de droit local, en exprimant leur volonté d'être placés sous l'empire intégral de la loi française, comme ci-avant rappelé ; que s'il est constant que le grand-père du demandeur a accédé à la citoyenneté française par l'effet de l'ordonnance précitée du 7 mars 1944, ayant été nommé Commandeur de la Légion d'honneur par décret du 13 août 1932, ni cette qualité, ni le fait qu'il a occupé, pendant une durée non portée à la connaissance du tribunal, la fonction de caïd et d'agha, n'emportent de plein droit soumission au statut civil de droit commun, ni même ne font présumer qu'il aurait relevé de ce statut ;

ALORS QUE selon l'article 32-1 du Code civil, les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'indépendance conservent la nationalité française et il résulte des articles 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944 et 6 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 que la reconnaissance de la citoyenneté française, au profit de certaines catégories de français musulmans, par le premier de ces deux textes, emporte de plein droit l'admission au statut civil de droit commun ; qu'ainsi, la Cour d'appel, en considérant que le grand-père de M. X..., qui avait bénéficié en sa qualité d'agha et caïd et de commandeur de la Légion d'honneur de la reconnaissance de la citoyenneté française en 1944 ne relevait pas du statut de droit commun, faute d'avoir souscrit une déclaration expresse, a violé les textes précités.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-65366
Date de la décision : 03/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

NATIONALITE - Nationalité française - Conservation - Conditions - Conditions relatives aux originaires d'Algérie - Personne de statut civil de droit commun - Définition - Exclusion - Cas

Une cour d'appel, relevant, par motifs propres, que l'ordonnance du 7 mars 1944, conférant la citoyenneté française à certaines catégories de français musulmans particulièrement méritants, dont les aghas et les caïds, se conformait au principe de l'indépendance des droits civils et des droits politiques en décidant que ces nouveaux citoyens resteraient soumis au statut civil de droit local, sauf manifestation expresse, par décret ou par jugement, de leur volonté de renoncer à ce statut et d'adopter le statut civil de droit commun et, par motifs adoptés, que la loi du 11 juin 1994, consacrée à l'indemnisation des rapatriés, anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, en faisant référence à l'ordonnance précitée, n'entendait pas lier l'accession à la citoyenneté française à un changement de statut civil, celui-ci impliquant une renonciation expresse au statut civil de droit local, en a exactement déduit que le requérant n'était pas français, l'existence d'une telle renonciation par son grand-père n'étant pas démontrée et la souscription d'une déclaration de reconnaissance de nationalité par son père n'étant pas alléguée


Références :

article 32-1 du code civil

ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des français musulmans d'Algérie
loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 octobre 2008

Pour une autre application du même principe, à rapprocher :1re Civ., 16 octobre 1984, pourvoi n° 82-14237, Bull. 1984, I, n° 265 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 fév. 2010, pourvoi n°09-65366, Bull. civ. 2010, I, n° 30
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 30

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Rapporteur ?: Mme Pascal
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de la Varde

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.65366
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