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03/02/2010 | FRANCE | N°09-11528

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 février 2010, 09-11528


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte aux époux X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2008 par la cour d'appel d'Amiens ;

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 décembre 2008), que les époux X..., preneurs à bail solidaires de parcelles appartenant aux époux Y..., qu'ils avaient mises à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée du Moulin (l'EARL) dont Mme X... n'avait pas la qualité d'associée, ont saisi l

e tribunal paritaire des baux ruraux afin d'obtenir l'autorisation de céder leur...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte aux époux X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2008 par la cour d'appel d'Amiens ;

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 décembre 2008), que les époux X..., preneurs à bail solidaires de parcelles appartenant aux époux Y..., qu'ils avaient mises à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée du Moulin (l'EARL) dont Mme X... n'avait pas la qualité d'associée, ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux afin d'obtenir l'autorisation de céder leur bail à leur fils ; que les bailleurs s'y sont opposés et ont reconventionnellement sollicité le prononcé de la résiliation du bail ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'autorisation de cession, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 411-37 du code rural exige seulement que les preneurs n'abandonnent pas l'exploitation des terres mises à disposition à des tiers, ce qui constituerait une cession prohibée, mais n'impose pas à chaque copreneur de participer personnellement à leur exploitation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural ;
2°/ que l'indivisibilité du bail entre copreneurs ne fait pas obstacle à ce que certains droits propres soient reconnus à chacun d'eux en particulier celui de céder le bail à l'un de ses descendants ; qu'ainsi, chaque cotitulaire du bail bénéficie d'un droit personnel à solliciter une autorisation de cession au profit d'un descendant ; qu'en affirmant que les époux X... devaient l'un et l'autre être considérés comme preneurs de mauvaise foi, ce qui les privait de toute possibilité de cession, après avoir constaté que la demande de cession portait exclusivement sur les droits de M. X..., et que si Mme X... avait manqué à l'une de ses obligations contractuelles, M. X... avait, quant à lui, parfaitement respecté les obligations qui lui incombaient, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35 et L.411-37 du code rural ;
3°/ qu'une cession de bail ne peut être judiciairement refusée qu'à la condition de démontrer qu'elle peut être préjudiciable aux intérêts légitimes du bailleur ; qu'en affirmant qu'il y avait lieu de priver les époux X... de la possibilité de céder le bail à leur fils dans la mesure où l'un des copreneurs n'était pas associé de l'EARL bénéficiaire de la mise à dispositions des terres louées, tout en constatant que ce manquement n'avait causé aucun préjudice aux bailleurs, ce dont il résultait que cette demande de cession ne préjudiciait aucunement à leurs intérêts légitimes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 411-35 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, que la faculté accordée au preneur de céder son bail à ses descendants majeurs ou ayant été émancipés constitue une dérogation au principe général d'incessibilité du bail rural qui ne peut bénéficier qu'au preneur qui a satisfait à toutes les obligations nées de son bail, que le preneur d'un fonds rural est tenu de l'exploiter et que s'il le met à la disposition d'une société à objet principalement agricole dont il doit être associé, il a, restant seul titulaire du bail, l'obligation de continuer à se consacrer à sa mise en valeur en participant aux travaux de façon effective et permanente, et retenu que la clause de solidarité incluse au bail permettait aux bailleurs d'exiger indifféremment de l'un ou l'autre des preneurs l'exécution de toutes les obligations du bail, la cour d'appel, qui a constaté qu'en 1996 les biens loués avaient été mis à la disposition de l'EARL sans que Mme X... ait acquis à un quelconque moment la qualité d'associée, en a souverainement déduit, sans méconnaître les droits personnels de M. X..., que les copreneurs solidaires avaient manqué à l'une des obligations essentielles de la convention et que ce manquement qui, en l'absence de préjudice démontré par les bailleurs n'avait pu justifier la résiliation du bail, suffisait, en raison de l'importance de l'obligation méconnue, à les constituer de mauvaise foi et à les priver de la faculté de céder leur bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer aux consorts Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux conseils pour les époux X...,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 16 décembre 2008 d'AVOIR, par infirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait dit que Monsieur et Madame X... ont fait preuve de bonne foi dans l'exécution de leurs obligations contractuelles, dit que les époux X... ne sont pas preneurs de bonne foi et, d'avoir, en conséquence débouté ces derniers de leur demande de cession de bail au profil de leurs fils ;
AUX MOTIFS QUE le 10 août 1972, M. Bernard Z... au droit duquel se trouvent les consorts Y..., a donné à bail à ferme, pour une durée de 18 années à compter du 11 novembre 1972 aux époux X..., preneurs solidaires, diverses parcelles d'une contenance totale de 31ha 64a 76ca ; que ce bail s'est renouvelé par période successive de neuf ans le 11 novembre 1990 puis le 11 novembre 1999 ; que par requête du 30 janvier 2006 M. et Mme X... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Beauvais d'une demande tendant, en application de l'article L 411-35 du code rural à être autorisé à céder les droits de M. Jean-Marie X... dans le bail précité à leur fils majeur, M. Frank X... associé au sein de l'EARL du Moulin à Vent à la disposition de laquelle les terres avait été mises en 1996 ; que les consorts Y... se sont opposés à cette demande et ont reconventionnellement sollicité la résiliation du bail ; que par jugement du 15 juin 2007, le tribunal paritaire a, d'une part, rejeté la demande de résiliation de bail et, d'autre part, ordonné la réouverture des débats sur la demande en autorisation de cession de bail ; que par arrêt du 16 septembre 2008 cette chambre de la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement du 4 juin 2007 en ce qu'il a débouté les consorts Y... de leur demande de résiliation du bail et, décidant d'évoquer les points non jugés en première instance, a ordonné la réouverture des débats sur la question de la cession du bail ; que la faculté accordée aux preneurs par l'article L. 411-35 du code rural de céder son bail à ses descendants majeurs ou ayant été émancipés constitue une dérogation au principe général d'incessibilité du bail rural qui ne peut bénéficier qu'au preneur qui a satisfait à toutes les obligations des nées de son bail et qui ne doit pas nuire aux intérêts légitimes du bailleur, appréciés uniquement au regard de la bonne foi du cédant et les conditions de mise en valeur de l'exploitation par le cessionnaire éventuel ; que le preneur d'un fonds rural est, selon l'article 1766 du code rural, tenu de l'exploiter et s'il le met en application l'article L 411-37 du code rural à la disposition d'une société à objet principalement agricole dont il doit être associé, il a, restant seul titulaire du bail, l'obligation en vertu de ce dernier texte de continuer à se consacrer à sa mise en valeur en participant sur les lieux aux ou travaux de façon effective et permanente selon les usages de la région et l'importance de l'exploitation ; qu'ainsi alors que la clause de solidarité incluse au bail consenti le 10 août 1972 aux époux X... permet aux bailleurs d'exiger indifféremment à leur choix en vertu de l'article 1203 du code civil de l'un ou l'autre des preneurs l'exécution de toutes conditions du bail, il apparaît qu'en mettant en 1996 les biens loués à la disposition de l'EARL du Moulin à vent dont l'un seul des co-preneurs solidaires M. Jean-Marie X... était associé sans que Mme Christine A..., co-preneuse solidaire acquiert à un quelconque moment cette qualité, de sorte que cette dernière ne peut satisfaire à l'exigence de l'article 1766 précité et que les dispositions de l'article L 411-37 du code rural sont, s'agissant de l'un des co-preneurs solidaires violées, les preneurs ont manqué à l'une des obligations essentielles que la convention des parties met à leur charge ; que ce manquement, qui en l'absence de préjudice démontré par les bailleurs ne n'a pu, au regard des dispositions de l'article L 411-31 II 3° du code rural justifier la résiliation du bail suffit, en raison l'importance de l'obligation méconnue, à les constituer preneurs de mauvaise foi et à les priver de la faculté de céder leur bail dans les conditions de l'article L 411-35 du code rural ;
1) ALORS QUE l'article L 411-37 du code rural exige seulement que les preneurs n'abandonnent pas l'exploitation des terres mises à disposition à des tiers ce qui constituerait une cession prohibée mais n'impose pas à chaque co-preneur de participer personnellement à leur exploitation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 411-35 et L 411-37 du code rural ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'indivisibilité du bail entre co-preneurs ne fait pas obstacle à ce que certains droits propres soient reconnus à chacun d'eux en particulier celui de céder le bail à l'un de ses descendants ; qu'ainsi, chaque co-titulaire du bail bénéficie d'un droit personnel à solliciter une autorisation de cession au profit d'un descendant ; qu'en affirmant que les époux X... devaient l'un et l'autre être considérés comme preneurs de mauvaise foi, ce qui les privait de toute possibilité de cession, après avoir constaté que la demande de cession portait exclusivement sur les droits au bail de M. X..., et que si Mme X... avait manqué à l'une de ses obligations contractuelles, M. X... avait quant à lui parfaitement respecté les obligations qui lui incombaient, la cour d'appel a violé les articles L 411-35 et L 411-37 du code rural ;
3) ALORS QU'une cession de bail ne peut être judiciairement refusée qu'à la condition de démontrer qu'elle peut être préjudiciable aux intérêts légitimes du bailleur ; qu'en affirmant qu'il y avait lieu de priver les époux X... de la possibilité de céder le bail à leur fils dans la mesure où l'un des co-preneurs n'était pas associé de l'EARL bénéficiaire de la mise à disposition des terres louées, tout en constatant que ce manquement n'avait causé aucun préjudice aux bailleurs, ce dont il résultait que cette demande de cession ne préjudiciait aucunement à leurs intérêts légitimes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 411-35 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-11528
Date de la décision : 03/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Cession - Enfants du preneur - Conditions - Bonne foi du preneur - Observation constante de ses obligations - Copreneurs solidaires - Manquement d'un des copreneurs - Effets - Détermination

BAIL RURAL - Bail à ferme - Mise à disposition - Société d'exploitation agricole - Exploitation effective et permanente du bien loué - Défaut - Sanction - Nature - Appréciation souveraine

La faculté accordée au preneur de céder son bail à ses descendants majeurs ou ayant été émancipés ne pouvant bénéficier qu'au preneur qui a satisfait à toutes les obligations nées du bail et la clause de solidarité incluse au bail permettant au bailleur d'exiger indifféremment de l'un ou l'autre des preneurs l'exécution de toutes les obligations du bail, une cour d'appel qui constate que l'un des copreneurs solidaires a manqué à l'une des obligations essentielles de la convention en déduit souverainement, sans méconnaître les droits personnels de l'autre, que ce manquement, en l'absence de préjudice démontré par le bailleur, ne justifie pas la résiliation du bail mais suffit à priver les copreneurs de la faculté de céder leur bail à leur fils


Références :

articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 16 décembre 2008

Sur le principe selon lequel le caractère solidaire des engagements des preneurs stipulé dans un contrat de bail rural est sans effet sur les obligations incombant à ceux-ci à titre personnel, à rapprocher :3e Civ., 29 novembre 2006, pourvoi n° 05-17009, Bull. 2006, III, n° 236 (rejet). Sur les conséquences du défaut de concours de l'époux cotitulaire du bail à la mise à disposition d'un groupement d'exploitation en commun , à rapprocher :3e Civ., 5 mars 2003, pourvoi n° 01-15453, Bull. 2003, III, n° 54 (rejet). Sur la sanction du manquement du preneur à l'une des obligations essentielles du bail, à rapprocher :3e Civ., 3 mai 1977, pourvoi n° 76-11639, Bull. 1977 , III, n° 185 (rejet) ;3e Civ., 20 décembre 1977, pourvoi n° 76-14397, Bull. 1976 , III, n° 457 (cassation) ;3e Civ., 11 février 1981, pourvoi n° 79-15534, Bull. 1980 , III, n° 29 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 fév. 2010, pourvoi n°09-11528, Bull. civ. 2010, III, n° 29
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, III, n° 29

Composition du Tribunal
Président : M. Philippot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Bailly
Rapporteur ?: Mme Monge
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.11528
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