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20/01/2010 | FRANCE | N°09-11375

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 janvier 2010, 09-11375


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 décembre 2008), que, par acte du 27 décembre 2004, M. X... a notifié, en application des dispositions de l'article L. 411-32 du code rural, à M. Y..., preneur, la résiliation de son bail rural sur des parcelles dont la destination devait être changée ; que le preneur a fait citer le bailleur aux fins d'obtenir l'annulation de cette résiliation ou, subsidiairement, l'allocation d'une indemnité ; que les consorts X..., venus au

x droits de M. X..., décédé en cours de procédure, ont proposé au preneur...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 décembre 2008), que, par acte du 27 décembre 2004, M. X... a notifié, en application des dispositions de l'article L. 411-32 du code rural, à M. Y..., preneur, la résiliation de son bail rural sur des parcelles dont la destination devait être changée ; que le preneur a fait citer le bailleur aux fins d'obtenir l'annulation de cette résiliation ou, subsidiairement, l'allocation d'une indemnité ; que les consorts X..., venus aux droits de M. X..., décédé en cours de procédure, ont proposé au preneur le report de la date d'effet du congé au 30 décembre 2001, date d'échéance normale du bail ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les condamner au paiement d'une indemnité, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en l'état d'un congé délivré aux fins prévues par l'article L. 411-32, alinéa 3, du code rural, le preneur ne peut prétendre à l'indemnité particulière prévue par ce texte qui répare le préjudice résultant de l'obligation de quitter les lieux avant la date prévue pour l'achèvement du bail en cours, dans l'hypothèse où le bailleur lui offre de rester dans les lieux jusqu'à l'échéance ; qu'en énonçant, après avoir rappelé que les consorts X... avaient offert à M. Y... de conserver la jouissance des parcelles jusqu'à la date d'échéance normale du bail que M. Y... n'était pas tenu d'accepter cette proposition du bailleur qui ne le priverait pas du droit d'agir en réparation, à défaut de se voir offrir de nouvelles terres d'une surface équivalente, la cour d'appel a violé l'article L. 411-32 du code rural, ensemble l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, la poursuite du bail jusqu'à son échéance doit être regardée comme une modalité de la réparation en nature que le juge est libre de préférer à la réparation par équivalent, sans qu'il soit astreint de recueillir l'accord de la victime pour ce mode de réparation ; qu'en subordonnant la poursuite du bail au consentement du preneur, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ que si tel n'est pas le cas, la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue sans qu'elle puisse être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en affirmant que le preneur subira un manque à gagner du seul fait qu'il n'est pas certain de retrouver des terres agricoles pour en évaluer le montant, bien qu'il ne puisse prétendre qu'à être indemnisé de la fraction de ce préjudice correspondant à la chance perdue, la cour d'appel qui s'est abstenue d'en évaluer la part, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, a violé l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 411-32 du code rural ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la résiliation du bail notifiée le 27 décembre 2004 prenait effet le 27 décembre suivant, retenu, à bon droit, qu'en application de l'article L. 411-32 du code rural, le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation et qu'en application de l'article L. 13-20 du code de l'expropriation les indemnités sont fixées en espèces mais que l'expropriant peut se soustraire au paiement de l'indemnité en offrant à l'exproprié un local équivalent, la cour d'appel, qui a relevé que telle n'était pas la proposition des consorts X... puisque ceux-ci n'offraient pas de nouvelles terres de surface équivalente, en a exactement déduit, sans méconnaître ses pouvoirs ni être tenue de chiffrer chaque élément du préjudice, que la proposition des consorts X... de poursuivre le bail jusqu'à son terme n'étant pas acceptée par M. Y..., les bailleurs étaient redevables d'une indemnité en espèces qu'elle a souverainement fixée selon la méthode d'évaluation qui lui paraissait la mieux appropriée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros, rejette leur propre demande de ce chef ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum MM. Francis X..., M. Jean Guy X..., Mme Z... et M. Bertrand X... à payer à M. Jean-Luc Y..., la somme de 30 000 €, à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE par décision en date du 24 juin 2004, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le recours formé par M. Jean-Luc Y... à l'encontre de l'arrêté en date du 31 juillet 2001 par lequel le Préfet de la Savoie a autorisé à la demande de M. Michel X..., la résiliation du bail soumis au statut du fermage portant sur les parcelles F 1888, F 1528 et F 1110 situées sur la commune de Mercury ; que suite à cette décision, M. X... a notifié à M. Y... le 27 décembre 20041a résiliation du bail, avec effet au 27 décembre 2005 ; qu'à la date de cette notification, M. X... n'était plus propriétaire de la parcelle 1110 puisqu'il en avait fait donation à ses enfants selon acte notarié en date du 7 août 2003 ; que cependant M. Michel X... était toujours propriétaire des parcelles 1888 et 1528 qui constituent la plus grande partie de l'exploitation puisque la parcelle 1110 a une superficie de 3 480 mz alors que la surface donnée à bail est de 13 506 mz ; qu'en outre c'est bien M. Michel X... qui était partie au bail à résilier, bail unique portant sur une exploitation agricole unique ; que cette unicité de l'exploitation rend valable l'acte accompli par le bailleur, y compris en ce qui concerne la parcelle 1110 ; qu'en application de l'article L 411-32 alinéa 3 du code rural, la résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire et prend effet un an après cette notification qui doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou de faire changer la destination des terrains dans le respect des dispositions du plan d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols, s'il en existe, au cours des trois années qui suivent la résiliation ; que dans l'acte de notification, il est expressément indiqué que le propriétaire s'engage à changer la destination des terrains dans le respect des dispositions d'urbanisme dans les trois années suivant la résiliation ; Que les dispositions de l'article suscité sont donc respectées, les consorts X... ne pouvant concrètement entreprendre le changement de destination tant que la résiliation ne sera pas effective et disposeront ensuite de trois années pour le faire ; Que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a déclaré valable la résiliation du bail ; qu'en application de l'article L 411-32 dernier alinéa, le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation ; qu'en application de l'article L 1.3-20 du code de l'expropriation, les indemnités sont fixées en espèces ; que l'expropriant peut se soustraire au paiement de l'indemnité en offrant à l'exproprié un local équivalent ; Que telle n'est pas la proposition des consorts X... puisque ceux-ci n'offrent pas de nouvelles terres de surface équivalente ; Que la proposition de poursuivre le bail jusqu'à son terme n'étant pas accepté par M. Y..., les bailleurs qui ont décidé de résilier le bail, ce que la loi les autorise à faire à tout moment, sont en contrepartie redevables d'une indemnité en espèces ; que M. Jean-Luc Y... exploite un élevage de chevaux de 24 bêtes dont 16 juments ; que les parcelles litigieuses sont situées immédiatement à côté de son habitation, ce qui facilitait la surveillance des bêtes au moment du poulinage ; que la perte de ces parcelles accroît donc incontestablement les difficultés d'exploitation ; Que les consorts X... produisent cependant un document expliquant le fonctionnement d'un appareil avertisseur de vêlage et poulinage pouvant, pour un coût de 977.70 € envoyer un signal sur tout appareil téléphonique, donc sans que la distance entre l'éleveur et les bêtes soit un handicap ; Que l'existence de ce système ne remplace certainement pas la surveillance humaine mais permet toutefois de réduire celle-ci de manière considérable ; Qu'en ce qui concerne les pertes de fourrage, le calcul effectué par les consorts X... se base sur un seul cycle de fauche alors qu'une saison en comporte trois ; Qu'il résulte tant du jugement du tribunal administratif que de l'arrêt de la Cour administrative d'appel que la reprise des l ha 35ca des X... représente un peu plus de 5 % des superficies exploitées par M. Y..., ce qui ne remet pas en cause la pérennité de son exploitation ; Que ce dernier subira néanmoins un manque à gagner puisqu'il n'est pas certain qu'il retrouvera à Mercury et dans les communes limitrophes, dans un contexte d'urbanisation dû à la proximité de la ville d'Albertville, de nouvelles terres agricoles ; Qu'au vu de tous ces éléments, l'indemnité compensatrice du préjudice de M. Y... doit être fixée à 30 000 € ; que M. Y... forme une demande de condamnation dans l'hypothèse où différents organismes lui demanderaient le remboursement de primes ; qu'il s'agit d'un préjudice éventuel non indemnisable, le tribunal ayant en outre relevé à juste titre qu'il n' était pas établi que la perte de 5 % de la surface de l'exploitation entraîne la perte desdites primes ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef ; que compte tenu de la somme allouée en première instance, il n'y a pas lieu de faire à nouveau application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; que les consorts X... succombant sur l'essentiel de leurs prétentions conserveront à leur charge les dépens.

1. ALORS QU'en l'état d'un congé délivré aux fins prévues par l'article L 411-32, alinéa 3, du Code rural, le preneur ne peut prétendre à l'indemnité particulière prévue par ce texte qui répare le préjudice résultant de l'obligation de quitter les lieux avant la date prévue pour l'achèvement du bail en cours, dans l'hypothèse où le bailleur lui offre de rester dans les lieux jusqu'à l'échéance ; qu'en énonçant, après avoir rappelé que les consorts X... avaient offert à M. Y... de conserver la jouissance des parcelles jusqu'à la date d'échéance normale du bail, que M. Y... n'était pas tenu d'accepter cette proposition du bailleur qui ne le priverait pas du droit d'agir en réparation, à défaut de se voir offrir de nouvelles terres d'une surface équivalente, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-32 du Code rural, ensemble l'article 1147 du Code civil ;

2. ALORS, en toute hypothèse, QUE la poursuite du bail jusqu'à son échéance doit être regardée comme une modalité de la réparation en nature que le juge est libre de préférer à la réparation par équivalent, sans qu'il soit astreint de recueillir l'accord de la victime pour ce mode de réparation ; qu'en subordonnant la poursuite du bail au consentement du preneur, la Cour d'appel qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article 1147 du Code civil ;

3. ALORS si tel n'est pas le cas QUE la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue sans qu'elle puisse être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en affirmant que le preneur subira un manque à gagner du seul fait qu'il n'est pas certain de retrouver des terres agricoles pour en évaluer le montant, bien qu'il ne puisse prétendre qu'à être indemnisé de la fraction de ce préjudice correspondant à la chance perdue, la cour d'appel qui s'est abstenue d'en évaluer la part, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, a violé l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article L. 411-32 du Code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-11375
Date de la décision : 20/01/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Résiliation - Causes - Changement de destination de la parcelle - Indemnité - Fixation - Modalités - Office du juge

En application de l'article L. 411-32 du code rural, le preneur étant indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation et en application de l'article L. 13-20 du code de l'expropriation les indemnités étant fixées en espèces mais l'expropriant pouvant se soustraire au paiement de l'indemnité en offrant à l'exproprié un local équivalent, la cour d'appel qui relève que les bailleurs n'offrent pas de nouvelles terres de surface équivalente, en déduit exactement que la proposition des bailleurs de poursuivre le bail jusqu'à son terme n'étant pas acceptée par le preneur, ceux-ci sont redevables d'une indemnité en espèces qu'elle fixe souverainement selon la méthode d'évaluation qui lui paraît la mieux appropriée


Références :

article L. 411-32 du code rural

article L. 13-20 du code de l'expropriation

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 18 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 20 jan. 2010, pourvoi n°09-11375, Bull. civ. 2010, III, n° 18
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, III, n° 18

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Cuinat
Rapporteur ?: Mme Monge
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.11375
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