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05/01/2010 | FRANCE | N°09-81949

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 janvier 2010, 09-81949


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Nikolaos,- LA SOCIÉTÉ SEASCAPE MANAGEMENT, partie intervenante,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 13 février 2009, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et complicité, a rejeté la demande de restitution d'un navire présentée par la seconde et confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant sa remise au service des domaines ;


Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la vi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Nikolaos,- LA SOCIÉTÉ SEASCAPE MANAGEMENT, partie intervenante,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 13 février 2009, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et complicité, a rejeté la demande de restitution d'un navire présentée par la seconde et confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant sa remise au service des domaines ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne, 222-49 du code pénal, 99, 99-2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de restitution du navire le Junior présentée par la société Lornilakis et confirmé la remise au service des domaines de ce bâtiment ;

" aux motifs qu'eu égard à la connexité entre la requête aux fins de restitution et l'appel de l'ordonnance de remise au service des domaines, l'intérêt d'une bonne administration de la justice commande qu'il soit statué, par la chambre de l'instruction, sur ces deux questions, et ce, par un seul et même arrêt ;
1°- sur la demande de restitution du " Junior " :
" que, si le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus de restitution, sa décision vise la requête du 13 mai 2008 de Me Jammet, avocat de Nikolaos
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, mais laisse sans réponse la nouvelle demande de restitution, enregistrée à son greffe le 12 juin 2008, faisant état de ce que le propriétaire du navire serait, non pas Nikolaos
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, mais la société Seascape Management ; qu'il y a lieu de se prononcer sur la requête de la société Seascape sur laquelle le juge d'instruction a omis de statuer ; que la société Seascape fait valoir que les conditions posées par l'article 99 alinéa 4 du code de procédure pénale qui énumèrent les cas dans lesquels il n'y a pas lieu à restitution et celui dans lequel elle peut être refusée ne sont pas en l'espèce réunies ; que, selon la requérante, l'article 222-44 7'du code pénal, qui prévoit à titre de peine complémentaire la confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction, renvoie à l'article 131-21 alinéa 2 du code pénal qui dispose que la confiscation porte sur tous les biens ayant servi à commettre l'infraction et dont le condamné est propriétaire ; que cette confiscation ne pourrait être en l'espèce prononcée dès lors que c'est elle qui est propriétaire du bateau le " Junior " et qu'elle n'est ni mise en examen ni même mise en cause ; que, selon l'article 99, 1er alinéa, du code de procédure pénale, la restitution des objets placés sous main de justice peut être refusée lorsque la confiscation de l'objet est prévue par la loi ; que l'article 222-49 du code pénal relatif au trafic de stupéfiants dispose que, dans les cas prévus par les articles 222-34 à 222-40 du même code, doit être prononcée la confiscation des installations, matériels et de tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l'infraction, ainsi que tout produit de celle-ci, à quelque personne qu'ils appartiennent et en quelque lieu qu'ils se trouvent, dès lors que leur propriétaire ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse ; qu'en l'espèce, le navire " Junior " a été arraisonné le 7 février 2008 alors qu'il transportait plus de trois tonnes de cocaïne ; qu'il a été saisi le 27 février 2008 ; que, plusieurs personnes sont poursuivies et mises en examen pour avoir participé au transport de la drogue qui se trouvait sur le bateau ; que la confiscation de celui-ci est prévue par la loi, d'où il suit que la demande de restitution doit être rejetée ;

2°- sur l'appel de l'ordonnance de remise au service des domaines du navire " Junior " :
" que la société Seascape Management Co soutient que le premier alinéa de l'article 99-2 du code de procédure pénale ne peut s'appliquer à la cause dans la mesure où le navire Junior serait sans contestation possible sa propriété comme en attesteraient les documents sociaux ; que, selon la société Seascape l'alinéa 2 de l'article 99 précité ne serait pas non plus applicable dans la mesure où elle n'a pas la qualité de personne poursuivie, non plus que Nikolaos
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qui n'a pas la qualité de mis en examen ; qu'il résulte du premier alinéa de l'article 99-2 du code de procédure pénale que le juge d'instruction peut ordonner, sous réserve des droits des tiers, la remise au service des domaines aux fins d'aliénation, des biens meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la restitution s'avère impossible parce que le propriétaire ne peut être identifié ; que Nikolaos
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, qui vient désormais soutenir qu'il n'est pas le propriétaire du bateau, en a pourtant d'abord revendiqué la propriété devant le juge d'instruction français puisqu'il a déposé en son nom propre une demande de restitution le 13 mai 2008 ; qu'il s'est également présenté devant le juge grec comme le propriétaire du navire, ainsi que cela résulte des pièces de la procédure ouverte en Grèce versées au dossier de la présente instruction ; qu'ainsi, dans une demande adressée au juge d'instruction d'Athènes, le 5 mai 2008, il écrit : " je suis propriétaire du bateau litigieux " Junior " lequel a été saisi par les autorités françaises " et " par l'intermédiaire de mon avocate fondée de pouvoir en France, j'intente une procédure devant les autorités françaises dans le but de récupérer mon bateau " ; que, dans un mémoire en défense auprès de ce même juge, il écrit : " le 7 février 2008 vers 22 h 50 une section de la brigade des stupéfiants est entrée dans mon bureau et m'ont posé différentes questions relatives à la saisie de mon bateau Junior par les autorités françaises " ; que, dans ses diverses auditions, il déclare :- "auparavant, je n'avais pas d'autre bateau, c'est mon premier ; en mai 2005 j'ai acheté le bateau suite à un arrangement, le bateau était dans le port de Vola et je l'ai acheté là " ; " vers mai 2005 j'ai acheté un petit bateau, I'Athanasios S " à la Société Navale Skopelos contre la somme de 270 000 euros ; après être entré en possession du bateau susmentionné, j'ai constitué la Société Navale " Lamda " où a été transféré le bateau afin de pouvoir travailler dans la zone Afrique ; j'ai contacté la compagnie " Seascape Management " qui siège dans les îles Marshall, et je I'y ai amené, j'ai hissé le pavillon du Panama et l'ai rebaptisé " Junior " ; " je vis de ce que je gagne avec le vapeur, j'ai acheté un petit bateau à vapeur avec lequel je gagne 5000 dollars " ; qu'au sujet des gains provenant de l'exploitation du navire, Nikolaos
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a reconnu devant le juge d'instruction que son représentant, Y..., les lui adressait, non au nom de Seascape, qui se prétend propriétaire, ni au nom de la société gestionnaire, mais au nom de sa femme, à son nom propre et sous le nom de " différentes autres personnes " ; que, dans le mandat de dépôt du 13 février 2008, le juge d'instruction d'Athènes relève que " l'accusé est le propriétaire du bateau M / V Junior lequel a servi le 8 février 2008, au transport de trois tonnes et 220 kilos de cocaïne " et que " pour couvrir sa conduite illégale, ce n'est qu'en décembre 2007 qu'il a donné procuration à son représentant en Afrique, Georgios Y..., pour agir en son nom par rapport au bateau ci-dessus, tandis que leur association a débuté en août 2007 ; la charte-partie qu'il évoque n'est pas signée mais elle a très bien pu être rédigée par lui-même, et ce fait ne parle pas en sa faveur " ; qu'il résulte en outre des pièces versées par l'avocat de
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devant la chambre de l'instruction et de celles de la procédure grecque que l'intéressé est président, administrateur et actionnaire unique de la société Seascape ; que l'ensemble des éléments ci-dessus énoncés caractérisent l'existence d'une contestation sérieuse sur la propriété du Junior qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de trancher ; que, compte tenu de cette contestation, le propriétaire du navire ne peut être identifié ; que, d'autre part, le maintien sous main de justice du Junior n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ; que c'est, dès lors, à juste titre que le juge d'instruction a ordonné sa remise au services des domaines ; que l'ordonnance attaquée doit être confirmée ;
" alors que la chambre de l'instruction ne pouvait retenir, d'un côté, pour refuser la demande de restitution du navire, que la confiscation d'un meuble était autorisée par la loi, à quelque personne qu'il appartienne, dès lors que son propriétaire ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse et, de l'autre, pour confirmer la remise de ce bâtiment au service des domaines, que le propriétaire du navire ne pouvait être identifié ; qu'en retenant tout à la fois que le propriétaire du navire était inconnu mais que la confiscation était justifiée, ce propriétaire ne pouvant ignorer l'utilisation frauduleuse qui était faite de son bien, la chambre s'est prononcée par des motifs nécessairement contradictoires " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 7 février 2008, un navire battant pavillon panaméen, qui transportait plus de trois tonnes de cocaïne, a été arraisonné en haute mer par un bâtiment de la larine française et placé sous main de justice ; que le juge d'instruction, saisi d'une information pour infractions à la législation sur les stupéfiants et complicité, a ordonné la remise de ce navire au service des domaines en vue de son aliénation ; qu'appel de cette décision a été interjeté par Nikolaos
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; que, par ailleurs, la société de droit étranger Seascape Management, dont Nikolaos
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serait le " mandataire " et unique associé, a saisi directement la chambre de l'instruction aux fins de restitution du navire ;
Attendu que, pour rejeter la demande de restitution de la société Seascape Management et confirmer l'ordonnance de remise du navire au service des domaines, l'arrêt relève, d'une part, que Nikolaos
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et la société Seascape Management ont successivement revendiqué la propriété du bâtiment, dont l'équipage était recruté pour le transport de cocaïne et qu'en cet état, la confiscation du bien ayant servi directement ou indirectement à la commission de l'infraction est prévue à l'article 222-49 du code pénal, à quelque personne qu'appartienne ce bien et que, d'autre part, la remise aux domaines est possible lorsque le propriétaire ne peut être identifié ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts de contradiction, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des articles 99 et 99-2 du code de procédure pénale ; D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Anzani conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-81949
Date de la décision : 05/01/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Saisie - Aliénation par les domaines - Saisie d'un bien meuble susceptible de confiscation ou de destruction - Conditions - Détermination

INSTRUCTION - Saisie - Aliénation par les domaines - Saisie d'un bien meuble susceptible de confiscation ou de destruction - Refus de restitution - Cas - Infraction de trafic de stupéfiants RESTITUTION - Juridictions d'instruction - Pouvoirs - Refus de restitution - Infraction de trafic de stupéfiants - Motifs - Propriétaire non identifié - Portée

Selon l'article 99 du code de procédure pénale, les juridictions d'instruction apprécient s'il y a lieu ou non d'accorder la restitution d'un objet placé sous main de justice et dont la confiscation est prévue par la loi. Selon l'article 99-2, alinéa 1er, du code de procédure pénale, les juridictions d'instruction peuvent ordonner la remise au service des domaines, aux fins d'aliénation, d'un bien meuble placé sous main de justice dont le propriétaire ne peut être identifié. Fait l'exacte application de ces dispositions, la chambre de l'instruction qui, d'une part, refuse la restitution d'un navire ayant transporté plusieurs tonnes de cocaïne, en retenant que la confiscation du bien ayant servi à la commission de l'infraction de trafic de stupéfiants est prévue par l'article 222-49 du code pénal, à quelque personne qu'appartienne ce bien, et qui, d'autre part, ordonne la remise de ce navire au service des domaines, en vue de son aliénation, en relevant que le propriétaire de ce bien n'a pu être identifié


Références :

articles 99 et 99-2, alinéa 1er, du code de procédure pénale

article 222-49 du code pénal

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 13 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 jan. 2010, pourvoi n°09-81949, Bull. crim. criminel 2010, n° 2
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 2

Composition du Tribunal
Président : Mme Anzani (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lucazeau
Rapporteur ?: M. Beauvais
Avocat(s) : Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.81949
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