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15/12/2009 | FRANCE | N°09-12734

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 décembre 2009, 09-12734


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 11 février 2009) que, les 18 et 21 mai 2001, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a autorisé des agents de l'administration fiscale, en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à effectuer des visites et saisies de documents dans des locaux et dépendances situés... à Marseille occupés notamment par la

société anonyme Navitrans, ... à Aix-en-Provence occupés par M. X... et...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 11 février 2009) que, les 18 et 21 mai 2001, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a autorisé des agents de l'administration fiscale, en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à effectuer des visites et saisies de documents dans des locaux et dépendances situés... à Marseille occupés notamment par la société anonyme Navitrans, ... à Aix-en-Provence occupés par M. X... et... à Châteauneuf-le-Rouge occupés par M. Y..., en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société anonyme Navitrans ; que, saisi des appels de la société Agence maritime africaine anciennement dénommée Navitrans (la société) et de MM. X... et Y..., le premier président de la cour d'appel a joint les recours et dit n'y avoir lieu à annulation des décisions entreprises ;

Attendu que la société et MM. X... et Y... font grief à l'ordonnance d'avoir rejeté leurs demandes d'annulation, alors, selon le moyen :

1° / que les personnes faisant l'objet d'une visite et d'une saisie domiciliaires doivent bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif, ce qui implique la présence obligatoire du juge pendant les opérations, ou la possibilité pour le contribuable de l'avertir directement d'éventuelles difficultés et l'information du contribuable de l'existence et des modalités pratiques de ce droit, ou encore le droit pour le contribuable de contacter un conseil de son choix et l'information de ce dernier de l'existence de ce droit, afin notamment que ledit conseil puisse informer le contribuable de son droit de saisir le juge pendant les opérations de visite ou le saisir en son nom ; qu'en retenant que les contrôles juridictionnels existant, qui n'étaient pourtant assortis d'aucune de ces obligations, étaient suffisamment effectifs, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2° / que les personnes faisant l'objet d'une visite et d'une saisie domiciliaires doivent bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif par un tribunal indépendant et impartial, ce qui implique que le juge respecte son obligation légale de vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée et ce qui s'oppose, quel que soit le contrôle effectif réalisé par le juge, à ce que ce dernier signe une ordonnance pré-rédigée par l'administration fiscale ; qu'après avoir constaté que le juge avait signé un document rédigé par l'administration, et d'ailleurs rigoureusement identique au texte signé par des juges à Marseille, Aix-en-Provence et Evry, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3° / que les personnes subissant une visite et une saisie à leur domicile en raison de soupçons de fraude fiscale sont des accusées au sens de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et doivent par conséquent être informées de la faculté de faire appel à un conseil de leur choix ; qu'en retenant que le contribuable dans cette situation ne pouvait être considéré comme un accusé au sens de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a violé ces stipulations ;

Mais attendu, en premier lieu, que les motifs et le dispositif de chacune des deux ordonnances rendues en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui les a rendues et signées ; que la circonstance que ces décisions soient rédigées dans les mêmes termes que d'autres décisions visant les mêmes personnes et rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence, est sans incidence sur leur régularité ;

Et attendu, en second lieu, que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 introduit dans l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales la possibilité d'un recours devant le premier président de la cour d'appel contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie ; que, lorsque le procès-verbal ou l'inventaire prévus par l'article L. 16 B a été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, le recours peut être formé dans les mêmes cas et délais et selon les mêmes modalités que l'appel contre l'ordonnance ayant autorisé ces opérations ; que, dès lors, le premier président ne peut être saisi de la contestation des conditions dans lesquelles celles-ci ont été effectuées que dans le cadre du recours spécifiquement prévu par ladite loi ; que la société et MM. X... et Y..., qui ont déclaré relever appel des ordonnances des 18 et 21 mai 2001 et non former un recours contre le déroulement desdites opérations, ne sont pas recevables à le critiquer ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Agence maritime africaine et MM. X... et Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au directeur général des finances publiques et à la Direction nationale d'enquêtes fiscales la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par Me Blanc, avocat aux Conseils, pour la société Agence maritime africaine et de MM. X... et Y....

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir dit n'y avoir lieu à annuler les ordonnances rendues les 18 et 21 mai 2001 ayant autorisé les visites et saisies par l'administration fiscale dans les locaux de la société Agence maritime africaine et aux domiciles de MM. X... et Y... ;

Aux motifs que si la loi nouvelle ne prévoyait pas pour l'occupant des lieux la faculté de saisir le juge ayant autorisé la visite domiciliaire, il n'en demeurait pas moins que celle-ci s'effectuait sous son autorité et son contrôle, qu'il pouvait se rendre dans les locaux pendant l'intervention et décider à tout moment la suspension ou l'arrêt de la visite ; qu'en outre, aux termes de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales, le premier président connaissait désormais des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie et tant le procès-verbal que l'inventaire devaient mentionner le délai et la voie de recours ; que ce contrôle effectif sur les opérations de visite et de saisie satisfaisait aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment l'article 6 ; qu'il était soutenu encore que les décisions attaquées ne satisfaisaient pas aux exigences de la Convention en ce que les juges ayant donné l'autorisation ne s'étaient pas livrés à un contrôle effectif du bien-fondé de la demande de l'administration, en se contentant d'apposer leur signature au pied d'un texte préparé par l'administration ; que cela ressortait du fait qu'avaient été rendues concomitamment à Marseille, Aix-en-Provence et Evry trois décisions rigoureusement identiques ; mais que ce seul fait ne permettait pas de présumer que le juge avait rendu sa décision sans examiner les pièces produites par l'administration et sans adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation ; qu'enfin les décisions attaquées ne mentionnaient pas la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix, ladite faculté ayant été introduite par la loi de 2008, mais que c'était à bon droit que l'intimé faisait valoir que l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme était relative au droit d'un accusé, et qu'en l'occurrence le contribuable ou l'occupant des lieux chez qui la visite domiciliaire avait lieu n'était pas un accusé au sens de la Convention ;

Alors que, 1°) les personnes faisant l'objet d'une visite et d'une saisie domiciliaires doivent bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif, ce qui implique la présence obligatoire du juge pendant les opérations, ou la possibilité pour le contribuable de l'avertir directement d'éventuelles difficultés et l'information du contribuable de l'existence et des modalités pratiques de ce droit, ou encore le droit pour le contribuable de contacter un conseil de son choix et l'information de ce dernier de l'existence de ce droit, afin notamment que ledit conseil puisse informer le contribuable de son droit de saisir le juge pendant les opérations de visite ou le saisir en son nom ; qu'en retenant que les contrôles juridictionnels existant, qui n'étaient pourtant assortis d'aucune de ces obligations, étaient suffisamment effectifs, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

Alors que, 2°) les personnes faisant l'objet d'une visite et d'une saisie domiciliaires doivent bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif par un tribunal indépendant et impartial, ce qui implique que le juge respecte son obligation légale de vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée et ce qui s'oppose, quel que soit le contrôle effectif réalisé par le juge, à ce que ce dernier signe une ordonnance pré-rédigée par l'administration fiscale ; qu'après avoir constaté que le juge avait signé un document rédigé par l'administration, et d'ailleurs rigoureusement identique au texte signé par des juges à Marseille, Aix-en-Provence et Evry, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 16 b du livre des procédures fiscales et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

Alors que, 3°) les personnes subissant une visite et une saisie à leur domicile en raison de soupçons de fraude fiscale sont des accusées au sens de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme et doivent par conséquent être informées de la faculté de faire appel à un conseil de leur choix ; qu'en retenant que le contribuable dans cette situation ne pouvait être considéré comme un accusé au sens de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, la cour d'appel a violé ces stipulations.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-12734
Date de la décision : 15/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires - Article L. 16 B du livre des procédures fiscales - Voies de recours - Appel contre l'ordonnance d'autorisation - Critique du déroulement des opérations de visite et saisies - Irrecevabilité

La partie qui a déclaré relever appel d'une ordonnance autorisant, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, des opérations de visite et saisies domiciliaires et non former un recours contre leur déroulement, n'est pas recevable à critiquer ce dernier


Références :

article L. 16 B du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 déc. 2009, pourvoi n°09-12734, Bull. civ. 2009, IV, n° 171
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 171

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : Me Blanc, Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.12734
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