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09/12/2009 | FRANCE | N°08-18559

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 décembre 2009, 08-18559


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 avril 2008), que le 23 juin 1998, M. X... a donné à bail rural avec effet au 1er janvier 1998 pour une durée de neuf ans à la société civile d'exploitation agricole Les Crevoulins (SCEA) un bien immobilier comprenant une maison d'habitation et une parcelle de terre de 2404 m ² ; que le 15 janvier 2002, il a vendu ce bien aux Époux Y... ; que par acte du même jour, M. Y... est convenu avec la SCEA de résilier le bail, en contre

partie par celui-ci du paiement d'une indemnité d'éviction ; que pa...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 avril 2008), que le 23 juin 1998, M. X... a donné à bail rural avec effet au 1er janvier 1998 pour une durée de neuf ans à la société civile d'exploitation agricole Les Crevoulins (SCEA) un bien immobilier comprenant une maison d'habitation et une parcelle de terre de 2404 m ² ; que le 15 janvier 2002, il a vendu ce bien aux Époux Y... ; que par acte du même jour, M. Y... est convenu avec la SCEA de résilier le bail, en contrepartie par celui-ci du paiement d'une indemnité d'éviction ; que par lettre du 16 février 2003, les époux Y... ont proposé à la SCEA de nouvelles modalités de règlement de l'indemnité d'éviction ; que le 17 février 2003, la vente a été réitérée par acte authentique ; que le 8 décembre 2006, la SCEA a saisi la juridiction des baux ruraux afin de faire condamner les époux Y... à lui payer l'indemnité d'éviction convenue ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen,
1° / qu'est nulle pour défaut de cause la convention portant paiement d'une indemnité d'éviction en contrepartie de la résiliation d'un bail rural et de l'abandon par le preneur de ses droits de fermage dès lors que le bail rural est fictif ; que tel est le cas d'un bail qui ne porte pas sur des biens à vocation agricole et pour lequel le preneur ne justifie d'aucune exploitation agricole ni d'aucun paiement de fermage ; qu'en refusant en l'espèce d'apprécier la validité de la convention au regard de la validité du bail invoqué, au motif que les parties étaient libres de se soumettre au statut du fermage quand bien même les conditions légales de ce statut feraient défaut, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil ;
2° / qu'une convention ne peut être signée que par des parties ayant qualité et par les représentants légaux des personnes morales ; que seul le propriétaire d'un bien objet d'un bail rural, et non un futur propriétaire, a qualité pour résilier ce contrat ; qu'en l'espèce, ce n'est que par acte du 17 février 2003 que la vente définitive du bien immobilier objet d'un prétendu bail rural a été conclue ; que c'est seulement à partir de cette date que M. Y... est devenu propriétaire ; qu'en outre, il est constant que le représentant légal de la SCEA Les Crevoulins n'était pas M. Z... ; qu'en déclarant néanmoins régulier l'acte de résiliation du bail conclu le 15 janvier 2002 entre M. Y... et la SCEA Les Crevoulins représentée par M. Z..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la réalité matérielle du bail rural, écrit et enregistré, ne pouvait être discutée, retenu à bon droit que les parties étaient libres de soumettre leurs relations au statut du fermage alors même que les conditions légales de ce statut feraient défaut et qu'en vertu de la liberté contractuelle, rien ne s'opposait à ce que M. Y... conclût par avance avec le preneur un accord relatif au bail rural grevant la propriété qu'il s'était engagé à acquérir, convention soumise à la condition suspensive non écrite mais constituant, au sens de l'article 1135 du code civil, une suite évidente et naturelle de l'accord, que la vente se concrétisât définitivement, ce qui avait été le cas, la cour d'appel, après avoir écarté les erreurs matérielles contenues dans l'acte en cause, en a justement déduit que M. Y... était lié par son engagement du 15 janvier 2002 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer la somme de 2 500 euros à la SCEA Les Crevoulins ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour M. Y....
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur André Y... à payer à la SCEA LES CREVOULINS la somme de 60. 979, 61 €, AUX MOTIFS QUE c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que le premier juge a relevé que les parties étaient libres de soumettre leurs relations au statut du fermage alors même que les conditions légales de ce statut feraient défaut, ensuite condamné André Y... à payer à la SCEA LES CREVOULINS l'indemnité d'occupation convenue dans l'acte de résiliation du 15 janvier 2001 après avoir exactement relevé qu'en l'état de l'acte de résiliation du 15 janvier 2001, il n'apparaissait ni mensonger ni frauduleux que l'acte définitif du 17 février 2003 mentionne que l'immeuble était libre de « tout obstacle légal, contractuel ou administratif », qu'André Y... ne contestant ni le contenu matériel ni la signature de la convention du 15 janvier 2001, les irrégularités que celleci peut comporter au regard des articles 1325 et 1326 du Code civil ne peuvent avoir aucune incidence sur sa validité ; que le fait que l'en-tête de cette convention comporte les mentions erronées qu'André Y... est le bailleur et que la SCEA LES CREVOULINS est représentée par Monsieur Z... est sans conséquence sur sa validité dès lors que d'une part il y est précisé qu'André Y... s'est porté acquéreur du bien et que rien ne s'opposait à ce qu'il conclût par avance un accord relatif au bail rural grevant ce bien, que d'autre part, Jacques X... en est le signataire et qu'en tant que gérant il avait bien qualité pour engager la SCEA LES CREVOULINS ; qu'il se déduit de la lettre du 16 mars 2003 qu'André Y... avait une parfaite connaissance de la nature et de la portée de son engagement, que l'indemnité d'éviction ne correspondait pas à une garantie pour des travaux à réaliser dans l'immeuble et que la preuve d'une erreur d'un dol ou d'une violence de nature à vicier son consentement n'est pas rapportée ; qu'André Y... ne rapporte pas davantage la preuve que la lettre du 16 février 2003 lui ait été extorquée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE ce bail rural écrit, versé aux débats, a fait l'objet d'un enregistrement le 21 / 6 / 2001 ; que les arguments des époux Y... quant à l'absence de validité de ce bail apparaissent insuffisamment convaincants du fait que Monsieur X..., en qualité de bailleur de la SCEA LES CREVOULINS, locataire, dont M. X... est le gérant, sont des personnes juridiques distinctes de sorte que l'existence d'un bail rural entre elles ne constitue ni une impossibilité contractuelle, ni la preuve d'une fraude ; qu'aucun obstacle juridique ne s'oppose à ce que les parties contractantes conviennent, même si les conditions légales de ce statut font défaut, de soumettre leurs relations au statut du fermage ; qu'il n'apparaît en l'espèce ni mensonger ni frauduleux que l'acte définitif de vente du fonds immobilier en date du 17 / 2 / 2003 mentionne que l'immeuble est libre de « tout obstacle légal, contractuel ou administratif », l'acte antérieur du 15 / 1 / 2002 ayant eu justement pour objet de mettre un terme au bail rural qui le grevait ; qu'il doit être ainsi considéré que le bail du 28 / 6 / 1998, s'il ne saurait lier les époux Y..., tiers à ce contrat, constitue néanmoins à leur égard un fait juridique qui leur est opposable en application des articles 1165 et suivants du Code civil ;
Alors que, d'une part, est nulle pour défaut de cause la convention portant paiement d'une indemnité d'éviction en contrepartie de la résiliation d'un bail rural et de l'abandon par le preneur de ses droits de fermage dès lors que le bail rural est fictif ; que tel est le cas d'un bail qui ne porte pas sur des biens à vocation agricole et pour lequel le preneur ne justifie d'aucune exploitation agricole ni d'aucun paiement de fermage ; qu'en refusant en l'espèce d'apprécier la validité de la convention au regard de la validité du bail invoqué, au motif que les parties étaient libres de se soumettre au statut du fermage quand bien même les conditions légales de ce statut feraient défaut, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;
Alors que, d'autre part et à titre subsidiaire, une convention ne peut être signée que par des parties ayant qualité et par les représentants légaux des personnes morales ; que seul le propriétaire d'un bien objet d'un bail rural, et non un futur propriétaire, a qualité pour résilier ce contrat ; qu'en l'espèce, ce n'est que par acte du 17 février 2003 que la vente définitive du bien immobilier objet d'un prétendu bail rural a été conclue ; que c'est seulement à partir de cette date que M. Y... est devenu propriétaire ; qu'en outre, il est constant que le représentant légal de la SCEA LES CREVOULINS n'était pas M. Z... ; qu'en déclarant néanmoins régulier l'acte de résiliation du bail conclu le 15 janvier 2002 entre M. Y... et la SCEA LES CREVOULINS représentée par M. Z..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-18559
Date de la décision : 09/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Statut du fermage et du métayage - Domaine d'application - Soumission conventionnelle au statut - Possibilité - Défaut de réunion des conditions légales de ce statut - Absence d'influence

Les parties sont libres de soumettre leurs relations au statut du fermage alors même que les conditions légales de ce statut font défaut


Références :

articles 1134 et 1135 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 avril 2008

Sur la soumission volontaire au statut des baux ruraux, à rapprocher :3e Civ., 10 juillet 1978, pourvoi n° 77-11188, Bull. 1978, III, n° 290 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 déc. 2009, pourvoi n°08-18559, Bull. civ. 2009, III, n° 272
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 272

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Gariazzo (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Philippot
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18559
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