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25/11/2009 | FRANCE | N°08-18655

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 novembre 2009, 08-18655


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la SCI du Moulin de Nesles (la SCI) est propriétaire d'un moulin à eau sur la rivière de l'Yerres, occupé par M. X... ; que le syndicat intercommunal d'aménagement de la vallée de l'Yerres (le SIAVY) a installé un clapet semi-automatique à la place de l'ancien déversoir du moulin ; que, se plaignant de ce que la présence d'un cadenas sur ce clapet les empêchait de réguler le niveau de l'eau, la SCI et M. X... ont assigné le SIAVY devant un tribunal de grande instance pour qu'il lui soit

enjoint de reconstruire le déversoir et qu'il soit condamné au paie...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la SCI du Moulin de Nesles (la SCI) est propriétaire d'un moulin à eau sur la rivière de l'Yerres, occupé par M. X... ; que le syndicat intercommunal d'aménagement de la vallée de l'Yerres (le SIAVY) a installé un clapet semi-automatique à la place de l'ancien déversoir du moulin ; que, se plaignant de ce que la présence d'un cadenas sur ce clapet les empêchait de réguler le niveau de l'eau, la SCI et M. X... ont assigné le SIAVY devant un tribunal de grande instance pour qu'il lui soit enjoint de reconstruire le déversoir et qu'il soit condamné au paiement de dommages-intérêts ; que le SIAVY a soulevé l'incompétence des tribunaux de l'ordre judiciaire au profit de ceux de l'ordre administratif ; que l'arrêt attaqué a accueilli cette exception d'incompétence ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 544 et 1382 du code civil ;

Attendu que pour accueillir l'exception d'incompétence l'arrêt retient que les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent prescrire une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public qu'à la double condition que la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'ait été engagée ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté qu'il était acquis aux débats que la réalisation de l'ouvrage procédait d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont disposait l'autorité administrative, alors que, si une procédure de régularisation appropriée engagée par l'autorité administrative rendait effectivement les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour prescrire une mesure portant atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, ces juridictions restaient compétentes pour statuer sur les demandes indemnitaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de la demande d'indemnité présentée par la SCI et M. X..., l'arrêt rendu le 15 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société du Moulin de Nesles

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour statuer sur le litige opposant Monsieur X... et la SCI du Moulin de NESLES au Syndicat Intercommunal d'Aménagement de la Vallée de YERRES ;

AUX MOTIFS QUE le SIAVY admet que la réalisation du clapet automatique constitue une voie de fait, mais soutient que, l'ouvrage revêtant un caractère d'intérêt général et une procédure de régularisation étant actuellement en cours, il n'appartient pas au juge judiciaire de décider de son éventuelle destruction ; que les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent prescrire une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public qu'à la double condition que la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'ait été engagée ; qu'il ressort de la lettre du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de la Seine-et-Marne du 6 février 2007 qu'en exécution de l'arrêté préfectoral n° 80/DDA/HY/503, le SIAVY, qui a été autorisé à exécuter des travaux d'aménagement sur l'Yerres, a remplacé le déversoir litigieux par un barrage à clapet afin de faciliter l'évacuation des crues importantes et de permettre un auto-curage de la rivière ; que s'il est acquis aux débats que la réalisation de cet ouvrage procédait d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont disposait l'autorité administrative, cependant, il résulte du compte-rendu de la réunion du comité syndical du SIAVY en date du 23 mars 2007 que celui-ci a décidé à l'unanimité la création d'une déclaration d'utilité publique pour permettre un accès permanent au clapet semi-automatique du Moulin de NESLES ; que, par lettre du 31 janvier 2008, M. Christian Y... du centre d'ingénierie aquatique confirme que son cabinet a été retenu par le SIAVY « pour la réalisation du document de déclaration d'utilité publique pour la récupération de la propriété et de l'accès au vannage du SIABY (sic) situé sur la propriété de M. X... », cette étude étant programmée sur le premier semestre 2008 ; qu'il ressort de ces éléments que l'appelant a engagé une procédure tendant à une expropriation lui permettant un accès permanent au clapet automatique du Moulin de NESLES, laquelle constitue une régularisation appropriée de la situation née de la voie de fait ; qu'en conséquence, les juridiction de l'ordre judiciaires ne sont pas compétentes pour statuer sur le présent litige et qu'il y a lieu à renvoyer les parties à mieux se pourvoir, la décision entreprise étant infirmée ;

ALORS QU'en cas d'atteinte à la propriété immobilière, qu'elle constitue une voie de fait ou seulement une emprise irrégulière, les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour statuer sur la réparation de l'ensemble des préjudices qui en découlent ; que la Cour d'appel a constaté qu'il était acquis aux débats que la réalisation de l'ouvrage litigieux «procédait d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont disposait l'autorité administrative » ; qu'en décidant, bien qu'elle ait ainsi constaté l'existence d'une voie de fait, que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient incompétentes pour connaître du litige relatif à la réparation des préjudices en découlant, la Cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour statuer sur le litige opposant Monsieur X... et la SCI du Moulin de NESLES au Syndicat Intercommunal d'Aménagement de la Vallée de YERRES ;

AUX MOTIFS QUE le SIAVY admet que la réalisation du clapet automatique constitue une voie de fait, mais soutient que, l'ouvrage revêtant un caractère d'intérêt général et une procédure de régularisation étant actuellement en cours, il n'appartient pas au juge judiciaire de décider de son éventuelle destruction ; que les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent prescrire une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public qu'à la double condition que la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'ait été engagée ; qu'il ressort de la lettre du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de la Seine-et-Marne du 6 février 2007 qu'en exécution de l'arrêté préfectoral n° 80/DDA/HY/503, le SIAVY, qui a été autorisé à exécuter des travaux d'aménagement sur l'Yerres, a remplacé le déversoir litigieux par un barrage à clapet afin de faciliter l'évacuation des crues importantes et de permettre un auto-curage de la rivière ; que s'il est acquis aux débats que la réalisation de cet ouvrage procédait d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont disposait l'autorité administrative, cependant, il résulte du compte-rendu de la réunion du comité syndical du SIAVY en date du 23 mars 2007 que celui-ci a décidé à l'unanimité la création d'une déclaration d'utilité publique pour permettre un accès permanent au clapet semi-automatique du Moulin de NESLES ; que, par lettre du 31 janvier 2008, M. Christian Y... du centre d'ingénierie aquatique confirme que son cabinet a été retenu par le SIAVY « pour la réalisation du document de déclaration d'utilité publique pour la récupération de la propriété et de l'accès au vannage du SIABY (sic) situé sur la propriété de M. X... », cette étude étant programmée sur le premier semestre 2008 ; qu'il ressort de ces éléments que l'appelant a engagé une procédure tendant à une expropriation lui permettant un accès permanent au clapet automatique du Moulin de NESLES, laquelle constitue une régularisation appropriée de la situation née de la voie de fait ; qu'en conséquence, les juridiction de l'ordre judiciaires ne sont pas compétentes pour statuer sur le présent litige et qu'il y a lieu à renvoyer les parties à mieux se pourvoir, la décision entreprise étant infirmée ;

1) ALORS QUE si la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer sur la démolition de l'ouvrage irrégulièrement édifié par l'administration et portant atteinte à la propriété immobilière est exclue lorsqu'une procédure de régularisation appropriée a été engagée, l'existence d'une telle procédure ne saurait être caractérisée lorsque les actes invoqués sont seulement préparatoires et n'ont aucune portée juridique, de sorte que la procédure de régularisation n'a pas encore été engagée ; qu'en jugeant que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient incompétentes pour connaître du litige relatif à la voie de fait commise par le Syndicat Intercommunal d'Aménagement de la Vallée de Yerres car il ressortait d'une délibération du 23 mars 2007 que le SIAVY avait décidé de la création d'une déclaration d'utilité publique et que par lettre du 31 janvier 2008 il avait été confirmé que le centre d'ingénierie aquatique s'était vu retenu pour la réalisation du document de déclaration d'utilité publique, quand ces documents simplement préparatoires ne pouvaient établir qu'une procédure de régularisation appropriée avait été engagée, la Cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII ;

2) ALORS QU'en toute hypothèse la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer sur la démolition de l'ouvrage irrégulièrement édifié par l'administration et portant atteinte à la propriété immobilière ne peut être exclue que lorsqu'une procédure de régularisation présentant un caractère approprié a été engagée ; qu'il résulte des propres constatations de la Cour d'appel que la procédure prétendument engagée n'a pour objet que l'acquisition d'un accès permanent au barrage litigieux, et non celle du terrain d'assiette de ce barrage ; que jugeant que la procédure de régularisation prétendument engagée présentait un caractère approprié, la Cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-18655
Date de la décision : 25/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Contentieux de la voie de fait - Voie de fait - Définition - Acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration - Applications diverses - Réalisation d'un ouvrage public - Portée

Si, dans l'hypothèse où la réalisation d'un ouvrage public procède d'un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative, une procédure de régularisation appropriée engagée par l'autorité administrative rend les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour prescrire une mesure portant atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement de cet ouvrage, ces juridictions restent compétentes pour statuer sur les demandes indemnitaires


Références :

articles 544 et 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 2008

Sur la distinction entre les demandes indemnitaires et les demandes tendant à la suppression de l'ouvrage public, à rapprocher :Tribunal des conflits, 6 mai 2002, n° 3287, Bull. 2002, T. conflits, n° 10 Sur la compétence judiciaire s'agissant de la réparation d'une voie de fait commise par une commune, à rapprocher :3e Civ., 23 mai 2006, pourvoi n° 04-12488, Bull. 2006, III, n° 267 (rejet) ;3e Civ., 12 juillet 2006, pourvoi n° 05-16107, Bull. 2006, III, n° 173 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 nov. 2009, pourvoi n°08-18655, Bull. civ. 2009, I, n° 236
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 236

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: M. Falcone
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18655
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