LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause la société Atelier d'architecture et d'urbanisme ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 avril 2005), que la société civile immobilière LMR (la SCI) et la société Syle (la société), respectivement propriétaire et preneur à bail commercial d'un terrain sur lequel la commune de Pierrelaye (la commune), pour assurer la desserte de la station-service exploitée à proximité par la société AS 24, par ailleurs maître d'ouvrage, a fait exécuter par l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France (l'entreprise), sous la maîtrise d'oeuvre de la société Atelier d'architecture et d'urbanisme (l'architecte), des travaux de creusement d'une tranchée empiétant sur la parcelle de la SCI louée à la société, ont assigné la commune, l'entreprise, l'architecte et la société AS 24 en vue de la remise en état des lieux et du paiement de dommages-intérêts pour voie de fait et, subsidiairement, emprise irrégulière ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI et la société font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de la société, alors, selon le moyen :
1° que, dès lors que le propriétaire a conféré un droit au locataire, le locataire est en droit d'agir à l'encontre de l'auteur de la voie de fait, pour être rétabli dans ses droits, dès lors que la voie de fait y a porté atteinte ; qu'en décidant par principe que le locataire ne pouvait se prévaloir de la voie de fait, faute d'intérêt légitime, les juges du fond ont violé les articles 30 et 31 du nouveau code de procédure civile, l'article 1709 du code civil, ensemble les règles régissant la voie de fait ;
2° qu'en toute hypothèse, faute d'avoir recherché si la voie de fait imputée à la commune ne portait pas atteinte aux droits que la société Syle tenait du contrat de bail, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard des articles 30 et 31 du nouveau code de procédure civile, 1709 du code civil, ensemble au regard des règles régissant la voie de fait ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les travaux d'élargissement empiétaient sur le terrain appartenant à la SCI, donné à bail à la société, la cour d'appel, qui a retenu que la voie de fait et l'emprise irrégulière constatées sanctionnaient une atteinte à la propriété immobilière et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que la demande de la société preneuse à bail était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la SCI et la société font grief à l'arrêt de mettre hors de cause l'architecte, l'entreprise et la société AS 24, alors, selon le moyen :
1° qu'à supposer même que la mesure de remise en état ne puisse être prononcée à l'encontre des participants à l'opération, ceux-ci peuvent néanmoins être condamnés avec l'administration, in solidum, aux réparations pécuniaires, dès lors qu'ils ont agi en connaissance de l'absence de droits de l'administration sur la parcelle illégalement appréhendée ; qu'en refusant par principe de condamner les participants à l'opération, les juges du fond ont violé l'article 1382 du code civil, ensemble les règles régissant la voie de fait ;
2° qu'en toute hypothèse, faute d'avoir recherché si les participants à l'opération connaissaient l'absence de droits de la commune sur la parcelle illégalement appropriée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et des règles régissant la voie de fait ;
Mais attendu, d'une part, que la SCI et la société n'ayant pas soutenu dans leurs conclusions d'appel que la société AS 24 et l'architecte avaient agi en connaissance de l'absence de droits de la commune, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la voie de fait sanctionnait la dépossession immobilière et que la société AS 24, l'entreprise et l'architecte ne s'étaient pas appropriés le terrain en cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la SCI devait être déboutée de ses demandes contre la société AS 24, l'entreprise et l'architecte ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 544 et 545 du code civil ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu d'ordonner la remise en état des lieux, l'arrêt retient que l'incorporation sans aucun titre dans le domaine public communal d'une partie du terrain appartenant à la SCI est insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à la commune, que la voie de fait est caractérisée et que le préjudice subi par la SCI est entièrement réparé par les dommages-intérêts alloués ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater qu'une procédure de régularisation appropriée avait été engagée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'ordonner la remise en état des lieux, l'arrêt rendu le 14 avril 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.