LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 145, 496, 497 et 561 du code de procédure civile ;
Attendu que la cour d'appel saisie de l'appel d'une décision qui avait rétracté une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue et doit statuer sur le mérite de la requête ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Galerie Michel Giraud qui avait acheté en commun avec la société JDV différents objets d'art en vue de les revendre, a saisi le président d'un tribunal de commerce d'une requête tendant à obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice avec pour mission de se rendre dans les locaux de la société JDV, de l'interroger sur les ventes d'objets communs qu'elle avait réalisées, de se faire remettre copie des factures de ventes correspondantes et des livres de ventes des années 1999 à 2006, enfin de dresser l'inventaire des objets présents ; que la société JDV, faisant valoir que l'auteur de la requête avait dissimulé l'existence d'une instance en cours ayant le même objet, a demandé la rétractation de l'ordonnance ayant accueilli la demande ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance ayant accueilli la demande de rétractation, l'arrêt énonce qu'il est vain aujourd'hui, de discourir sur le fait de savoir si le litige éventuel était ou non distinct de celui pendant devant le tribunal de commerce alors que cette question devait être appréciée par le juge des requêtes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si, à la date de la requête, il n'existait pas un litige dont la solution pouvait dépendre de la mesure sollicitée, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société JDV aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Galerie Michel Giraud.
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance du 17 octobre 2007 en toutes ses dispositions et d'avoir dit que l'exposante devra restituer à la société JDV tous les éléments établis (ou obtenus) en originaux ou en copie à l'occasion du constat dressé par la SCP Benhamou – Hadjedj – Jacubowicz le 16 novembre 2007.
AUX MOTIFS QUE l'utilisation d'une mesure non contradictoire justifiée – en l'espèce – suppose du requérant un devoir de loyauté envers le juge encore plus impératif que dans une procédure contradictoire ; qu'il est vain aujourd'hui, de discourir sur le fait de savoir si le litige éventuel était ou non distinct de celui pendant devant le tribunal de commerce alors que cette question devait être appréciée par le juge des requêtes ; qu'en occultant, délibérément, un élément important du litige, permettant au juge des requêtes d'être normalement éclairé sur celui-ci, le requérant a adopté un comportement déloyal qui a justement conduit ledit juge à rétracter son ordonnance.
1°) ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ; que le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des attributions du juge qui l'a rendue et doit, après débat contradictoire, statuer sur les mérites de la requête ; qu'en refusant de rechercher si la condition d'absence de tout procès était remplie à la date de la saisine du juge des requêtes au motif que cette question devait être appréciée par le juge des requêtes, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 145, 496 et 497 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en application de l'article 145 du code de procédure civile que si le juge du fond n'est pas saisi du procès en vue duquel la mesure est sollicitée ; que quand bien même le demandeur à la mesure d'instruction aurait omis d'informer le juge des requêtes de l'existence d'une autre procédure, le juge saisi d'une demande de rétractation doit rechercher, par lui-même, si ladite procédure était la même que celle engagée sur le fondement de l'article 145, dans son objet, dans sa cause et dans ses parties ; qu'en énonçant, pour refuser de procéder à cette recherche, que la société Galerie Michel Giraud avait délibérément occulté un élément important du litige, la cour d'appel a encore violé l'article 145 du code de procédure civile.