LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,- LA SOCIÉTÉ X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13e chambre, en date du 7 avril 2008, qui, pour infraction à la législation sur les contributions indirectes, les a solidairement condamnés à une amende pénale et à des pénalités fiscales ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § § 3 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des articles 303, 304, 306, 1791, 1794 et 1813 du code général des impôts, des articles 50 A à 50 C de l'annexe IV au code général des impôts, des articles 111-4, 112-1, 121-3 et 122-3 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X... et Pierre X... coupables d'avoir, à Lisses, dans le département de l'Essonne, courant 2006, en tout cas depuis temps non prescrit et sur le territoire national, contrevenu à la législation applicable aux appareils propres à la distillation, en procédant à l'acquisition d'un appareil ou portion d'appareil sans autorisation préalable, en infraction aux dispositions des articles 306 du code général des impôts, 50 A à 50 C de l'annexe IV du même code, réprimée par les dispositions des articles 1791, 1794-1 ° et 1813 du code général des impôts, relevée par procès-verbal de notification en date du 8 mars 2006 et les a condamnés solidairement à une amende de 25 euros, à une pénalité proportionnelle, égale à une fois la valeur de l'appareil, soit 1 250 euros, à une amende pénale de 1 000 euros et au paiement de la somme de 1 250 euros pour tenir lieu de confiscation de l'appareil ;
"aux motifs que la société X... a comme activité l'achat, la vente de matériel pour la chimie, la pharmacie et la cosmétique ; que cette activité porte notamment sur des appareils propres à la distillation, communément appelés alambics, lesquels sont soumis aux dispositions du code général des impôts qui assurent le suivi de leur contrôle, du constructeur jusqu'au destinataire final de l'appareil ; qu'à ce titre, la société X... est un assujetti à la législation des contributions indirectes, agréé en 2002 après mise en place d'un cautionnement couvrant l'ensemble des garanties exigées pour des échanges, tant nationaux qu'intra-communautaires ; que, le 27 février 2006, la responsable administrative de la société X... s'est présentée à la recette des douanes de Corbeil-Évry pour faire viser un document administratif d'accompagnement émis par la société Biehler pour couvrir la circulation d'un élément d'appareil à distiller, échangeur R1K965B, que la société X... avait acheté auprès de cette société ; que, … la réglementation des appareils ou portions d'appareils propres à la distillation est fixée par les articles 303 à 311 du code général des impôts ; que cette réglementation s'applique aux fabricants et marchands d'appareils qui doivent : - déclarer leur profession, - tenir un registre spécial des fabrications, réceptions et livraisons des appareils et portions d'appareils, - recevoir la copie de l'autorisation préalable certifiée conforme par le service des douanes que tout acquéreur est tenu de présenter ; que les articles 306 du code général des impôts et 50 A à 50 E de son annexe IV, imposent d'obtenir auprès de la direction régionale des douanes et droits indirects une autorisation préalable expresse pour tout achat d'appareil ou portion d'appareil, cette obligation s'imposant à tout acquéreur ; que la réglementation (article 308) s'impose encore au détenteurs finaux des appareils (les clients de la société X...) qui doivent en déclarer la détention, cette déclaration permettant l'identification des détenteurs par inscription au registre général des alambics après poinçonnage des appareils pour leur attribuer un numéro ; qu'enfin, aux termes de l'article 307, les appareils relevant de cette réglementation ne peuvent circuler que sous le couvert d'un titre de mouvement, document d'accompagnement administratif (DAA) ou commercial (DAC) ; que la société X..., qui est un acheteur revendeur d'appareils qu'elle n'utilise pas elle-même en vue d'une distillation, était donc tenue de l'obligation d'autorisation préalable à tout achat imposée par les articles 306 du code général des impôts et 50A de l'annexe IV ; que la portion d'appareil, échangeur R1K965B, acheté auprès de la société Biehler est un élément se retrouvant dans tout appareil distillant de l'alcool, relevant à ce titre de la réglementation des appareils propres à la distillation ; qu'il est constant que la société X... a acheté cette portion d'appareil sans avoir au préalable demandé et obtenu l'autorisation imposée par l'article 306 du code général des impôts ; qu'en matière de contributions indirectes, il existe une responsabilité des personnes morales fondées sur les dispositions des articles 1799 et 1805 du code général des impôts ; que les dirigeants d'une entreprise réglementée sont pénalement responsables des infractions constatées, leurs fonctions impliquant par elles-mêmes une participation aux actes de la société et notamment, à la fraude qui se commet ou se perpétue ; que les courriers échangés, courant 2003 et 2004, régulièrement versés au dossier, démontrent que la société X... s'était renseignée sur les obligations à respecter pour les achats de portions d'appareils propres à distiller et qu'elle était donc parfaitement informée des prescriptions légales ; qu'en omettant de souscrire une demande d'autorisation, préalablement à l'achat de la portion d'appareil réceptionné le 21 février 2006, la société X... a violé en connaissance de cause, fût-ce par imprudence, les prescriptions légales régissant son activité ; que le fait que la société X... n'ait pas dissimulé cet achat, mais se soit ensuite présenté aux douanes pour régulariser la situation n'est pas de nature à faire disparaître l'infraction antérieurement commise ; que la cour, dès lors, infirmant le jugement de relaxe attaqué, déclarera la société X... et Pierre X... coupables des infractions relevées par procès-verbal, en date du 8 mars 2006 ; qu'en répression, la cour condamnera solidairement la société X... et Pierre X..., par application des dispositions des articles 1791, 1794-1 et 1813 du code général des impôts pour défaut d'autorisation préalable à l'acquisition d'un appareil ou portion d'appareil à distiller à : - une amende de 15 euros, - une pénalité proportionnelle égale à une fois la valeur de l'appareil, soit de 1 250 euros, - une amende pénale de 1 000 euros ; que la cour, sous la même solidarité, condamnera la société X... et Pierre X... au paiement de la somme de 1 250 euros pour tenir lieu de confiscation de l'appareil dont la saisie a été suivie de mainlevée ;
"1°) alors que, toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour respecter le principe de légalité des infractions pénales et des peines, pour exclure l'arbitraire et pour permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; qu'en déclarant la société X... et Pierre X... coupables de l'infraction d'acquisition, sans autorisation administrative préalable, d'une portion d'appareil propre à la distillation, quand cette infraction, en raison de l'absence de définition claire et précise de la notion de portion d'appareil propre à la distillation, qui est employée à l'article du code général des impôts, n'est pas définie en des termes clairs et précis, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
"2°) alors que, les dispositions de l'article 306 du code général des impôts ne s'appliquent qu'aux appareils ou portions d'appareils propres à la distillation, à la fabrication ou au repassage d'eaux de vie ou d'esprits, c'est-à-dire aux appareils ou éléments permettant, par eux-mêmes, la distillation, la fabrication ou le repassage d'eaux de vie ou d'esprits ; qu'en se bornant à énoncer, dès lors, pour retenir que l'échangeur acquis par la société X... relevait de la réglementation des appareils propres à la distillation, que cet échangeur était un élément se retrouvant dans tout appareil distillant de l'alcool, sans relever que ledit échangeur permettait, par lui-même, la distillation, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
"3°) alors que, à titre subsidiaire, les dispositions de l'article 306 du code général des impôts ne s'appliquent qu'aux portions d'appareils qui doivent être postérieurement intégrées à un ensemble destiné à la distillation ou à la fabrication ou le repassage d'eaux de vie ou d'esprits ; qu'en retenant que l'échangeur acquis par la société X... relevait de la réglementation des appareils propres à la distillation, sans relever que cet échangeur devait être postérieurement intégré à un ensemble destiné à la distillation, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
"4°) alors que, les dispositions de l'article 306 du code général des impôts, qui définissent les obligations qui s'imposent aux particuliers, ne s'appliquent pas aux fabricants et marchands d'appareils propres à la distillation, à la fabrication ou au repassage d'eaux de vie ou d'esprits, qui sont soumis, pour leur part, aux dispositions des articles 303 et 304 du code général des impôts ; qu'en retenant que la société X... était tenue à l'obligation posée par les dispositions de l'article 306 du code général des impôts, quand elle relevait que la société X... avait une activité d'achat et de vente d'appareils propres à la distillation et était, dès lors, un marchand d'appareils propres à la distillation, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
"5°) alors que, n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en déclarant la société X... et Pierre X... coupables de l'infraction d'acquisition, sans autorisation administrative préalable, d'un appareil ou d'une portion d'appareil propre à la distillation, sans rechercher si, comme le soutenaient la société X... et Pierre X..., il n'existait pas une divergence d'interprétation des dispositions relatives aux alambics entre les différents services régionaux de l'administration des douanes et des droits indirects et si les services de l'administration des douanes et des droits indirects de Lille n'avaient pas, en l'espèce, autorisé la société Biehler à adresser l'échangeur litigieux à la société X... sans obtenir de cette dernière la preuve de ce qu'elle disposait d'une autorisation administrative préalable d'achat et n'avaient, dès lors, pas considéré que cet échangeur n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions relatives aux alambics, circonstances dont il résultait, qu'en l'espèce, la société X... pouvait, en tout état de cause, être regardée comme ayant cru, par une erreur sur le droit, qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement acquérir l'échangeur sans autorisation administrative préalable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions susvisées ;
"6°) alors que, une faute d'imprudence n'est constitutive d'un délit que si la loi le prévoit expressément ; qu'aucune disposition ne prévoit que l'acquisition d'un appareil ou d'une portion d'appareil propre à la distillation sans autorisation administrative préalable est un délit même lorsque cette acquisition résulte d'une simple imprudence ; qu'en énonçant, dès lors, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société X... et de Pierre X..., qu'en omettant de souscrire une demande d'autorisation préalablement à l'achat de la portion d'appareil réceptionné le 21 février 2006, la société X... avait violé, en connaissance de cause, fût-ce par imprudence, les prescriptions légales régissant son activité, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
"7°) alors que, en énonçant, pour caractériser l'élément intentionnel du délit dont elle a déclaré coupables la société X... et Pierre X..., que la société avait violé en connaissance de cause, fût-ce par imprudence, les prescriptions légales régissant son activité, quand une personne ne peut être regardée comme ayant méconnu une disposition en toute connaissance de cause, c'est-à-dire de manière intentionnelle, lorsqu'elle a agi par imprudence, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
"8°) alors que, en énonçant que la société X... avait violé, en connaissance de cause, les prescriptions légales subordonnant l'achat d'un appareil ou d'une portion d'appareil propres à la distillation à une autorisation administrative préalable, tout en relevant que la société X... n'avait pas dissimulé cet achat à l'administration des douanes et des droits indirects et que sa responsable administrative s'était spontanément présentée à la recette des douanes de Corbeil-Évry pour faire viser un document administratif d'accompagnement émis pour couvrir la circulation de l'échangeur R 1K 965 B, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Pierre X... et la société qu'il dirige sont poursuivis, sur la citation délivrée par l'administration des douanes et droits indirects, pour avoir acquis sans autorisation un appareil ou portion d'appareil propre à la distillation ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables d'infraction aux dispositions des articles 306, 50A à 50C de l'annexe IV du code général des impôts, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance ou de contradiction, et dès lors que l'article 306 susvisé est un texte clair et précis imposant à tout acquéreur d'un appareil ou d'une portion d'appareil propre à la distillation l'obligation d'obtenir une autorisation administrative préalable, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments matériels et intentionnel l'infraction retenue à la charge des prévenus, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 235 du livre des procédures fiscales et des articles premier, 31, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement la société X... et Pierre X... à une amende pénale de 1 000 euros ;
"aux motifs qu'en répression, la cour condamnera solidairement la société X... et Pierre X..., par application des dispositions des articles 1791, 1794-1 et 1813 du code général des impôts pour défaut d'autorisation préalable à l'acquisition d'un appareil ou portion d'appareil à distiller à : … - une amende pénale de 1 000 euros ;
"1°) alors que, même en matière d'infractions à la législation des contributions indirectes, seul le ministère public peut agir en vue de l'application de peines de nature pénale ; que, d'autre part, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; qu'en condamnant, par conséquent, la société X... et Pierre X... à une amende pénale de 1 000 euros, quand seule l'administration des douanes et des droits indirects avait agi à l'encontre de la société X... et de Pierre X... devant le tribunal correctionnel d'Évry et quand elle relevait que, seule l'administration des douanes et des droits indirects avait interjeté appel du jugement du tribunal correctionnel d'Évry du 27 février 2007, qui avait relaxé la société X... et Pierre X... et débouté l'administration des douanes et des droits indirects de toutes ses demandes, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
"2°) alors que, en tout état de cause, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel ; qu'en condamnant, par conséquent, la société X... et Pierre X... à une amende pénale de 1 000 euros, quand elle relevait que seule l'administration des douanes et des droits indirects avait interjeté appel du jugement du tribunal correctionnel d'Évry du 27 février 2007, qui avait relaxé la société X... et Pierre X... et débouté l'administration des douanes et des droits indirects de toutes ses demandes, et que cet appel était limité aux seules dispositions fiscales de ce jugement, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;
Vu l'article 509 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes du texte précité, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que, statuant sur le seul appel de l'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante, limité aux dispositions fiscales du jugement l'ayant déboutée de ses demandes après relaxe des prévenus du chef d'infraction à la législation sur les contributions indirectes, les juges du second degré, infirmant le jugement entrepris et faisant droit aux réquisitions du ministère public, les ont condamnés solidairement à une amende pénale de 1 000 euros ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie que de l'action fiscale exercée par l'administration poursuivante, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 7 avril 2008, en ses seules dispositions prononçant la condamnation solidaire des prévenus à une amende pénale de 1 000 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Bayet conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Rognon, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, M. Bloch conseillers de la chambre, Mmes Slove, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.