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07/10/2009 | FRANCE | N°08-16746

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 octobre 2009, 08-16746


Sur le premier moyen :
Vu les articles 1859 et 1844-7-7° du code civil ;
Attendu que les actions contre les associés non liquidateurs se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 janvier 2008), que la société civile de construction-vente Les Résidences de Rochebrune (la Société) a été constituée le 21 mars 1975 entre trois associés, dont M. X..., qui a cédé ses parts en janvier 1982 ; qu'elle avait pour objet l'acquisition de terrains en vue de l'édification d'un complexe

immobilier en multipropriété, financée auprès, notamment, de la société Com...

Sur le premier moyen :
Vu les articles 1859 et 1844-7-7° du code civil ;
Attendu que les actions contre les associés non liquidateurs se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 janvier 2008), que la société civile de construction-vente Les Résidences de Rochebrune (la Société) a été constituée le 21 mars 1975 entre trois associés, dont M. X..., qui a cédé ses parts en janvier 1982 ; qu'elle avait pour objet l'acquisition de terrains en vue de l'édification d'un complexe immobilier en multipropriété, financée auprès, notamment, de la société Comptoir des entrepreneurs (CDE) ; qu'un jugement du 12 mars 1998 a prononcé la liquidation judiciaire de la société ; que, le 7 avril 1998, la société Safitrans, à laquelle le CDE avait, le 28 mai 1996, cédé sa créance, a déclaré sa créance au passif de la société ; que M. Y..., devenu cessionnaire de la créance a, le 16 janvier 2006, assigné M. X... en paiement ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que les dispositions de l'article 1842, alinéa 2, du code civil, et de l'article 4, alinéa 4, de la loi du 4 janvier 1978, ne se réfèrent pas à la publication au BODACC des jugements d'ouverture d'une procédure collective, publication obligatoire, que la société soit ou non immatriculée, pour faire courir les délais de recours et de déclaration des créances, mais à la condition d'immatriculation posée à la reconnaissance de la personnalité morale des nouvelles sociétés civiles par la loi du 4 janvier 1978 ; que faute pour la SCI d'être immatriculée, l'article 1859 du code civil prévoyant la prescription quinquennale des actions personnelles à l'encontre des anciens associés n'est pas applicable et que la demande de M. Y... reste soumise à la prescription trentenaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la publication du jugement de liquidation judiciaire d'une société civile au BODACC fait courir la prescription quinquennale prévue par l'article 1859 du code civil, que la société ait ou non été immatriculée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé que la demande de Monsieur Y... était soumise à la prescription trentenaire et que l'action dirigée à l'encontre de Monsieur X... n'était donc pas prescrite ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il est constant que pour les sociétés civiles n'ayant pas fait l'objet d'une dissolution amiable, la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire au BODACC constitue le point de départ de la prescription de cinq ans de l'action ; que par ailleurs les associés restent tenus des dettes nées de l'inexécution des engagements pris par la société à l'époque où ils étaient encore associés, et ce même si l'exigibilité de la dette est postérieure à leur retrait ; qu'en l'espèce, Monsieur X... est resté associé et simultanément gérant de la SCI LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE entre 1975, date de la constitution de la société civile, et 1982, époque du désengagement de l'appelant et de son départ aux Etats-Unis ; que la liquidation judiciaire de la SCI LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE a été prononcée par jugement du 12 mars 1998 ; que la société SAFITRANS, alors détentrice de la créance, l'a régulièrement déclarée le 7 avril 1998 ; que la procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 14 juin 2001 ; que Monsieur Y... soutient que le recouvrement de la créance exigible à l'encontre des associés tenus pour leurs parts et portions reste soumis à la prescription trentenaire, au motif que la SCI LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE n'ayant jamais été immatriculée, la prescription quinquennale instituée par l'article 1859 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1978, ne trouvait pas à s'appliquer ; que ladite loi, dont la formalité de l'immatriculation est une disposition principale, subordonnait la jouissance de la personnalité morale à l'immatriculation préalable des sociétés civiles, tout en prévoyant un régime transitoire pour les sociétés civiles constituées avant son entrée en vigueur ; que ces dernières sociétés étaient invitées à s'immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés, et pouvaient en être requises par le Procureur de la République ; qu'elles étaient en tous cas informées de ce que ce défaut d'immatriculation les maintiendrait sous l'ancien régime juridique applicable aux sociétés civiles, notamment quant à la responsabilité des associés ; qu'aux termes de l'article 1842 alinéa 2 du Code civil, « jusqu'à l'immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations » ; que l'article 4 alinéa 4 de la loi du 4 janvier 1978, abrogé en 2001, avait prévu que par dérogation à l'article 1842, alinéa 1er du Code civil (« les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation »), les sociétés non immatriculées à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi conserveront leur personnalité morale, « les dispositions relatives à la publicité ne leur étant pas applicables » ; que lesdites dispositions ne se réfèrent pas à la publication au BODACC des jugements d'ouverture d'une procédure collective, publication obligatoire, que la société soit ou non immatriculée, pour faire courir les délais de recours et de déclaration des créances, mais à la condition d'immatriculation posée à la reconnaissance de la personnalité morale des nouvelles sociétés civiles par la loi du 4 janvier 1978 ; que faute pour la SCI LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE d'être immatriculée, l'article 1859 du Code civil prévoyant la prescription quinquennale des actions personnelles à l'encontre des anciens associés n'est pas applicable ; que la demande de Monsieur Y... restait soumise à la prescription trentenaire ; que l'action de Monsieur Y... à l'encontre de Monsieur X..., à hauteur de ses parts et portions, des prêts consentis à la SCI LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE les 24 janvier 1976 et 29 juillet 1977, introduite devant le Tribunal de grande instance de NANTERRE par assignation du 16 janvier 2006 n'est donc pas prescrite (…) » (arrêt, p. 5, § 1 à 5 et p. 6, § 1) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« aux termes de l'article L. 211-2 du Code de la construction et de l'habitation « les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux » ; qu'il en résulte que l'associé d'une société de construction vente d'immeubles est tenue du passif né de l'inexécution des engagements pris par la société à l'époque où il était encore associé et que même en cas de cession des parts, le cédant doit continuer de répondre après son départ du passif existant à cette date ; qu'en l'espèce, l'engagement de remboursement du crédit a été contracté en 1976 pour l'un, en 1997 pour l'autre, lorsque François X... était associé de la SCI LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE et la dette existait toujours en 1982, date à laquelle il aurait cédé ses parts, ce dont il n'est pas justifié ; que la créance a été régulièrement déclarée au passif de la société LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE ; qu'une mise ne demeure préalable et restée infructueuse de la société est en l'espèce inutile, en raison de l'insolvabilité de la société dont il est établi qu'elle a été placée en liquidation judiciaire ; que la demande en paiement est donc fondée en son principe (…) » (jugement, p. 4, § 1 à 6) ;
ALORS QUE, premièrement, pour décider de mettre en oeuvre la prescription trentenaire de droit commun, en faisant application, conformément à l'article 1842 alinéa 2 du Code civil, des règles régissant le contrat de société et des principes généraux du droit des obligations, alors que ces règles ne concernent en toute hypothèse que les sociétés in bonis, ce qui n'était pas le cas, les juges du fond ont violé l'article 4, alinéa 4, de la loi du 4 janvier 1978, tel qu'applicable en l'espèce, les articles 1842, alinéa 2, et 1859 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que la société civile a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, il faut se référer, non plus aux règles gouvernant le droit des sociétés, mais aux règles régissant le droit des procédures collectives ; qu'en refusant de mettre en oeuvre les règles propres aux sociétés en liquidation judiciaire, les juges du fond ont violé l'article 4, alinéa 4, de la loi du 4 janvier 1978, tel qu'applicable en l'espèce, les articles 1842, alinéa 2, et 1859 du Code civil ;
ALORS QUE, troisièmement, lorsqu'une société civile est placée en liquidation judiciaire, il convient d'appliquer les règles propres aux entreprises en difficulté, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la société ait été ou non immatriculée ; qu'en appliquant le droit des sociétés in bonis à une société en liquidation judiciaire, les juges du fond ont violé l'article 4, alinéa 4, de la loi du 4 janvier 1978, tel qu'applicable en l'espèce, les articles 1842, alinéa 2, et 1859 du Code civil ;
ALORS QUE, quatrièmement, en écartant la prescription quinquennale prévue à l'article 1859 du Code civil alors que le jugement de liquidation judiciaire de la SCI LES RÉSIDENCES DE ROCHEBRUNE avait été publié, les juges du fond ont violé l'article 1859 du Code civil ;
ALORS QUE, cinquièmement, et à supposer que les juges du second degré se soient appropriés les motifs des premiers juges, l'action des créanciers exercée sur le fondement de l'article L. 211-2 du Code de la construction doit, elle aussi, être introduite dans le délai prévu à l'article 1859 du Code civil, en cas de liquidation judiciaire de la société ; qu'en refusant de déclarer prescrite l'action fondée sur l'article L. 211-2 du Code de la construction et de l'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 211-2 du Code de la construction et de l'habitation et 1859 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé que Monsieur Y... justifie de sa qualité et de son intérêt à agir à l'encontre de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE « la cession de créances intervenue entre le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS et la société SAFITRANS le 28 mai 1996 a été signifiée à Me C...
A..., administrateur judiciaire de la SCI RÉSIDENCE DE ROCHEBRUNE, par acte d'huissier du 25 février 1997 ; que d'autre part, Monsieur Y... verse aux débats l'acte de signification de cession de créances délivré à Monsieur X... le 12 juillet 2004 ; que cet acte a notifié dans le détail de leur intervention, forme et date, la chaîne des cessions de créances qui se sont succédées entre mai 1996 et octobre 2003 ; qu'enfin Monsieur Y... a signifié par acte en date du 30 décembre 2005 la cession de créances opérée par la société ODP FINANCES à son profit par acte sous seings privés du 1er décembre 2005 ; que la succession de ces actes rend opposable chacune des cessions de créances intervenues à Monsieur X..., en sa qualité d'ancien associé de la société civile judiciairement liquidée, l'absence de signification des dernières cessions à la société débitrice principale (disparue) n'affectant pas l'existence de la dette ; que chacun des actes de signification communiqué répond aux conditions de forme de l'acte de signification, qui peut être limité aux mentions permettant de déterminer la créances cédée ainsi que l'identité du cédant et celle du cessionnaire (…) » (arrêt, p. 6, § 2 à 4).
ALORS QU'en s'abstenant de vérifier l'existence et la régularité de chacune des significations des cessions de créances successives, les juges du fond n'ont pas caractériser la qualité de Monsieur Y... et son intérêt à agir contre Monsieur X... et ont ainsi violé les articles 1690 du Code civil et 31 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-16746
Date de la décision : 07/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE CIVILE - Liquidation judiciaire - Publication du jugement - Créance antérieure - Action exercée contre un associé non liquidateur - Prescription - Délai - Point de départ

PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Point de départ - Société civile - Liquidation judiciaire - Créance antérieure - Action en paiement du créancier - Action exercée contre un associé non liquidateur

La publication du jugement de liquidation judiciaire d'une société civile au BODACC fait courir la prescription quinquennale prévue par l'article 1859 du code civil, que la société ait ou non été immatriculée


Références :

articles 1844-7 7° et 1859 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 janvier 2008

Sur l'application de la prescription quinquennale prévue par l'article 1859 du code civil, à rapprocher :Com., 12 décembre 2006, pourvoi n° 04-17187, Bull. 2006, IV, n° 247 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 oct. 2009, pourvoi n°08-16746, Bull. civ. 2009, III, n° 217
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 217

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Bruntz
Rapporteur ?: M. Jacques
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.16746
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