Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Arezki,- X... Ahcène,- X... Hocine,- X... Nourredine,- X... Samia,- X... Rabah,- X... Nora,- X... Farida,- Y... Djamma, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 27 novembre 2008, qui, sur leur plainte, contre personne non dénommée, du chef d'homicide involontaire, a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque par application de l'article 86, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1° du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 575, alinéa 2, 1°, 85, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale, 2 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise ;
" aux motifs qu'en vertu de l'article 121-3 du code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en l'espèce, les investigations particulièrement complètes, diligentées en enquête préliminaire, n'ont pas mis en évidence des manquements en lien de causalité direct avec la survenance du décès d'Ali X... et constituant une faute caractérisée au sens de l'article 121-3 du code pénal précité ; que les investigations complémentaires sollicitées par les parties civiles ne sont pas, au vu de cette enquête préliminaire, utiles à la manifestation de la vérité ; qu'en vertu de l'alinéa 5 de l'article 86 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant, au vu des investigations qui ont pu être réalisées suite au dépôt de plainte, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ; qu'ainsi, en application de l'article 86 précité, au vu des investigations déjà réalisées, les faits d'homicide involontaire dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis et il n'existe pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis cette infraction ni toute autre infraction ;
" alors que, d'une part, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public et cette obligation ne cesse que si pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; que la chambre de l'instruction qui a énoncé, au vu des seuls éléments résultant de l'enquête préliminaire, que les investigations diligentées au cours de cette enquête, n'ont pas mis en évidence des manquements en lien de causalité directe avec la survenance du décès d'Ali X..., constituant une faute caractérisée au sens de l'article L. 121-3 du code pénal, s'est prononcée par des motifs et une appréciation des faits que seule une information aurait permis de faire apparaître, violant ainsi les principes et les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, en se prononçant ainsi sur le fondement du 5ème alinéa de l'article 86 du code de procédure pénale issu de la loi du 5 mars 2007 et en considérant, en l'absence de tout acte propre à l'affaire en cause et sans avoir vérifié par une information préalable la réalité des faits dénoncés dans la plainte, que les faits d'homicide involontaire dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis et qu'il n'existe pas de charge contre quiconque d'avoir commis cette infraction, ni toute autre infraction, lors même que rien n'établissait de façon manifeste, ni évidente, que les faits dénoncés par la partie civile n'avaient pas été commis et que la juridiction d'instruction pût, ainsi, se dispenser d'informer sur les circonstances du décès d'une personne qui se trouvait sous la responsabilité et la protection des services de police, dans l'enceinte d'un commissariat, la chambre de l'instruction qui a confirmé une ordonnance dite de « non-lieu ab initio » n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes et principes susvisés ;
" et alors qu'enfin, en se prononçant, sur la plainte de la partie civile mettant en cause le comportement des fonctionnaires de police, au vu des seuls éléments d'une enquête menée par les mêmes services de police, qui n'étaient pas une autorité indépendante de celle concernée par les faits, la chambre de l'instruction a méconnu les principes fondamentaux de l'équité, l'équilibre des armes, du contradictoire, l'impartialité, l'accès au juge et la garantie des droits des victimes énoncés tant à l'article préliminaire du code de procédure pénale qu'à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 2 de ladite convention " ;
Vu l'article 86, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, en vigueur le 1er juillet 2007, que la juridiction d'instruction ne peut dire n'y avoir lieu à informer, le cas échéant au vu des investigations réalisées à la suite de la plainte préalablement déposée devant le procureur de la République, conformément à l'article 85 du même code, que s'il est établi de façon manifeste que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les consorts X... ont porté plainte et se sont constitués partie civile, à la suite du décès de leur fils et frère, Ali X..., retrouvé, le 24 septembre 2005 vers 0 heure 45, pendu dans la chambre de dégrisement du commissariat de police de Grenoble, où il avait été placé, la veille, peu après 20 heures ; que le procureur de la République, qui avait procédé au classement sans suite de l'enquête préliminaire, a pris des réquisitions aux fins de non-lieu à informer sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 86 du code de procédure pénale ; que le juge d'instruction y a fait droit ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt, prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, en l'absence de tout acte d'instruction propre à l'affaire en cause, alors qu'il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt que les faits n'ont manifestement pas été commis, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 27 novembre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Radenne conseiller rapporteur, MM. Palisse, Le Corroller, Castel, Mme Ferrari conseillers de la chambre, MM. Chaumont, Delbano, Mme Harel-Dutirou conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.