LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 et 1870-1 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Denis X..., associé du groupement agricole d'exploitation en commun Troisel (le GAEC), est décédé, laissant pour lui succéder son épouse Mme Y... et leurs deux enfants mineurs ; qu'après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur des parts sociales dépendant de la succession, Mme Y..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants mineurs, a demandé que le GAEC soit condamné à lui payer la valeur ainsi déterminée ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir relevé que les ayants droit de l'associé décédé, qui n'ont pas été agréés pour faire partie du groupement, ont donc droit, conformément à l'article 1870-1 du code civil, à la valeur des parts de leur auteur, retient qu'il résulte de la combinaison des articles 10-2 et 9-2 des statuts du GAEC que les associés survivants ne sont tenus de faire racheter les parts par le groupement que dans le cas où le projet de cession des parts de l'associé décédé est rejeté à défaut d'unanimité des associés sur l'agrément du cessionnaire proposé et où eux-mêmes font le choix de ne pas les acquérir ou les faire acquérir par un tiers agréé par eux, qu'il est constant que le GAEC n'a pas racheté les parts de Denis X... et qu'aucun projet de cession des parts n'ayant été proposé aux associés survivants, un tel projet n'a pas été rejeté par eux, si bien qu'ils ne sont pas tenus de faire racheter les parts par le GAEC et que Mme Y... n'est pas fondée à demander la condamnation de celui-ci à lui payer, ès qualités et en son nom personnel, la valeur des parts ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 10-2 des statuts du GAEC, relatif à la transmission des parts par décès, qu'en l'absence d'agrément des ayants droit de l'associé décédé, les droits sociaux correspondants doivent être rachetés soit par le ou les associés survivants, soit par un ou plusieurs tiers désignés par eux, soit par le groupement lui-même et que si cet article renvoie, à cet égard, à l'article 9-2, relatif à la cession des parts, ce renvoi ne peut avoir pour effet d'obliger les ayants droit à présenter un projet de cession portant sur des parts qui, en l'absence d'agrément, ne leur ont pas été transmises, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne le GAEC Troisel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté Madame X..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de ses enfants mineurs, de sa demande tendant à condamner le GAEC TROISEL à lui payer la somme de 109.760 représentant la valeur des parts sociales détenues par son époux au jour de son décès, assortie des intérêts au taux légal légaux à compter du jour même jour,
AUX MOTIFS QUE, sur la cession des parts sociales, aux termes de l'article 1870-1 du Code civil : « Les héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur. Cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation./ La valeur de ces droits sociaux est déterminée au jour du décès dans les conditions prévues à l'article 1843-4 » ; qu'aux termes de l'article 10.2 des statuts du GAEC TROISEL: « Le groupement n'est pas dissous par le décès d'un associé. / Les ayants droit de l'associé décédé qui désirent faire partie du groupement doivent être agréés par le ou les associés survivants. / 1° A la requête de tout associé ou de tout ayant droit de l'associé décédé, le ou les associés survivants doivent, dans les six mois du décès, se prononcer sur l'agrément d'un ou de plusieurs ayants droit. /… En cas de refus, ou à défaut de décision dans le délai ci-dessus, les droits sociaux correspondant doivent être rachetés soit par le ou les associés survivants, soit par un ou plusieurs tiers agréés par eux, soit par le groupement lui-même, selon la procédure prévue à l'article 9.2... » ; qu'aux termes de l'article 9.2 : «… toute cession de parts, même entre associés, est subordonnée à l'accord unanime des autres associés, donné dans les conditions suivantes : 1. Le cédant notifie au groupement et à chacun de ses coassociés son projet de cession … 2. L'agrément du cessionnaire est donné par décision collective…/ 3. Lorsque le projet est accepté… / 4. S'il est rejeté, les associés autres que le cédant sont tenus : / - soit d'acquérir eux-mêmes les parts cédées ; /- soit de les faire acquérir par un ou plusieurs tiers agréés à l'unanimité par eux ; / - soit de les faire racheter en vue de leur annulation par le groupement lui-même qui réduit alors d'autant son capital, cette décision étant également prise à l'unanimité » ; qu'ainsi, les dispositions du Code civil précitées qui régissent notamment les groupements agricoles d'exploitation en commun n'obligent le groupement à payer aux héritiers de l'associé décédé les valeurs des parts sociales de leur auteur que dans le cas où cette société a racheté les parts en vue de leur annulation ; que lorsque, comme en l'espèce, les ayants droit de l'associé décédé ne sont pas agréés pour faire partie du groupement quelqu'en soit la cause et que par conséquent ils ont droit à la valeur des parts conformément à l'article 1870-1 du Code civil, les stipulations statutaires précitées prévoient que les associés survivants du GAEC TROISEL ne sont tenus de faire racheter les parts par le groupement que dans le cas où le projet de cession des parts de l'associé décédé est rejeté à défaut d'unanimité des associés sur l'agrément du cessionnaire proposé, et où eux mêmes font le choix de ne pas les acquérir ou les faire acquérir par un tiers qu'ils agréeraient ; qu'il est constant que le GAEC TROISEL n'a pas racheté les parts sociales de Monsieur Denis X... et qu'aucun projet de cession des parts n'ayant été proposé aux associés survivants, un tel projet n'a pas été rejeté par eux, si bien que les associés survivants ne sont pas tenus de faire racheter les parts par le GAEC TROISEL et que Madame X... n'est pas fondée à demander la condamnation de ce groupement à lui payer ès qualités et en son nom personnel la valeur des parts,
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE les dispositions des statuts du GAEC TROISEL ne contredisent pas celle de l'article 1870-1 du Code civil énonçant que les héritiers qui ne deviennent pas associés, n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur ; que cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation ; que les héritiers de Monsieur X... Denis sont deux enfants mineurs, dont l'administration légale sous contrôle judiciaire est exercée par leur mère, conjoint survivant, Madame Jennifer X... ; qu'il ne peut être envisagé l'intégration comme associé au GAEC TROISEL des deux enfants mineurs n'ayant pas la capacité civile pour y pourvoir ; qu'ainsi, faute d'agrément dans le délai de six mois à compter du 21 novembre 2001, date du décès de Monsieur Denis X..., les droits sociaux correspondants doivent être rachetés soit par le ou les associés survivants, soit par un ou plusieurs tiers agrées par eux, soit par le groupement lui-même selon la procédure prévue à l'article 9-2 des mêmes statuts ; que cependant, l'application des dispositions précitées et celles de l'article 10-3 obligent l'administratrice légale à proposer un candidat à la reprise des parts dont elle souhaite la cession, et de notifier son projet de cession selon les formes prévues aux statuts, aux coassociés du GAEC ; que ce n'est qu'à défaut d'agrément du cessionnaire proposé que les associés sont tenus soit d'acquérir eux-mêmes les parts cédées, soit de les faire acquérir par un ou plusieurs tiers agréés à l'unanimité par eux, soit de les faire racheter, en vue de leur annulation par le groupement lui-même ; que Madame Jennifer X... ne justifie pas d'avoir respecté cette procédure avant la saisine de la juridiction civile ; qu'elle sera donc déboutée en cette prétention,
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de la combinaison de l'article 1870-1 du Code civil et des articles 9.2 et 10.2 des statuts du GAEC TROISEL, que les ayants droit de l'associé décédé qui désirent faire partie du groupement doivent être agréés par le ou les associés survivants ; qu'à la requête de tout associé ou de tout ayant droit de l'associé décédé, le ou les associés survivants doivent dans les six mois du décès se prononcer sur l'agrément d'un ou de plusieurs ayants droit ; qu'en cas de refus ou à défaut de décision dans le délai ci-dessus, les droits sociaux doivent être rachetés soit par le ou les associés survivants, soit par un ou plusieurs tiers, soit par le groupement selon la procédure prévue à l'article 9.2 ci dessus ; qu'en l'espèce les ayants droit de Monsieur Denis X..., en l'occurrence son épouse et ses deux enfants mineurs, n'avaient pas exprimé le désir de faire partie du groupement et aucune décision d'agrément n'avait été prise dans les six mois du décès, de sorte que la procédure d'agrément visée par les statuts n'étaient pas nécessaires et que les droits sociaux de feu Denis X... devaient être rachetés à ses héritiers soit par le ou les associés survivants, soit par un ou plusieurs tiers agréés, soit par le groupement lui même, sans qu'il soit nécessaire de faire précéder ce rachat d'un nouveau projet de cession des droits sociaux émanant des héritiers à l'attention des associés survivants ; dès lors en subordonnant le rachat des parts du GAEC TROISEL détenues par les héritiers de Monsieur Denis X..., à l'existence d'un projet de cession desdites parts sociales présenté par les héritiers aux associés survivants, après avoir pourtant constaté l'absence de demande des héritiers de faire partie du GAEC et en toute hypothèse la décision du GAEC en date du 16 décembre 2002, plus de 6 mois après le décès, de ne pas agréer les ayants droit de l'associé décédé, ce qui obligeait les associés survivants en vertu des articles 10.2 2° et 9.2 4° des statuts du GAEC, soit à acquérir eux-mêmes les parts cédées, soit à les faire acquérir par un ou plusieurs tiers agréés à l'unanimité par eux, soit à les faire racheter par le groupement, la Cour d'appel a violé les statuts types du GAEC, ensemble l'article 1134 du Code civil,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'EN TOUTE HYPOTHÈSE, les héritiers de l'associé décédé détiennent une créance sur le GAEC représentant la valeur des droits sociaux qu'il détenait, évaluée au jour de son décès ; qu'en refusant de condamner le GAEC TROISEL à payer à Madame X..., en son nom propre et es qualité, les parts sociales que détenait son époux dans le groupement à la valeur fixée par l'expert judiciaire, conformément à l'article 1843-4 du Code civil, auquel renvoie l'article 1870-1 du même Code, après avoir constaté le refus des associés survivants d'agréer ses héritiers et d'acquérir eux-mêmes les parts ou de les faire acquérir par des tiers qu'ils auraient agréés, la Cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble les articles L 323-4 et R 323-40 du Code rural et 9.2 et 10.2 des statuts.