LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Arnaud,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de délit de fuite, refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique et défaut de maîtrise, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, circulant au volant d'une automobile, Arnaud X... a endommagé deux véhicules en stationnement appartenant l'un à Françoise Y... et l'autre à Thomas Z... ; que, pour obtenir réparation de leurs dommages matériels, ceux-ci se sont constitués parties civiles dans la procédure suivie notamment des chefs ci-dessus ;
En cet état ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Arnaud X... à verser à Françoise Y... une somme de 2 400 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;
"aux motifs que Françoise Y... est fondée à obtenir le coût nécessaire à l'acquisition d'un véhicule en remplacement, d'un état comparable à celui qui était le sien ; qu'il convient de relever que le véhicule endommagé était en parfait état d'entretien, ce dont il est justifié ; que l'acquisition d'un tel véhicule en remplacement supposera nécessairement une somme supérieure à celle accordée par la compagnie d'assurance soit 600 euros, eu égard aux prix habituellement pratiqués sur le marché des véhicules d'occasion ; qu'il doit être tenu compte de ce que la partie civile perd le bénéfice d'une franchise d'assurance avantageuse (90 euros) la nouvelle étant de 300 euros ; que, de même, sa cotisation d'assurance est plus élevée (461 euros au lieu de 278 euros) ; qu'en l'état de ces éléments, une somme de 3 000 euros constitue une juste réparation du préjudice matériel subi ; qu'il convient, toutefois, de déduire l'indemnisation de 600 euros versées par la compagnie Eurofil à Françoise Y... ;
"alors que le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits établis par les parties et qui sont dans le débat ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel ne pouvait, pour fixer le montant de la valeur de remplacement du véhicule de Françoise Y..., se référer, sans autre précision, "aux prix habituellement pratiqués sur le marché des véhicules d'occasion", prix dont Françoise Y..., demanderesse à l'indemnisation, ne fournissait aucun exemple" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour Françoise Y... de la détérioration de son véhicule, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Arnaud X... à verser à Thomas Z... une somme de 2 702,73 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;
"aux motifs que l'expert a indiqué que la valeur du véhicule au moment du sinistre était de 1 100 euros, le montant des réparations de 3 802,73 euros ; que, si la voiture était techniquement réparable elle ne l'était pas économiquement ; que la partie civile indique ne pas vouloir changer de véhicule et faire le choix de la réparer ; que la victime du dommage est en droit d'obtenir au titre de la réparation intégrale du préjudice la remise en état de sa voiture même si le coût excède la valeur vénale ; qu'il y a lieu, dès lors, de retenir la somme de 3 802,73 euros, étant toutefois déduit la somme de 1 100 euros versées par l'assureur de Thomas Z... ; qu'il sera alloué à la partie civile la somme de 2 702,73 euros au titre du préjudice matériel ;
"alors que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans pouvoir donner lieu à un quelconque enrichissement de la victime ; que le droit au remboursement des frais de remise en état d'une chose endommagée a pour limite sa valeur de remplacement ; que la cour ne pouvait donc condamner Arnaud X... au paiement du coût des réparations du véhicule endommagé, dont elle constatait qu'il était supérieur à la valeur vénale de ce véhicule, sans rechercher la valeur de remplacement dudit véhicule" ;
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu que, pour évaluer le préjudice matériel subi par Thomas Z..., l'arrêt, après avoir rappelé que, selon un expert, la valeur du véhicule au moment du sinistre s'élevait à 1 100 euros et que le montant des réparations s'élèverait à 3 802,73 euros, énonce que la victime est en droit d'obtenir, au titre de la réparation intégrale du préjudice, la remise en état de sa voiture, même si son coût excède la valeur vénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le droit au remboursement des frais de remise en état d'une chose endommagée a pour limite sa valeur de remplacement, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 14 novembre 2008, en ses seules dispositions relatives au préjudice de Thomas Z..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Thomas Z..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 000 la somme qu'Arnaud X... devra payer à Françoise Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;