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08/07/2009 | FRANCE | N°08-16711

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 juillet 2009, 08-16711


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article 75 du code de procédure civile ;
Attendu que l'impossibilité dans laquelle se trouve la juridiction, saisie d'une exception d'incompétence au profit du juge administratif de désigner la juridiction administrative à saisir, en raison de la séparation des autorités administratives et judiciaires, n'est pas de nature à écarter l'obligation faite, par l'article 75 du code de procédure civile, à la partie qui soulève l'exception, d'indiquer dans tous les cas, so

us peine d'irrecevabilité de cette exception, devant quelle juridiction a...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article 75 du code de procédure civile ;
Attendu que l'impossibilité dans laquelle se trouve la juridiction, saisie d'une exception d'incompétence au profit du juge administratif de désigner la juridiction administrative à saisir, en raison de la séparation des autorités administratives et judiciaires, n'est pas de nature à écarter l'obligation faite, par l'article 75 du code de procédure civile, à la partie qui soulève l'exception, d'indiquer dans tous les cas, sous peine d'irrecevabilité de cette exception, devant quelle juridiction administrative l'affaire doit être portée ;
Attendu que la société AIG Europe UK Ltd, qui avait indemnisé la société britannique Becker Acroma, son assurée, dont la marchandise avait péri lorsque le camion la transportant était tombé dans le port de Calais au cours des opérations de débarquement d'un ferry, l'un des câbles maintenant la passerelle s'étant rompu, a demandé la réparation de son préjudice à la chambre de commerce et d'industrie de Calais (la CCI), exploitante des installations portuaires de Calais, devant le tribunal de commerce de cette ville ; que la CCI a soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit des juridictions administratives ;
Attendu que pour déclarer recevable cette exception d'incompétence l'arrêt rendu le 23 avril 2008 retient, par motifs adoptés, que l'exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative, induit nécessairement sa territorialité, définie dans le respect de la carte judiciaire, et, par motifs propres, qu'une désignation expresse de la juridiction de renvoi n'est pas systématiquement indispensable et que, visant essentiellement à préparer la décision de renvoi au profit d'une juridiction identifiable à coup sûr , elle présente un intérêt limité voire inexistant lorsque le juge ne peut, de toute façon, que renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la CCI , qui soulevait l'exception d'incompétence, n'avait pas donné, dans ses écritures, de précisions suffisamment claires pour que la désignation de la juridiction soit certaine, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article susvisé ;
Et attendu que la société AIG s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 13 décembre 2007, en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt du 23 avril 2008 ;
Attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire en demande n'étant dirigé contre l'arrêt du 13 décembre 2007, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
Constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 13 décembre 2007 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la chambre de commerce et d'industrie de Calais aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la chambre de commerce et d'industrie de Calais à payer à société Aig Europe Uk Ltd la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Aig Europe Uk Ltd
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'exception d'incompétence au profit des juridictions administratives soulevée par la Chambre de Commerce et d'Industrie de CALAIS,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société AIG soutient que les premiers juges ont manifestement méconnu les dispositions de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile, qui imposent à la partie qui soulève l'exception d'incompétence de désigner la juridiction compétente matériellement et territorialement, dès lors que, après avoir constaté que « la CCI de Calais n'indique ni aux termes de ses conclusions, ni même à la barre, la juridiction qu'elle estime territorialement compétente », ils ont néanmoins déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la CCI de Calais ; qu'une désignation expresse de la juridiction de renvoi n'est pas systématiquement indispensable ; que visant essentiellement à préparer la décision de renvoi au profit d'une juridiction indentifiable à coup sûr, elle présente un intérêt limité, voire inexistant lorsque le juge ne peut, de toute façon, que renvoyer les parties à mieux se pourvoir ; que tel est le cas en l'espèce, dès lors qu'il n'est pas contesté que la CCI a décliné la compétence du Tribunal de commerce de Calais au profit des juridictions de l'ordre administratif, invitant ainsi les premiers juges à renvoyer la société AIG à mieux se pourvoir ; que le moyen sera rejeté » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « la CCI de Calais n'indique, ni aux termes de ses conclusions, ni même à la barre, la juridiction qu'elle estime territorialement compétente ; que les dispositions invoquées imposent, à peine d'irrecevabilité, à la partie qui soulève l'exception, de faire connaître, dans tous les cas, la juridiction devant laquelle elle entend que l'affaire soit portée ; que, toutefois, il a pu être jugé que l'obligation est satisfaite lorsque la partie donne des précisions suffisantes pour que la désignation de la juridiction soit certaine ; que l'exception de compétence au profit de la juridiction administrative induit nécessairement sa territorialité, définie dans le respect de la carte judiciaire » ;
ALORS QU' à peine d'irrecevabilité, le demandeur a une exception d'incompétence doit dans tous les cas faire connaître devant quelle juridiction l'affaire doit être portée ; qu'au cas d''espèce, la société AIG EUROPE UK Ltd faisait valoir que la Chambre de Commerce et d'Industrie de CALAIS se bornait à invoquer l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire, sans préciser devant quelle juridiction administrative le litige devait être porté ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence ainsi soulevée, cependant qu'elle constatait que la Chambre de Commerce et d'Industrie de CALAIS concluait à la compétence des juridictions de l'ordre administratif, sans indiquer quelle juridiction administrative aurait été compétente, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 75 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient incompétentes pour juger des demandes formulées par la société AIG EUROPE UK contre la Chambre de Commerce et d'Industrie de Calais,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société AIG, subrogée dans les droits de son assurée, la société BECKER ACROMA Ltd, expéditeur de la marchandise confiée au transporteur LOGISTICA, ne saurait soutenir disposer de plus de droits que son subrogeant ; que l'expéditeur, comme le transporteur, n'a pas la qualité d'usage de ouvrages portuaires, réservée aux compagnies de navigation ; qu'il s'ensuit que son action dirigée contre la CCI n'est pas recevable devant les juridictions de l'ordre judiciaire » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' « il est constant que les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour connaître des actions intentées par les usagers, en réparation des conséquences dommageables de l'exploitation d'un SPIC ; qu'en l'espèce, l'objet du litige porte sur une demande d'indemnisation formée sur le fondement de l'article 1384 du Code civil, par l'assureur de la société BECKER ACROMA, laquelle a subi la perte de sa marchandise (15 fûts de 1.000 litres de peinture W/B/ C/C/ PRIMER WHITE), par suite de l'effondrement le 8 février 2005 d'une passerelle du Port de Calais, exploitée en concession par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Calais ; que la compagnie AIG EUROPE UK se présente comme subrogée dans les droits de la société BECKER ACROMA qui avait la qualité d'expéditeur des produits de peinture litigieux ; que, comme l'invoque à juste titre la CCI de Calais, l'expéditeur des produits ne peut être considéré comme ayant la qualité d'usager d'un service public ; qu'en effet, la qualité d'usager substitué d'un service public industriel et commercial n'est pas reconnue en jurisprudence . qu'au moment de l'accident, la société expéditrice des marchandises, non liée par contrat avec la Chambre de Commerce et d'Industrie, ne bénéficiait pas directement des prestations du service public ; qu'elle ne saurait se voir reconnaître la qualité d'usager du SPIC ; qu'ainsi, dans sa décision en date du 14 septembre 2006, consécutive au même sinistre du 8 février 2005, la Cour d'appel de DOUAI a pu estimer que la qualité d'usager des passerelles d'embarquement du Port de Calais était dévolue aux seules compagnies de ferry ; que l'accident a pour origine une défaillance des passerelles ; que l'accès aux passerelles portuaires relève du droit d'accès d'un usager d'un ouvrage public ; que le dommage invoqué met en cause directement le fonctionnement de l'ouvrage public ; que, dès lors, la réclamation formée par l'usager d'un ouvrage public relève de la compétence des juridictions administratives (Tribunal des conflits 15 mars 1999) ; que, par suite, il convient de se déclarer incompétent et de renvoyer la cause devant le Tribunal administratif de LILLE, seul compétent » ;
ALORS QUE relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire les litiges opposant un service public industriel et commercial à l'un de ses usagers ; que possèdent la qualité d'usager les personnes qui, bien que non liées par contrat avec le gestionnaire du service public industriel et commercial, bénéficient des prestations offertes par celui-ci ; qu'au cas d'espèce, la société BECKER ACROMA avait confié le transport de ses marchandises à la société LOGISTICA, laquelle avait chargé les marchandises à bord d'un ferry qui a accosté dans le port de CALAIS ; qu'au cours des opérations de débarquement, les marchandises ont été endommagées en suite de la rupture d'un des câbles métalliques maintenant une passerelle ; qu'en jugeant que l'examen de la demande indemnitaire de la compagnie AIG EUROPE UK Ltd, subrogée dans les droits et actions de son assurée qu'elle avait indemnisée, relevait de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, au motif que seules les compagnies de ferries avaient la qualité d'usager des installations portuaires de CALAIS, gérée par la Chambre de Commerce et d'Industrie, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-16711
Date de la décision : 08/07/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMPETENCE - Exception d'incompétence - Recevabilité - Conditions - Désignation de la juridiction revendiquée - Nécessité - Portée

L'impossibilité dans laquelle se trouve la juridiction saisie d'une exception d'incompétence au profit du juge administratif de désigner la juridiction administrative à saisir, en raison de la séparation des autorités administratives et judiciaires, n'est pas de nature à écarter l'obligation faite, par l'article 75 du code de procédure civile, à la partie qui soulève cette exception, de faire connaître devant quelle juridiction administrative l'affaire doit être portée


Références :

article 75 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 13 décembre 2007

Sur l'application de l'article 75 du code de procédure civile s'agissant d'une exception d'incompétence soulevée au profit d'une juridiction étrangère, à rapprocher :1re Civ., 31 janvier 1990, pourvoi n° 87-18170, Bull. 1990, I, n° 27 (cassation), les arrêts cités ;Soc., 17 mars 1998, pourvois n° 93-40.442 et 95-41.582, Bull. 1998, V, n° 151 (cassation sans renvoi)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 jui. 2009, pourvoi n°08-16711, Bull. civ. 2009, I, n° 156
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 156

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: M. Falcone
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.16711
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