LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Sesam, qui assure, pour les oeuvres multimédia, l'exercice et la gestion des droits de reproduction mécanique des oeuvres musicales relevant du répertoire de la SACEM/SDRM, a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société Cryo les créances résultant de la reproduction non autorisée des oeuvres de son répertoire dans les jeux vidéo produits, édités et commercialisés par cette société ; qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2007) d'avoir admis les créances de la société Sesam en estimant que ces jeux étaient des oeuvres complexes dont la qualification ne pouvait se réduire à celle de logiciel dont la cession est soumise à forfait, de sorte que les compositions musicales du répertoire de la Sesam qui s'y trouvent incorporées sont soumises aux droits de reproduction mécanique, alors, selon le moyen, que les jeux vidéo sont des logiciels ; qu'ainsi en rejetant la qualification de logiciel pour les jeux vidéo en cause, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4-5° du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'un jeu vidéo est une oeuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l'importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature ; qu'ayant constaté que les compositions musicales litigieuses incorporées dans les jeux vidéo de la société Cryo émanaient d'adhérents de la Sacem, la cour d'appel a jugé à bon droit qu'une telle incorporation était soumise au droit de reproduction mécanique dont l'exercice et la gestion sont confiés à la Sesam et a, par voie de conséquence, justement admis la créance de cette dernière au passif de la liquidation judiciaire de la société Cryo ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres branches du moyen sont nouvelles et mélangées de fait et partant irrecevables ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., le condamne à payer à la société Sesam la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour M. X... .
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance frappée d'appel et fixé les créances de la société SESAM au passif de la liquidation judiciaire de la société CRYO à la somme de 500 000 euros à titre privilégié et à la somme de 3 000 euros à titre chirographaire ;
AUX MOTIFS QU':
«une telle qualification logicielle apparaît bien réductrice alors que, s'il est exact que le jeu vidéo comprend un tel outil, il s'agit d'une oeuvre de l'esprit complexe élaborée au moyen de cet outil avec un scénario, des images, des sons, des compositions musicales, etc. ; (...) les dispositions de l'article L. 131-4 5° du code de la propriété intellectuelle ne sont donc pas applicables, les jeux vidéo édités par la société CRYO étant des oeuvres «multimédia» qui ne se réduisent pas au logiciel qui permet leur exécution ;
(...) la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, citée par Monsieur X... mais non applicable au présent litige, est d'ailleurs venue confirmer que le jeu vidéo est une oeuvre spécifique définie comme un «logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d'interactions s'appuyant sur une trame scénarisée ou dans des situations simulées et se traduisant sous forme d'images animées sonorisées ou non» ;
(...)
en l'espèce, les droits de reproduction revendiqués par la société SESAM portent sur les compositions musicales des adhérents de la SACEM en tant qu'elles sont reproduites dans un programme multimédia ; (...) en effet la musique ne se fond pas dans l'ensemble que constitue le jeu vidéo (...) il reste possible d'attribuer au compositeur ses droits d'auteur distincts sur cette oeuvre qui, par rapport à ce dernier, est une oeuvre de collaboration au sens des articles L. 113-2 et L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle» ;
1°) ALORS QUE les jeux vidéo sont des logiciels ; ainsi en rejetant la qualification de logiciel pour les jeux vidéo en cause, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4, 5° du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS QUE les jeux vidéo sont des oeuvres collectives, de sorte qu'en estimant que les jeux vidéo en cause seraient des oeuvres de collaboration, la cour d'appel a violé l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) ALORS QUE, subsidiaire, la qualification d'une oeuvre multimédia doit être recherchée, pour chaque oeuvre concernée, d'après les conditions de sa création et la part prépondérante prise par le genre logiciel et/ou le genre audiovisuel, de sorte qu'en rejetant les qualifications de logiciel et d'oeuvre collective, sans examiner pour chaque jeu concerné la part logicielle ou audiovisuelle et les conditions de sa création, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 131-4, 5°, L. 113-2 et L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle ;
4°) ALORS QUE, subsidiaire, lorsqu'une action en justice concerne une oeuvre de collaboration, tous les auteurs de cette oeuvre doivent, à peine d'irrecevabilité, être appelés en la cause ; ainsi en accueillant la demande de la société SESAM tout en estimant que les jeux vidéo litigieux seraient des oeuvres de collaboration et quand Monsieur X... faisait valoir dans ses écritures d'appel que si le jeu vidéo était une oeuvre de collaboration, chacun des co-auteurs serait propriétaire indivis du jeu, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle.