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24/06/2009 | FRANCE | N°08-18675

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 juin 2009, 08-18675


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 juin 2008), que M. X..., propriétaire des parcelles données à bail aux époux Y... pour une durée de 18 ans à compter du 29 septembre 1985, a, le 28 mars 2002, délivré aux preneurs un congé afin de reprise personnelle à effet du 30 septembre 2003 ; qu'il était précisé que le congé était subsidiairement destiné à limiter le renouvellement du bail au 25 septembre 2006 pour M. Y... et au 25 septembre 2010 pour Mme Y..., années au cours desquelles ils dev

aient respectivement atteindre l'âge de la retraite retenu en matière d'ass...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 juin 2008), que M. X..., propriétaire des parcelles données à bail aux époux Y... pour une durée de 18 ans à compter du 29 septembre 1985, a, le 28 mars 2002, délivré aux preneurs un congé afin de reprise personnelle à effet du 30 septembre 2003 ; qu'il était précisé que le congé était subsidiairement destiné à limiter le renouvellement du bail au 25 septembre 2006 pour M. Y... et au 25 septembre 2010 pour Mme Y..., années au cours desquelles ils devaient respectivement atteindre l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles ; que les preneurs ont contesté en justice la validité du congé en soutenant que le bénéficiaire de la reprise ne disposait pas d'une autorisation préalable d'exploiter ;

Sur les deux premiers moyens, réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de constater qu'il n'est pas titulaire d'une autorisation administrative préalable d'exploiter et d'annuler en conséquence le congé alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque l'opération de reprise est subordonnée à une autorisation administrative d'exploiter, la reprise ne peut être obtenue que si cette autorisation a été accordée ; que si la décision prise à ce sujet n'est pas devenue définitive à la date normale d'effet du congé, le tribunal paritaire sursoit à statuer, le bail en cours étant prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle cette décision est devenue définitive ; qu'en l'espèce, en l'état de l'arrêt du Conseil d'Etat ayant eu pour effet de rendre définitive l'autorisation tacite d'exploiter dont M. X... était censé bénéficier à compter du 10 février 2003, la cour d'appel devait en tirer les conséquences et ne pouvait refuser de valider le congé en retenant que "dans ce cas, le candidat à la reprise ne pouvait se prévaloir d'une autorisation tacite d'exploiter" ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-58, L. 411-59 et R. 331-4, R. 331-5 et R. 331-6 du code rural ;

2°/ que l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 4 avril 2003 portant refus d'exploiter, qui ne visait pas la décision implicite acquise le 10 février 2003, n'opérait pas retrait de cette autorisation, et avait été rétroactivement annulé par un jugement du tribunal administratif du 17 novembre 2005, devenu définitif en l'absence de recours ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes ci-dessus visés et de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

3°/ que lorsque le bail est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle la décision relative à l'autorisation d'exploiter sera définitive, les conditions de la reprise doivent être appréciées à cette dernière date et non à la date d'expiration du bail, pour laquelle le congé avait été donné ; qu'en l'espèce, en raison de la procédure administrative relative à la légalité de l'autorisation d'exploiter et en particulier de l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 avril 2006, le bail avait été prorogé jusqu'à la fin de l'année culturale 2006 ; qu'à cette date, la reprise opérée par M. X... était seulement soumise au régime de la déclaration, laquelle doit être faite au plus tard dans le mois qui suit le départ effectif du preneur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-58 et L. 411-59 du code rural et L. 331-2 dans sa rédaction issue de l'article 17-8° de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 ;

Mais attendu, d'une part, qu'une autorisation n'est réputée accordée qu'à défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier et que, si l'annulation d'une décision de prolongation de délai fait disparaître rétroactivement la décision, cette disparition ne rend pas le demandeur titulaire d'une autorisation tacite ; qu'ayant constaté que le 10 octobre 2002, M. X... avait déposé une demande d'autorisation préalable d'exploiter auprès de la préfecture, que par arrêté du 7 janvier 2003, le préfet avait porté à six mois le délai d'instruction de cette demande, que par ordonnance du 8 avril 2003, le juge des référés avait constaté l'illégalité de cet arrêté, que par jugement du 30 juin 2003, le tribunal administratif l'avait annulé, que ce jugement avait été confirmé par la cour administrative d'appel et que le pourvoi en cassation avait été rejeté par le Conseil d'Etat le 28 avril 2006, la cour d'appel en a exactement déduit que dans ce cas le candidat à la reprise ne pouvait se prévaloir d'une autorisation tacite d'exploiter ;

Attendu, d'autre part, que s'étant exactement placée au 30 septembre 2003, date pour laquelle le congé avait été délivré, pour apprécier si M. X... devait disposer d'une autorisation préalable d'exploiter et ayant relevé, à bon droit, que l'article 104 de la loi du 5 janvier 2006 disposait que certaines seulement de ses dispositions étaient applicables immédiatement aux baux en cours, la cour d'appel a justement retenu que le régime dérogatoire de la déclaration prévu par l'article L. 331-2 du code rural dans sa rédaction issue de cette loi n'était pas applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 416-1 du code rural, ensemble l'article L. 411-47 du même code ;

Attendu que pour annuler le congé, l'arrêt retient que, délivré en mars 2002 pour 2010, il est trop prématuré et ne peut être validé, qu'il doit être manifestement réitéré pour ce motif ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le seul fait qu'un congé soit délivré prématurément ne suffit pas à entraîner sa nullité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les circonstances pouvant justifier cette annulation, n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le congé délivré le 28 mars 2002 pour refus de renouvellement du bail en 2010 prématuré et a, en conséquence, annulé le congé, l'arrêt rendu le 5 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne les époux Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros, rejette la demande des époux Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

;

Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour M. X... ;

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que Monsieur X... n'était pas titulaire d'une autorisation administrative préalable d'exploiter et en conséquence, annulé le congé délivré par Monsieur X... aux époux Y... le 28 mars 2002 pour le 30 septembre 2003

AUX MOTIFS QUE le congé rural est un acte de procédure et c'est à la date d'effet de celui-ci qu'il convient de se placer pour apprécier si le candidat à la reprise doit bénéficier d'une autorisation préalable d'exploiter ; qu'en l'occurrence, il n'est pas contesté par les parties qu'au 30 septembre 2003, Monsieur X... devait disposer d'une telle autorisation administrative pour prétendre à la reprise en vertu de l'ancien article L.411-38 du code rural alors applicable ; que les époux Y... soutiennent que Monsieur X... ne peut invoquer une autorisation implicite d'exploiter ; ….. qu'il résulte des dispositions de l'article R.331-7 al. 4 du code rural qu'"à défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier, ou en cas de prolongation de ce délai dans les conditions prévues à l'article R.331-5 dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée" ; que cependant, il apparaît en l'espèce, que si aucune décision n'est intervenue à la suite de l'arrêté préfectoral de prorogation du délai de six mois à compter du 7 janvier 2003, ce même arrêté a été contesté par Monsieur X... devant le juge des référés du Tribunal Administratif qui l'a déclaré illégal par ordonnance du 8 avril 2003 puis devant le Tribunal Administratif qui l'a annulé par jugement du 30 juin 2003 ; que ce jugement a été confirmé par la Cour Administrative d'Appel de DOUAI le 28 avril 2005, et que le pourvoi en cassation dont l'arrêt de cette Cour a fait l'objet, a été rejeté par le Conseil d'Etat le 28 avril 2006 ; que dans ce cas, le candidat à la reprise ne saurait se prévaloir d'une autorisation tacite d'exploiter ; que de même, l'arrêté préfectoral de refus d'autorisation d'exploiter en date du 4 avril 2003 a été annulé pour des raisons procédurales par jugement du Tribunal Administratif du 17 novembre 2005, mais ne saurait être considéré comme valant autorisation d'exploiter ; qu'il y a lieu de dire que Monsieur X... ne dispose pas actuellement d'une autorisation d'exploiter.

ALORS QUE lorsque l'opération de reprise est subordonnée à une autorisation administrative d'exploiter, la reprise ne peut être obtenue que si cette autorisation a été accordée ; que si la décision prise à ce sujet n'est pas devenue définitive à la date normale d'effet du congé, le Tribunal Paritaire surseoit à statuer, le bail en cours étant prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle cette décision est devenue définitive ; qu'en l'espèce, en l'état de l'arrêt du Conseil d'Etat, ayant eu pour effet de rendre définitive l'autorisation tacite d'exploiter dont Monsieur X... était censé bénéficier à compter du 10 février 2002, la Cour d'Appel devait en tirer les conséquences et ne pouvait refuser de valider le congé en retenant que "dans ce cas, le candidat à la reprise ne pouvait se prévaloir d'une autorisation tacite d'exploiter" ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a procédé d'une violation des articles L.411-58, L.411-59 et R.331-4, R.331-5 et R.331-6 du code rural,

ALORS EN OUTRE, QUE l'arrêté du Préfet de l'EURE en date du 4 avril 2003 portant refus d'exploiter, qui ne visait pas la décision implicite acquise le 10 février 2003, n'opérait pas retrait de cette autorisation, et avait été rétroactivement annulé par un jugement du Tribunal Administratif du 17 novembre 2005, devenu définitif en l'absence de recours ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, la Cour d'Appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes ci-dessus visés et de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que Monsieur X... n'était pas titulaire d'une autorisation administrative préalable d'exploiter et en conséquence, d'AVOIR annulé le congé délivré par Monsieur X... aux époux Y... le 28 mars 2002 pour le 30 septembre 2003,

AUX MOTIFS QUE l'article L.331-2 du code rural, dans ses nouvelles dispositions, qui instaure un régime dérogatoire à la nécessité d'une autorisation administrative d'exploiter à un candidat à la reprise, subordonne le régime de la simple déclaration à certaines conditions, notamment le fait que le bien soit libre ; que les conditions de fond de la reprise devant s'apprécier à la date d'effet du congé soit en 2003, date à laquelle Monsieur X... devait justifier d'une autorisation d'exploiter comme rappelé précédemment, il ne peut utilement arguer de l'application de ces nouvelles dispositions ; qu'en tout état de cause, la Cour ne peut considérer que les biens en litige sont libres, lorsqu'ils sont toujours occupés par le preneur qui conteste la validité du congé délivré en 2002 et dont le départ en dépend nécessairement ; que le congé aux fins de reprise ne peut être validé sur le fondement des dispositions de l'article L.411-58 du code rural,

ALORS QUE lorsque le bail est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle la décision relative à l'autorisation d'exploiter sera définitive, les conditions de la reprise doivent être appréciées à cette dernière date et non à la date d'expiration du bail, pour laquelle le congé avait été donné ; qu'en l'espèce, en raison de la procédure administrative relative à la légalité de l'autorisation d'exploiter et en particulier de l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 avril 2006, le bail avait été prorogé jusqu'à la fin de l'année culturale 2006 ; qu'à cette date, la reprise opérée par Monsieur X... était seulement soumise au régime de la déclaration, laquelle doit être faite au plus tard dans le mois qui suit le départ effectif du preneur ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a procédé d'une violation des articles L.411-58 et L.411-59 du code rural et L.331-2 dans sa rédaction issue de l'article 17-8° de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le congé délivré en 2002 pour refus de renouvellement en 2010 était prématuré,

AUX MOTIFS QU'il est constant que Madame Y... atteindra l'âge de la retraite le 29 novembre 2009 et que conformément au texte relatif aux baux à long terme, le renouvellement du bail peut être limité à la période annuelle au cours de laquelle elle aura atteint cet âge, soit en l'espèce le 29 novembre 2010 ; que cependant le congé délivré en mars 2002 pour 2010 est trop prématuré et ne peut être validé et devra être manifestement réitéré pour ce motif,

ALORS QU'un congé ne peut être annulé comme étant délivré prématurément que si la preuve d'une fraude est établie ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, sans même constater la preuve d'une fraude ourdie par l'auteur du congé, la Cour d'Appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 411-47 et L 416-1 du code rural.

ALORS EN OUTRE, qu'en statuant comme elle l'a fait sans même préciser si le congé délivré en raison de l'âge atteint par Monsieur Y... preneur, ne pouvait pas être validé pour le 29 septembre 2006 date à laquelle ce dernier avait atteint l'âge retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, la Cour d'Appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des mêmes textes.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-18675
Date de la décision : 24/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Renouvellement - Refus - Congé - Délai - Congé prématuré - Nullité - Constatations nécessaires

Le seul fait qu'un congé soit délivré prématurément ne suffisant pas à entraîner sa nullité, ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui en prononce la nullité sans caractériser les circonstances pouvant justifier cette annulation


Références :

Sur le numéro 1 : article 104 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006

article L. 411-58 du code rural dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006

articles L. 416-1, L. 411-47, R. 331-5 et R. 331-6 du code rural

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 05 juin 2008

Sur le n° 1 : Sur l'absence d'effets du retrait ou de l'annulation d'une décision d'autorisation ou de rejet, à rapprocher :CE, 7 décembre 1973, n° 88106, publié au recueil LebonSur le n° 3 : A rapprocher : 3e Civ., 22 mai 1968, pourvoi n° 66-14015, Bull. 1968, III, n° 228 (rejet) ;3e Civ., 21 février 1996, pourvoi n° 94-11289, Bull. 1996, III, n° 52 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 jui. 2009, pourvoi n°08-18675, Bull. civ. 2009, III, n° 158
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 158

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Bruntz
Rapporteur ?: Mme Monge
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.18675
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