LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Shiseido international Europe, le 2 mars 2000, en qualité d'assistance marketing et formation, qui était membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a été licenciée pour motif économique par lettre du 19 février 2004, après autorisation administrative de licenciement définitive du 16 février 2004 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour violation de l'ordre des licenciements, d'une indemnité pour violation de la priorité de réembauche et d'un rappel de prime ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche, alors, selon le moyen, " qu'en statuant comme elle l'a fait, sans avoir constaté l'existence d'un emploi devenu disponible au sein de la société postérieurement à la demande de Mme X..., et compatible avec la qualification de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-14 codifié à l'article L. 1233-45 du code du travail " ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification ; qu'il en résulte qu'en cas de litige il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes ;
Et attendu qu'ayant relevé que l'employeur qui ne produisait pas le registre unique du personnel, malgré la demande de la salariée a légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une somme à titre de rappel de prime pour l'année 2004, alors, selon le moyen, " qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la généralité du versement de la prime à l'ensemble des salariés, ou à tout le moins à une catégorie déterminée d'entre eux a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil " ;
Mais attendu que l'employeur ayant seulement contesté le caractère constant du versement de cette prime, le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Mais sur le premier et le deuxième moyen du même pourvoi :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que pour déclarer recevable la demande d'indemnité de la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre en raison d'un manquement à l'obligation individuelle de reclassement, la cour d'appel retient que l'autorisation administrative de licenciement ne prive pas le juge judiciaire de son pouvoir de contrôle du respect par l'employeur de ses obligations contractuelles individuelles à l'égard de la salariée, à savoir ses obligations contractuelles en matière de reclassement et de critères d'ordre des licenciements ;
Qu'en statuant ainsi alors que lorsque le licenciement économique d'un salarié protégé a été autorisé par l'inspecteur du travail à qui il appartient de vérifier le respect de l'obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs contrôler le respect de cette obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation du chef de l'arrêt ayant alloué à Mme X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt ayant dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'indemnité pour non respect des critères d'ordre des licenciements ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à Mme X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'indemnité pour violation de l'ordre des licenciements, l'arrêt rendu le 11 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme X... de sa demande en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, pour qu'il soit statué sur la demande d'indemnité fondée sur les critères de l'ordre des licenciements ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Shiseido international Europe.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit recevables la demande de Mme X... relative à la rupture de son contrat de travail au titre de l'absence de reclassement ;
AUX MOTIFS QUE l'autorisation administrative ne prive pas le juge judiciaire de son pouvoir de contrôle du respect par l'employeur de l'exécution de ses obligations contractuelles individuelles à l'égard de la salariée, à savoir ses obligations contractuelles en matière de reclassement ;
ALORS QUE le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, et sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement y compris en ce qui concerne le respect de l'obligation de reclassement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1990, ensemble les articles L. 236-1 et L. 436-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société Shiseido International Europe à lui verser la somme de 25. 000 à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'il convient de relever que le reclassement fait partie intrinsèque des obligations contractuelles de l'employeur dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, constitutif de la cause économique réelle et sérieuse du licenciement de la salariée ; que force est de constater qu'alors que l'employeur avait l'obligation de formuler des propositions écrites et précises de reclassement, en application des dispositions légales issues de la loi du 17 janvier 2002, en vigueur lors de la rupture du contrat de travail de Mme X..., il ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de lui faire d'autres propositions que celle qu'il lui a faite le 16 octobre 2003, relative à un poste d'assistante commerciale et marketing au sein du service « travail Retail » ; qu'il convient en outre de relever qu'il n'est pas établi que la salariée ait refusé cette proposition dans la mesure où il ressort des pièces de la procédure qu'elle s'était bornée à solliciter des précisions sur le poste proposé et à demander des garanties sur son salaire et la prise en compte de son ancienneté ; et ce, que ce soit dans le domaine de la formation, dernier poste occupé par l'intéressée ou dans un service de marketing, fonctions qu'elle avait précédemment occupées, toutes fonctions dans lesquelles sa polyvalence était de nature à faciliter son reclassement ; qu'en outre, en l'absence des livres d'entrées et de sorties du personnel des différentes sociétés du groupe, la cour n'est pas en mesure d'apprécier la réalité de l'impossibilité de reclasser l'intéressée dans ces sociétés, telle qu'invoquée par l'employeur au seul vu de ses consultations desdites sociétés, membre du groupe auquel appartient la SA Shiseido International Europe ; que le licenciement de Mlle X... est en conséquence sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu du préjudice subi par l'intéressée, eu égard notamment à son ancienneté, son salaire, la SA Shiseido International Europe sera condamnée à lui verser la somme de 25. 000 à titre d'indemnité de ce chef, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail, dont les conditions sont réunies en l'espèce ;
ALORS QUE le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier les salariés protégés et sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement, y compris en ce qui concerne le respect de l'obligation de reclassement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles L. 236-1 et L. 436-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA Shiseido International Europe à verser à Mme X... la somme de 6. 416 à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... a fait valoir par lettre du 8 avril 2005 son désir de bénéficier de la priorité de réembauchage prévue par la loi, s'agissant d'un licenciement pour motif économique ; que l'employeur qui ne produit pas le livre d'entrées et de sorties du personnel de l'entreprise, en dépit de la demande faite par le conseil de Mme X... le 28 juillet 2005, ne met en conséquence pas la salariée en mesure de faire valoir ses droits en ce domaine ;
ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans avoir constaté l'existence d'un emploi devenu disponible au sein de la société postérieurement à la demande de Mme X..., et compatible avec la qualification de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-14 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA Shiseido International Europe à verser à Mlle X... la somme de 1. 215, 59 à titre de dommages-intérêts à titre de rappel de prime pour l'année 2004 ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... rapporte la preuve d'un usage fixe et constant du versement de cette prime au mois de janvier de chaque année, depuis l'année 2001, pour la même somme de 1. 219, 59 ; que la prime litigieuse revêt en conséquence le caractère d'accessoire du salaire de Mme X..., nonobstant la qualification « d'exceptionnelle » mentionnée par l'employeur sur ses bulletins de paie ;
ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la généralité du versement de cette prime à l'ensemble des salariés ou, à tout le moins, à une catégorie déterminée d'entre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour Mme X....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mlle Christelle X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Shiseido international Europe à lui payer la somme de 19 248 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'application des critères d'ordre des licenciements ;
AUX MOTIFS QUE « sur les critères d'ordre de licenciement : dans la mesure où le licenciement de Mme X... a été jugé sans cause réelle et sérieuse du seul fait de l'absence de preuve de l'impossibilité de la reclasser, il n'y a pas lieu à statuer de ce chef, une indemnisation à ce titre ne pouvant se cumuler avec celle relative au licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse de l'intéressée » (cf., arrêt attaqué, p. 7) ;
ALORS QUE la cour d'appel ayant justifié le rejet de la demande de Mlle Christelle X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Shiseido international Europe à lui payer la somme de 19 248 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'application des critères d'ordre des licenciements aux seuls motifs qu'elle avait dit le licenciement de Mlle Christelle X... sans cause réelle et sérieuse et avait, pour cette raison, condamné la société Shiseido international Europe à lui payer des dommages et intérêts et qu'une indemnisation pour non respect des règles relatives à l'ordre des licenciement ne peut se cumuler avec celle relative au licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, la cassation de l'arrêt attaqué qui interviendrait sur le premier ou le deuxième moyen de cassation du pourvoi en cassation formé par la société Shiseido international Europe emporterait la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté Mlle Christelle X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Shiseido international Europe à lui payer la somme de 19 248 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'application des critères d'ordre des licenciements, en application des dispositions des articles 624 et 625 du code de procédure civile et L. 321-1-1 de l'ancien code du travail, recodifié aux articles L. 1233-5 et L. 1233-7 du code du travail.