LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches ci-après annexé :
Attendu que M. X... et Mme Y..., tous deux de nationalité française, se sont mariés en 1996 en Islande ; que leur fille, Laura, est née le 11 octobre 1999 à Reykjavik où la famille a continué à résider ; qu'alors que Mme Y... avait engagé, en juin 2001, une procédure de divorce en Islande, M. X... a déposé, le 5 septembre 2001, une requête en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil, se prévalant de l'article 14 du même code ; que la cour d'appel de Douai, par arrêt du 5 septembre 2002, a dit que M. X... avait renoncé tacitement au privilège de juridiction des articles 14 et 15 du code civil ; que sur pourvoi de M. X..., la première chambre (Civ 1re, 22 février 2005, Bull, I, n° 89) a fait application de l'article 2 § 1b) du Règlement CE n° 1347/2000 (Bruxelles II) ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Douai, 15 mai 2006) d'avoir fait droit à l'exception de litispendance internationale soulevée par Mme Y... au profit des juridictions islandaises ;
Attendu qu'ayant relevé, d'une part que la compétence des juridictions françaises fondée sur la nationalité française des époux, énoncée à l'article 2 § 1b) du Règlement Bruxelles II, n'avait pas un caractère universel excluant toute autre compétence internationale, d'autre part, que c'est à la date de saisine du préfet, en juin 2001 que les autorités islandaises avaient été saisies de la procédure de divorce dans son ensemble, antérieurement à la procédure en France, la cour d'appel en a justement déduit que l'exception de litispendance internationale soulevée par Mme Y... devait être accueillie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que s'agissant des « questions relatives au divorce », la compétence des juridictions françaises résulte de l'article 2 paragraphe 1 b du règlement CE n° 1347/2000 du Conseil de l'Union Européenne du 29 mai 2000 et constaté que les juridictions islandaises, également compétentes eu égard à leurs propres règles de conflits, ont été saisies en premier de la question du divorce, d'AVOIR reçu l'exception de litispendance internationale soulevée par Madame Caroline Y..., « les décisions prises et à prendre par les juridictions Islandaises à cet égard étant susceptibles d'être reconnues en France », et ordonné en conséquence le dessaisissement du juge français au profit des juridictions islandaises pour statuer sur le divorce des époux X...-Y...,
AUX MOTIFS QU'"il ressort des pièces produites que le 8 juin 2001, alors que les époux X...-Y... résidaient toujours en Islande avec leur fille Laura, Caroline Y... a saisi le Préfet de Reykjavik d'une requête tendant à l'introduction d'une instance en séparation fondée sur la loi islandaise ; en effet qu'au terme des articles 34 et 36 de la loi islandaise du 14 avril 1993 sur le respect du mariage, un époux qui considère que son mariage ne peut perdurer devra tenter d'obtenir du Préfet « une autorisation de séparation légale » ; chaque époux étant autorisé à divorcer au terme d'un délai d'un an à compter de ladite autorisation de séparation ; que la demande de séparation légale au Préfet est donc bien une phase obligatoire de la procédure de divorce ; par ailleurs, que si le conjoint exprime son désaccord devant le Préfet, l'époux demandeur devra saisir le tribunal ; que tel fut le cas en l'espèce, de sorte que le 4 mars 2002, le Préfet a invité Caroline Y... à saisir le tribunal d'instance de Reykjavik de sa demande ; que Caroline Y... fit alors assigner son époux en séparation de corps devant ledit tribunal pour l'audience du 3 septembre 2002 et que l'affaire fit l'objet de diverses remises, François X... étant dûment représenté par un avocat ; que par jugement du 14 octobre 2003, le tribunal a fait droit à la demande de séparation de corps et de biens de Caroline Y... et que cette décision fut confirmée par jugement de la Cour Suprême Islandaise en date du 28 octobre 2004 ; que selon le droit islandais, Caroline Y... devait alors attendre le délai d'un an pour déposer une demande en divorce devant le Juge islandais, ce qu'elle fit semble-t-il le 15 décembre 2005 ; que parallèlement à l'instance en séparation de corps sus évoquée et eu égard au refus de son époux d'accéder à la demande présentée par elle au Préfet, Caroline Y... a saisi le 18 juin 2001, le tribunal d'instance de Reykjavik d'une demande tendant à obtenir la garde provisoire de sa fille Laura ; que les 21 et 26 juin 2001, François X... est intervenu à cette instance et a reconventionnellement demandé que la garde de Laura lui soit confiée et que soit prononcée une interdiction de sortir l'enfant du territoire islandais ; que par décision du 13 juillet 2001 le tribunal d'instance de Reykjavik a confié la garde provisoire de l'enfant à sa mère et fait interdiction aux deux parents de la sortir du territoire islandais ; qu'il n'est pas inutile de relever que c'est seulement en suite de cette décision qui ne lui était point favorable que François X... a adressé une lettre au Préfet pour décliner la compétence de la juridiction islandaise ; qu'en outre, le 2 septembre 2001, François X... a enlevé l'enfant pour l'amener en France au mépris de la décision d'interdiction susvisée qu'il avait lui-même suscitée ; que par ordonnance du 21 janvier 2004 le tribunal de Reykjavik a octroyé à Caroline Y... la garde de sa fille Laura jusqu'à ce que celle-ci atteigne l'âge de 18 ans ; que par jugement du 10 février 2005, la Cour Suprême d'Islande a confirmé la précédente décision en soulignant notamment que Caroline Y... avait entamé sa procédure le 19 juin 2001 soit avant que son époux n'ait lui-même saisi le juge français, que le Préfet de Reykjavik a rendu une ordonnance le 7 juin 2004 organisant le droit de visite du père et que les parties se sont ensuite accordées pour un élargissement dudit droit de visite ; qu'il apparaît de l'ensemble des éléments ci-dessus analysés que c'est bien à la date de saisine du Préfet d'une demande amiable de séparation légale que les autorités islandaises doivent être considérées comme saisies de la procédure de divorce en son ensemble ; qu'ainsi en a d'ailleurs considéré la Cour de Cassation qui dans son arrêt du 22 février 2005 relève expressément que Caroline Y... a bien engagé une procédure de divorce en Islande en juin 2001 ;Qu'aux termes de l'article 2 paragraphe 1 b du règlement CE du 29 mai 2000 entré en vigueur le 1er mars 2001 (dit règlement Bruxelles - II), les juridictions de l'Etat membre de la nationalité des deux époux sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce et à la séparation de corps ; que ce texte donne donc bien compétence au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille saisi par le mari d'une requête en divorce le 5 septembre 2001 alors que le règlement CE du 29 mai 2000 était entré en vigueur ; que c'est à tort dans ces conditions que le premier juge a fondé sa décision sur le fait que François X... aurait tacitement renoncé au privilège de juridiction édicté par les articles 14 et 15 du code civil ; mais que la juridiction islandaise avait également compétence pour connaître du divorce et de la séparation de corps par application de ses propres règles de conflits ; qu'il existe donc en l'espèce un conflit positif débouchant sur un cas de litispendance laquelle doit être traitée non point au regard de l'article 11 du règlement CE susvisé qui ne concerne que les situations de litispendance entre deux états membres mais au regard des règles du droit commun ; qu'au terme de l'article 100 du nouveau code de procédure civile « si le même litige est pendant devant des juridictions également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande » ; que par ailleurs l'exception de litispendance internationale ne peut être accueillie que si la décision à intervenir à l'étranger est susceptible d'être reconnue en France ; qu'au vu des éléments ci-dessus analysés, Caroline Y... a saisi les autorités judiciaires islandaises d'une procédure de divorce dès le 8 juin 2001 soit antérieurement à la saisine du juge français par François X... le 5 septembre 2001 ; qu'ainsi qu'il a déjà été souligné, les juridictions islandaises se trouvent incontestablement compétentes en l'espèce à raison des règles de conflit islandaises et ont d'ailleurs clairement retenu leur compétence aux termes des décisions d'ores et déjà rendues ; qu'il n'apparaît nullement que le législateur européen ait voulu exclure toutes les compétences non européennes pour donner un caractère universel au règlement susvisé et que le terme « exclusif » visé par l'article 7 de celui-ci ne tend qu'à assurer la primauté du texte communautaire sur le droit interne des Etats membres ; que les règles de droit françaises et islandaises du divorce comportent de fortes similitudes et conduisent à un résultat équivalent ; que les décisions d'ores et déjà rendues par les juridictions islandaises paraissent en parfaite conformité avec l'ordre public français tant au regard de la procédure que du fond et que rien ne permet de douter qu'il en sera différemment de la décision à intervenir sur le divorce proprement dit ; qu'il convient d'ailleurs de souligner que l'Islande, comme la France, a ratifié la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; que Caroline Y... a saisi les autorités judiciaires de l'Etat où elle est domiciliée depuis plusieurs années, où elle s' est mariée, où elle a vécu avec son mari et où ils se trouvent à ce jour encore tous deux domiciliés ; qu'aucune fraude ne saurait donc lui être reprochée à cet égard ; qu'il y a lieu dès lors de considérer que les conditions de recevabilité de l'exception de litispendance internationale soulevée par Caroline Y... sont réunies et que le juge français doit se dessaisir de la procédure de divorce engagée par François X... au profit de la juridiction islandaise ; que cette procédure de divorce s'était concrétisée par le dépôt d'une requête en divorce auprès du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille qui au terme de son ordonnance déférée du 25 janvier 2002 avait relevé l'ensemble des réclamations formulées par le mari au titre des mesures provisoires relatives à l'enfant ; que lesdites mesures ont à l'évidence un caractère accessoire à la non conciliation que François X... entendait faire constater par le premier juge ainsi qu'à l'autorisation d'assigner qu'il requérait ; qu'elles ne sauraient donc faire présentement l'objet d'une dissociation de sorte que le juge français s'en trouve dessaisi comme de la requête en divorce proprement dite au profit des juridictions Islandaises qui ont d'ores et déjà reconnues leur compétence à cet égard" (arrêt, p. 5 à 8),
ALORS, D'UNE PART, QUE sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre de la nationalité des deux époux ;
Qu'en l'espèce, Monsieur François X... et Madame Caroline Y..., tous deux de nationalité française, se sont mariés en 1996 en Islande sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts, après que les bans aient été publiés à Saint-Nazaire, commune où ils résidaient alors ; qu'en juin 2001, Madame Y... a choisi de lancer devant le shérif (Syslumadur, c'est-à-dire une autorité purement administrative) de Reykjavik (Islande) d'une demande de séparation amiable, simple procédure administrative, plutôt qu'une procédure de divorce ; que, huit mois plus tard, en mars 2002, le shérif a constaté la caducité de cette démarche, Monsieur X... ne l'ayant pas acceptée ; qu'entre-temps, en août et septembre 2001, celui-ci a saisi le Tribunal de grande instance de Paris, puis de Lille d'une requête en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil ; qu'en septembre 2002, Madame Y... a saisi le juge de Reykjavik d'une requête en séparation ;
Que, pour dire les juridictions françaises incompétentes pour statuer sur le divorce des époux X...-Y..., la Cour d'appel a considéré que les juridictions islandaises avaient été saisies avant le juge français ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les deux époux sont de nationalité française, la Cour d'appel a violé l'article 2, paragraphe 1 b) du règlement CE n° 1347/2000 du 29 mai 2000, entré en vigueur le 1er mars 2001 ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE, à supposer que les juridictions de l'Etat membre de la nationalité des deux époux n'aient pas compétence exclusive pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, il en va différemment lorsque sont concernées les juridictions d'un Etat tiers, extérieur à l'Union européenne ; que, dans cette hypothèse, l'exception de litispendance ne peut être invoquée lorsque le litige met en cause un Français qui n'a pas renoncé au privilège de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil lesquels confèrent aux tribunaux français une compétence exclusive rendant incompétente une juridiction étrangère ;
Qu'en l'espèce, Monsieur François X... et Madame Caroline Y..., tous deux de nationalité française, se sont mariés en 1996 en Islande sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts, après que les bans aient été publiés à Saint-Nazaire, commune où ils résidaient alors ; qu'en juin 2001, Madame Y... a choisi de lancer devant le shérif (Syslumadur, c'est-à-dire une autorité purement administrative) de Reykjavik (Islande) d'une demande de séparation amiable, simple procédure administrative, plutôt qu'une procédure de divorce ; que, huit mois plus tard, en mars 2002, le shérif a constaté la caducité de cette démarche, Monsieur X... ne l'ayant pas acceptée ; qu'entre-temps, en août et septembre 2001, celui-ci a saisi le Tribunal de grande instance de Paris, puis de Lille d'une requête en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil ; qu'en septembre 2002, Madame Y... a saisi le juge de Reykjavik d'une requête en séparation ;
Que, pour dire les juridictions françaises incompétentes pour statuer sur le divorce des époux X...-Y..., la Cour d'appel a considéré que les juridictions islandaises avaient été saisies avant le juge français ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 2, paragraphe 1 b) du règlement CE n° 1347/2000 du 29 mai 2000, ensemble les articles 14 et 15 du Code civil, 100 et 1070 du Code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la litispendance internationale suppose une identité d'objet et de cause des instances en présence ;
Qu'en l'espèce, ainsi que Monsieur X... le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, Madame Y... a choisi, en juin 2001, de saisir, d'une part, le shérif (Syslumadur, c'est-à-dire une autorité purement administrative) de Reykjavik (Islande) d'une demande de séparation amiable, simple procédure administrative, plutôt qu'une procédure de divorce, et, d'autre part, le Tribunal d'instance de Reykjavik pour voir statuer provisoirement sur la garde de l'enfant commun ; qu'en août et septembre 2001, Monsieur X... a saisi le Tribunal de grande instance de Paris, puis de Lille d'une requête en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil ; qu'en septembre 2002, Madame Y... a saisi le juge de Reykjavik d'une requête en séparation de corps ;
Qu'en accueillant l'exception de litispendance internationale soulevée par Madame Caroline Y... et en ordonnant en conséquence le dessaisissement du juge français au profit des juridictions islandaises pour statuer sur le divorce des époux X...-Y..., la Cour d'appel a violé les articles 100 et 1070 du Code de procédure civile, ensemble les articles 14 et 15 du Code civil.