LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'un jugement du 7 janvier 1992 a prononcé le divorce de Mme X... et M. Y... sur leur requête conjointe et homologué un acte de partage ayant attribué à M. Y... un immeuble commun, moyennant le paiement d'une soulte payable le jour du divorce et "au plus tard le 29 février 1992" ; que, par acte du 16 mai 2006, Mme X... a fait délivrer à M. Y... un commandement aux fins de saisie-vente pour avoir paiement d'une certaine somme correspondant au montant de la soulte avec intérêts de retard à compter du 1er mars 1992 ; qu'une saisie-attribution a également été pratiquée pour les mêmes sommes ; que M. Y... a saisi le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la mainlevée des actes de saisie au motif qu'il s'était acquitté du paiement de la soulte au moyen de plusieurs versements réalisés entre 2001 et 2005 ; que, par l'arrêt infirmatif attaqué, la cour d'appel a déclaré les actes de saisie valablement effectués à hauteur de la somme de 25 796,36 euros assorties des intérêts au taux légal, arrêtés au 16 mai 2006 à la somme de 3 948,65 euros ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué ;
Attendu qu'après avoir considéré à juste titre que le litige portait sur un défaut d'imputation des sommes versées par M. Y... en sus des pensions alimentaires, la cour d'appel a retenu que M. Y... apparaissait avoir réglé certaines factures pour les enfants devenus majeurs, à compter de 2001, en sus de leurs besoins courants, et que le défaut de concordance entre les versements effectués et le montant de la soulte mettait en doute son intention préalable de la payer pour sa valeur exacte ; que, n'étant pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et abstraction faite du motif surabondant visé par la cinquième branche, elle en a souverainement déduit que les paiements intervenus en sus des pensions alimentaires s'analysaient en des libéralités de M. Y... à sa famille ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche et sur le premier moyen du pourvoi incident, réunis :
Vu les articles 832, dernier alinéa, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 et 1153 du code civil ;
Attendu que, pour fixer à la somme de 3 948,65 euros le montant des intérêts dus sur la soulte, l'arrêt énonce que les intérêts au taux légal, à défaut de stipulation contraire courent, en matière contractuelle, à compter de la mise en demeure ou de la sommation ou commandement valant un tel acte ; que c'est à bon droit que Mme X... a réclamé à M. Y... des intérêts au taux légal en vigueur à la date des commandements de saisie-vente et procès verbal de saisie-attribution délivrés, soit 2,11 % ; que, toutefois, elle ne pouvait, à défaut de toute réclamation antérieure, solliciter que les intérêts dans la limite des cinq années écoulées en vertu de la prescription de l'article 2277 du code civil et non, comme cela a été fait, à partir du 1er mars 1992, date de l'exigibilité de la soulte ; que les intérêts au taux légal ne pouvaient être calculés que pour la période du 16 mai 2001 au 16 mai 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, s'agissant d'un partage amiable, si les intérêts au taux légal n'étaient dus qu'à compter du commandement de saisie-vente du 16 mai 2006 valant mise en demeure, ils ne pouvaient pas l'être pour une période antérieure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré les actes d'exécution valablement exécutés sur le fondement d'une créance liquide et exigible de Mme X... vis-à-vis de M. Y... pour la somme de 3 948,65 euros au 16 mai 2006, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Y... de ses demandes en nullité du commandement de saisie- vente dressé le 16 mai 2006 et du procès-verbal de saisie- attribution du 31 mai 2006 et d'avoir au contraire déclaré ces actes d'exécution valablement effectués sur le fondement d'une créance liquide et exigible de Madame X..., correspondant à une soulte de 25.787,36 , assortie d'intérêts au taux légal de 3.948,65 au 16 mai 2006 ;
AUX MOTIFS QUE le litige porte sur le défaut d'imputation des sommes versées plutôt que sur la réalité de celles-ci ; que si Madame X... n'a jamais réclamé le paiement de la soulte, elle n'a jamais non plus accepté que son ex-époux commence à s'en acquitter plus de deux ans après la date d'exigibilité conventionnelle, sur treize années en tout, ni qu'il la règle en plusieurs mensualités ; (…) ; que Monsieur Y... apparaît, ainsi que l'allègue Madame X..., avoir réglé certaines factures pour les enfants devenus majeurs, à compter de 2001, en sus de leurs besoins courants, même si les factures de formation, stages, voyages ou auto école produites, ne justifient ses paiements que jusqu'à concurrence de 5.813,66 ; qu'en revendiquant la totale maîtrise du montant, de la périodicité et des échéances des règlements qu'il a effectués, Monsieur Y... voudrait voir valider un mode d'exécution des engagements pris lors de la convention définitive, puis à l'acte de partage, totalement discrétionnaire, bien éloigné du consensus présidant dans l'esprit des époux à la liquidation et au partage du régime matrimonial ; que Monsieur Y... souligne lui-même qu'il a réglé, outre les pensions dues à Madame X..., la somme totale de 177.447 francs, soit 27.051,62 , alors que la soulte était de 169.154 francs nets d'intérêt, ce défaut de concordance mettant en doute son intention préalable aux paiements litigieux, de payer la soulte elle-même en sa valeur exacte ; qu'il importe de rappeler que la part de Madame X... des droits en toute propriété portant sur le bien immeuble dépendant de la communauté a la nature d'un capital, sur lequel l'épouse devait pouvoir compter pour se reloger ; que seul l'accord exprès et écrit de la bénéficiaire aurait pu en autoriser le règlement par mensualités, à condition encore que les versements prévus soient d'un montant fixe, régulier, offrant la garantie d'un recouvrement fiable, le cas échéant ; que les paiements intervenus, en plus des pensions alimentaires et de ceux reconnus comme couvrant des besoins de scolarité ou formation supplémentaires des filles des parties, après leur majorité, ne sauraient s'analyser qu'en libéralités de Monsieur Y... à sa famille ; qu'enfin, la réalisation par Monsieur Y... d'une donation de 15.000 à chacune de ses filles après la vente de son appartement en 2005 peut laisser penser qu'il considérait n'avoir pas réglé la soulte due à son épouse et devoir en dédommager les enfants ; que le jugement entrepris doit donc être infirmé, le commandement de saisie vente dressé le 16 mai 2006 comme le procès-verbal de saisie-attribution adressé le 31 mai 2006 à la société BNP PARIBAS, apparaissant fondés sur une créance certaine liquide et exigible ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QU' en l'absence de manifestation de volonté du débiteur lors du paiement, celui-ci doit porter sur la dette que le débiteur a le plus intérêt à acquitter ; que la Cour d'appel qui a constaté que le litige portait sur « le défaut d'imputation » des sommes litigieuses lors du paiement, devait dès lors exclusivement rechercher la dette de Monsieur Y... à l'égard de Madame X..., que celui-ci avait le plus intérêt à acquitter ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1256 du Code civil par refus d'application ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE, le créancier ne peut jamais choisir lui-même la dette sur laquelle imputer les paiements du débiteur et que, seul, un accord exprès entre les parties peut écarter les règles d'imputation légale ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... établissait avoir procédé au règlement de la dette qu'il avait le plus intérêt à acquitter, soit la soulte du partage, par des versements mensuels réguliers, en même temps que les pensions destinées aux filles du couple, versements de plus en plus importants au fur et à mesure que sa situation financière s'était améliorée (notamment, par versements mensuels d'environ 3.000 francs durant l'année 1994, par versements mensuels de 609,80 en 2001 sauf le dernier de 610 , par versements mensuels de 610 à 650 en 2002, de 650 en 2003 et 2004) ; que la Cour d'appel ne pouvait dès lors se soustraire à la recherche de la dette que Monsieur Y... avait le plus intérêt à acquitter, qu'en constatant un accord exprès des parties à une affectation déterminée des versements litigieux ; qu'en se bornant à faire état de l'absence d'accord préalable exprès de Madame X... au règlement échelonné de la soulte, la Cour d'appel a violé à nouveau l'article 1256 du Code civil par refus d'application ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le défaut de concordance arithmétique exacte entre le montant total des sommes réglées par Monsieur Y... et celui de la soulte de partage était impuissant à remettre en cause l'intérêt de Monsieur Y... à s'acquitter de cette dette, seul à prendre en compte pour l'application de l'article 1256 du Code civil ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé à nouveau ce texte par refus d'application ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la Cour d'appel ne pouvait affirmer que certaines factures relatives à des frais divers concernant les enfants, produites par Madame X..., « justifiaient » les paiements de Monsieur Y... à concurrence de 5.813,66 -en plus des pensions- sans même constater que ce dernier aurait émis des chèques du montant exact des frais correspondants, pour réfuter le motif du jugement (p. 4 alinéa 3) selon lequel lesdites factures n'étaient nullement « rapprochées des paiements correspondants soi disant effectués par le père des enfants » ; que la Cour d'appel a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE en affirmant que « la réalisation d'une donation de 15.000 à chacune de ses filles après la vente de son appartement en 2005 peut laisser penser qu'il considérait n'avoir pas réglé la soulte due à son épouse et devoir en dédommager les enfants », la Cour d'appel a statué par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QUE la Cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions d'appel de Monsieur Y... faisant valoir qu'il n'avait procédé à la donation de 15.000 qu'avec l'accord de son épouse et que, de plus, s'il avait été encore débiteur de tout ou partie de la soulte, il n'aurait pas été assez sot pour procédé à la dite donation, au risque de s'exposer ensuite à l'obligation d'emprunter de nouveaux fonds pour procéder à l'apurement d'une telle dette (conclusions d'appel de Monsieur Y..., signifiées le 23 mai 2008, p. 6) ; que la Cour d'appel a ainsi à nouveau violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est encore fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR alloué à Madame X... la somme de 3.948, 65 au titre d'intérêts légaux pour la période du 16 mai 2001 au 16 mai 2006 ;
AUX MOTIFS QUE les intérêts au taux légal, à défaut de stipulation contraire, courent en matière contractuelle à compter de la mise en demeure ou de la sommation de payer ; que c'est à bon droit que Madame X... a réclamé à Monsieur Y... des intérêts au taux légal en vigueur à la date des commandement de saisie vente et procès-verbal de saisie attribution délivrés (les 16 mai 2006 et 31 mai 2006), soit 2,11 % ; que, toutefois, elle ne pouvait, à défaut de réclamation antérieure, solliciter que les intérêts dans la limite des cinq années écoulées en vertu de la prescription de l'article 2277 du Code civil et non, comme cela a été fait, à partir du 1er mars 1992, date d'exigibilité de la soulte ; que les intérêts au taux légal ne pouvaient être calculés que pour la période du 16 mai 2001 au 16 mai 2006 ; qu'ils s'élèvent à 3.948,65 , ainsi ventilés (suit le détail des intérêts calculés, année par année, selon le taux légal en vigueur pour chacune des années) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la Cour d'appel qui a correctement rappelé la règle selon laquelle les intérêts au taux légal, à défaut de stipulation contraire, courent en matière contractuelle à compter de la mise en demeure ou de la sommation de payer et qui a constaté qu'il n'y avait pas eu de mise en demeure avant le commandement de saisie vente du 16 mai 2006 (et le procès-verbal de saisie attribution du 31 mai 2006), ne pouvait faire courir les intérêts au taux légal qu'au plus tôt, à compter du commandement de saisie vente du 16 mai 2006 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1153 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, seule, une disposition spéciale de la convention de partage stipulant « les dommages-intérêts prévus à l'article 1153 du Code civil » eût permis à Madame X... de réclamer des intérêts au taux légal pour la période antérieure au commandement de saisie vente du 16 mai 2006 (dans la limite de la prescription quinquennale) ; que la Cour d'appel qui ne constate pas l'existence d'une telle disposition spéciale, a par ailleurs violé l'article 1134, ensemble les articles 1451 dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, alors applicable et 504 du Code de procédure civile.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé les intérêts au taux légal dus par Monsieur Y... à la somme de 3.948,65 euros,
AUX MOTIFS QUE
« Madame X... ne pouvait, à défaut de toute réclamation antérieure, solliciter que les intérêts dans la limite des cinq années écoulées en vertu de la prescription de l'article 2277 du Code civil et non comme cela a été fait à partir du 1er mars 1992, date d'exigibilité de la soulte ; que les intérêts au taux légal ne pouvaient être calculés que pour la période du 16 mai 2001 au 16 mai 2006 ; qu'ils s'élèvent à 3.948, 65 euros, ainsi ventilés » ;
ALORS QUE la prescription de l'article 2277 du Code civil n'est pas applicable aux intérêts dus sur une somme dès lors que le créancier agit en vertu d'un titre exécutoire en usant d'une mesure d'exécution ; que pour fixer à la somme de 3.948, 65 euros, la Cour d'appel énonce que Madame X... ne pouvait solliciter que les intérêts dans la limite de cinq années écoulées et non à partir du 1er mars 1992, date d'exigibilité de la soulte ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;