LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 411-13 du code rural, ensemble l'article 34 de la loi du 15 juillet 1975 ;
Attendu que le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins 1/10 à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 28 janvier 2008) que par acte des 17 août et 15 novembre 1979, Mme X... a donné à bail à ferme à la société civile agricole de la Plaine Capesterre (la société) des terres d'une superficie de 23 ha 72 ca. ; que le contrat de bail précisait qu'il était consenti et accepté moyennant un fermage annuel de 3 290 francs payable par année et d'avance, lequel serait révisable chaque année et en fonction de l'indice officiel des prix de détail à la consommation publiée par l'INSEE, ce prix équivalant à 4 t de bananes, en attendant que la valeur locative du bien loué soit déterminée par arrêté préfectoral ; que les consorts X... ont assigné la société ainsi que M. Y..., ès qualités d'administrateur provisoire de la société, aux fins de résiliation du bail pour défaut de paiements de fermage malgré mises en demeure ; que la société, au motif que la fixation définitive du fermage conformément à l'arrêté préfectoral n'avait jamais été réalisée a, soutenant qu'elle avait versé beaucoup plus que ce qu'elle pouvait devoir pendant plus d'une vingtaine d'années, demandé à ce que les comptes soient faits et qu'il soit dit que les créances réciproques se compenseraient à hauteur de la quotité respective ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'article L. 411-13 du code rural précise que lorsque le preneur a contracté à un prix supérieur d'au moins 1/10e à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, il peut dans la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire qui fixe pour la période du bail restant à courir à partir de la demande le prix normal du fermage, qu'il s'agit de la seule action ouverte aux preneurs contestant le prix du bail convenu entre les parties lors de la conclusion du contrat, que cette action en révision n'a pas été introduite par le preneur et que l'action en révision n'est pas recevable par demande reconventionnelle alors qu'elle n'a pas été introduite dans la troisième année du bail renouvelé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action de mise en conformité du fermage avec l'arrêté préfectoral n'est pas soumise aux mêmes conditions de délai que l'action en révision du fermage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Josette X... à payer à la société de la Plaine de Capesterre la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la SCA de la Plaine de Capesterre.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté la SCA de la PLAINE de CAPESTERRE de ses demandes reconventionnelles tendant à la mise en conformité du prix du bail au regard des arrêtés préfectoraux applicables, et à la répétition du fermage trop payé, et en conséquence prononcé la résiliation du bail consenti par Mesdames X... à cette société.
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMERS JUGES QUE si la SCA de la PLAINE de CAPESTERRE fait valoir que la quantité de denrées stipulées au contrat dépasse celle à prendre en considération, compte tenu des arrêtés préfectoraux intervenus après la conclusion du bail, cependant l'article L.411-13 du code rural précise que lorsque le preneur a contracté à un prix supérieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, il faut dans la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire ; qu'il s'agit de la seule action ouverte au preneur contestant le prix du bail convenu entre les parties lors de la conclusion du contrat ; que cette action n'a pas été introduite par le preneur ; qu'il n'y a eu aucune négociation sur le prix du bail lors des renouvellements du contrat au 1er janvier 1990 et au 1er janvier 1999 ; qu'il résulte des pièces du dossier que de 1990 à 2003 le preneur a donné le règlement du fermage sans noter la moindre réserve quant à son montant ; qu'il est constant que le fermage n'a pas été acquitté pour les années 2004, 2005 et 2006 ; que le preneur a par courrier du 23 juillet 2004 sollicité des délais de règlement, sans contester le montant de la dette ; que l'action en révision n'est pas recevable par demande reconventionnelle alors qu'elle n'a pas été introduite dans la troisième année du bail renouvelé.
ALORS QUE l'action en mise en conformité du fermage avec l'arrêté préfectoral n'est pas soumise aux conditions de délais de l'action en révision du fermage ; qu'en l'espèce, le fermage convenu dans le bail des 17 août 1979 et 15 novembre 1979 l'ayant été à titre provisoire dans l'attente de l'arrêté préfectoral à venir, fixant les quantités maxima et minima de denrées pouvant être prises en considération, la société preneuse disposait d'une action pour faire fixer le loyer en conformité avec les dispositions de cet arrêté qui n'était pas soumise aux conditions de délai de l'action en révision du fermage ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles L.411-11 , L.411-13 et L461-4 du code rural.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir par confirmation du jugement entrepris, prononcé la résiliation du bail liant Mesdames X... et la SCA de la PLAINE de CAPESTERRE,
AUX MOTIFS QUE les consorts X... justifiaient avoir adressé deux lettres de mises en demeure en lettres recommandées avec accusé de réception conformes aux règles des articles L.411-31 et L.411-53 du code rural, la première datée du 5 septembre 2005, distribuée le 4 novembre 2005 au titre des fermages des années 2004 et 2005 et la seconde en date du 27 février 2006, distribuée le 7 mars 2006, au titre des fermages 2004, 2005 et 2006 ; que la SCA de la PLAINE de CAPESTERRE ne peut se prévaloir de raisons sérieuses et légitimes de non paiement, alors que les fermages pour les années 2005 et 2006 avaient une action privilégiée suite à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et qu'elle n'en a pas contesté le montant en justice.
ALORS D'UNE PART QUE la cassation à intervenir du dispositif de l'arrêt confirmatif ayant écarté la demande reconventionnelle tendant à la mise en conformité du fermage fixé provisoirement avec les arrêtés préfectoraux, entraînera par voie de conséquence, la censure du dispositif de l'arrêt prononçant la résiliation du bail, les deux chefs du dispositif étant indivisiblement liés, en application de l'article 625 du code de procédure civile.
ALORS D'AUTRE PART QU'en toute hypothèse, les défauts de paiement des fermages sont justifiés par la non-fixation définitive du bail ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, par confirmation du jugement et adoption des motifs de ce jugement sans même rechercher si l'absence de fixation définitive du fermage en conformité des arrêtés préfectoraux et l'existence de compte à faire entre les parties ne rendaient pas le débiteur créancier du preneur, de sorte que les mises en demeure étaient inopérantes, ce qui constituait des raisons sérieuses et légitimes justifiant les défauts de paiement des fermages, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.411-31 et L.411-53 dans leur rédaction en vigueur.