LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 10 janvier 2008) que les consorts X... ont assigné l'Office national des forêts (ONF) aux fins d'obtenir leurs inscriptions sur la liste matricule des ayants droit au bois bourgeois de Dabo et la condamnation de l'ONF à leur délivrer le droit bourgeois en se fondant, notamment, sur l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 7 février 1905 ;
Attendu que l'ONF fait grief à l'arrêt de faire droit à leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a dénaturé le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, qu'en effet il y était dit que les droits d'usage en cause "appartiennent à la commune d'Engenthal", ainsi que le rappelait l'ONF dans ses conclusions, et qu'en omettant de relever cette disposition essentielle de l'arrêt, la cour d'appel l'a dénaturé et donc violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a constaté que l'exercice du droit au bois bourgeois est conditionné par l'obligation d'habiter la commune d'Engenthal, qu'il en résulte que le droit a été conféré à la communauté d'habitants d'Engenthal, qu'il a donc le caractère d'une servitude, cette communauté constituant le fonds dominant, et qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé tant l'article 637 que l'article 2226 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, sans dénaturer le dispositif de l'arrêt du 7 février 1905, que le "droit au bois bourgeois" était attribué à des personnes physiques remplissant diverses conditions relatives à leur personne (âge, nationalité, descendance) et qu'il était subordonné à la condition pour ces personnes d'habiter et non de résider à titre permanent dans un immeuble sis à Engenthal, la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que ce droit constituait un droit personnel et exclusivement individuel, inaliénable, incessible et non transmissible par voie de succession, en a exactement déduit qu'il n'était pas attaché à l'immeuble et ne pouvait, en application des dispositions de l'article 2226 du code civil, se prescrire quand bien même les bénéficiaires n'en auraient pas fait usage pendant plus de 30 ans ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Office national des forêts aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Office national des forêts à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de l'Office national des forêts ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour l'Office national des forêts.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les consorts X... devaient être inscrits sur la liste matricule des ayants droit au bois bourgeois de DABO et condamné l'Office national des forêts à leur délivrer le bois bourgeois,
Aux motifs que les parties avaient admis que les conditions requises pour bénéficier du droit au bourgeois avaient été déterminées par l'arrêt de principe d e la cour d'appel de COLMAR du 7 février 1905, confirmé par un arrêt de la cour suprême de LEIPZIG du 26 février 1906, selon lequel l'exercice de ce droit dans les forêts de l'Etat ayant appartenu autrefois au comté de DABO, situées sur le ban de la commune d'ENGENTHAL, à l'exception du territoire de l'annexe d'OBERSTEIGEN, devait être accordé aux personnes remplissant les conditions de nationalité, de majorité et de descendance précisées dans le dispositif de cet arrêt, que, par une dénaturation de ce dispositif, l'Office national des forêts avait déduit de l'obligation de résider » dans un immeuble situé à ENGENTHAL l'existence d'une servitude constituant la nature juridique du droit au bois bourgeois, qu'il ressortait en effet clairement de cet arrêt que l'exercice de ce droit était accordé à des personnes physiques remplissant diverses conditions relatives à leur personne (âge, nationalité, descendance), que celle concernant l'exigence d'habiter à ENGENTHAL (et non de résider à titre permanent dans un immeuble sis dans cette commune) était également une condition exigée de la personne bénéficiant de ce droit, lequel n'était nullement attaché à l'immeuble que celle-ci était susceptible d'occuper, que le droit au bois bourgeois était ainsi un droit personnel et exclusivement individuel, incessible, inaliénable, extra-patrimonial, réservé aux seules personnes remplissant les conditions rappelées par l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR du 7 février 1905 et que l'exercice par ces personnes de ce droit qui leur était attaché ne pouvait donc se prescrire par application de l'article 2226 du code civil,
Alors, d'une part, que la cour d'appel a dénaturé le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, qu'en effet il y était dit que les droits d'usage en cause « appartiennent à la commune d'ENGENTHAL », ainsi que le rappelait l'Office national des forêts dans ses conclusions, et qu'en omettant de relever cette disposition essentielle de l'arrêt, la cour d'appel l'a dénaturé et donc violé l'article 1134 du code civil,
Alors, d'autre part, que la cour d'appel a constaté que l'exercice du droit au bois bourgeois est conditionné par l'obligation d'habiter la commune d'ENGENTHAL, qu'il en résulte que le droit a été conféré à la communauté d'habitants d'ENGENTHAL, qu'il a donc le caractère d'une servitude, cette communauté constituant le fonds dominant, et qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé tant l'article 637 que l'article 2226 du code civil.