LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2007), que la SCI la Rotonde de Béthune (la SCI), propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail aux époux X..., les a assignés pour leur voir dénier le droit au renouvellement du bail au motif que Mme X... n'était pas immatriculée au registre du commerce ; qu'un jugement du 21 mai 2002 l'a déboutée de cette demande ; que ce jugement a été infirmé par un arrêt du 6 novembre 2003 ; qu'en exécution de cet arrêt, les époux X... ont libéré les lieux ; que la liquidation judiciaire de M. X..., par suite de la cessation de l'exploitation, a été prononcée par jugement du 12 mars 2004 ; que le 18 mai 2005, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 6 novembre 2003 ; que la SCI a notifié à Mme X... et à M. Y..., ès qualités de liquidateur de M. X..., son acquiescement au jugement du 21 mai 2002 et proposé la réintégration dans les lieux demeurés vacants ; que ces derniers ont refusé au motif que le fonds de commerce avait disparu ; qu'ils ont demandé, au titre de la restitution en équivalent, notamment une somme représentant la valeur du fonds de commerce ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation d'une décision d'appel exécutée ne peut donner lieu qu'à restitution et ne peut être imputée à faute ; que la restitution doit être faite en nature ou, si elle est impossible, en son équivalent en deniers ; que l'impossibilité de restitution en nature doit être appréciée par rapport au débiteur de cette obligation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir expressément constaté qu'après l'arrêt de la cour de cassation du 18 mai 2005, la SCI avait acquiescé au jugement du 21 mai 2002 et offert à Mme X... et M. Y..., ès qualités, le renouvellement du bail et la réintégration des anciens locataires dans les locaux qui n'avaient pas été reloués, de sorte que la société bailleresse avait rempli son obligation de restitution en nature qui était possible du fait de l'absence de relocation, la cour d'appel a violé les articles 13 de la loi du 3 juillet 1967 et 625 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à établir l'impossibilité d'une restitution en nature par la société bailleresse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 de la loi du 3 juillet 1967 ;
3°/ qu'en cas de cassation d'un arrêt d'appel ayant prononcé l'expulsion d'un locataire, le droit pour le preneur ayant quitté les lieux loués en exécution de l'arrêt d'appel est d'être rétabli dans la situation antérieure, le propriétaire ayant l'obligation d'opérer les restitutions en nature ou de payer les sommes nécessaires à son rétablissement ; qu'en l'espèce, à supposer même que le rétablissement des preneurs ayant quitté les lieux loués dans la situation antérieure par une restitution en nature ait été impossible, la SCI ne pouvait être condamnée qu'à payer les sommes nécessaires au rétablissement des époux X... ; qu'en accueillant en son principe la demande de Mme X... et de M. Y..., ès qualités, tendant au paiement de la valeur en équivalent du fonds de commerce antérieurement exploité dans les lieux loués, la cour d'appel a prononcé une condamnation excédant une restitution, violant les articles 19 de la loi du 3 juillet 1967 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que par l'effet du jugement de liquidation judiciaire de M. X..., faisant suite à la libération des lieux en exécution de l'arrêt ultérieurement cassé et à la cessation de l'exploitation, le fonds de commerce avait disparu avec tous ses éléments, en ceux-là comprise la clientèle, la cour d'appel, qui a souverainement déduit de ces circonstances que la réintégration dans les lieux était impossible, a fixé, sans violer l'article 19 de la loi du 3 juillet 1967, le montant de la restitution par équivalence à laquelle pouvaient prétendre Mme X... et M. Y..., ès qualités ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société la Rotonde de Béthune aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société la Rotonde de Béthune à payer à M. Y..., ès qualités, et à Mme X..., ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société la Rotonde de Béthune ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société la Rotonde de Béthune.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Me Y..., ès-qualités, et Mme X... étaient recevables et bien fondés à obtenir paiement de la valeur en équivalent du fonds de commerce au titre de la restitution à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2005 ;
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la demande de restitution suite à la cassation et à l'acquiescement du jugement initial ne peut, par principe, être imputée à faute ; qu'en l'espèce, l'offre de réintégration et de renouvellement faite par le bailleur, en vertu de cet acquiescement ne pouvait être suivie d'effet dans la mesure où la reprise des lieux par les preneurs était impossible comme l'a notifié Me Y... dans son courrier adressé au bailleur le 1er août 2005, puisque suite à l'arrêt rendu le 6 novembre 2003, qui prévoyait, sur la demande du bailleur, l'expulsion des preneurs, ceux-ci ont quitté les lieux et cet arrêt d'exploitation forcé a entraîné la liquidation judiciaire de Philippe X... (jugement définitif) faute pour lui de disposer de toute recette lui permettant d'acquitter ses charges et notamment ses remboursements des emprunts pour l'acquisition du fonds ; que cet arrêt d'exploitation et cette liquidation judiciaire ont entraîné la perte pure et simple du fonds ; qu'il ne peut être reproché aux époux X... d'avoir exécuté cet arrêt dans la mesure où, à eux signifié par le bailleur le 8 janvier 2004, il était devenu exécutoire et que les preneurs étaient tenus d'exécuter ; que dès lors cette restitution, ne pouvant se faire en nature, doit être exécutée en équivalent et l'équivalent en l'espèce correspond à la perte de valeur du fonds ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE la SCI La Rotonde de Béthune prétend s'être acquittée de son obligation de restitution en ayant, quelques jours après l'arrêt de la Cour de cassation, acquiescé au jugement du tribunal de grande instance de Béthune et en conséquence offert aux preneurs la réintégration dans les lieux lesquels n'avaient pas été reloués ; qu'en ce faisant, elle omet, à tort, de prendre en considération le fait que le fonds de commerce exploité par les époux Philippe X..., qu'ils avaient eux-mêmes acquis de la SARL La Locomotive, ne comportait pas seulement le droit au bail mais aussi d'autres éléments incorporels tels que la clientèle ;qu'en étant contraints de cesser l'exploitation, dans les lieux loués, de leur activité commerciale au plus tard le 8 mars 2004 au terme du délai fixé par la cour d'appel de céans dans l'arrêt du 6 novembre 2003, les époux Philippe X... ont, de fait, dû délaisser sans aucune contrepartie la clientèle qui y était attachée ; qu'il est évident que l'offre de réintégration de la bailleresse formulée plus d'un an après soit le 30 juin 2005, après l'intervention de l'arrêt de la Cour de cassation, n'a pas fait renaître, de facto, la clientèle disparue et que, dès lors, l'offre de réintégration ne constituait pas, pour les époux Philippe X..., une remise dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés s'ils n'avaient pas exécuté ; qu'en conséquence une restitution en nature était devenue totalement impossible, et c'est à bon droit que les preneurs ont demandé de leur allouer son équivalent en deniers ;
1°/ ALORS QUE la cassation d'une décision d'appel exécutée ne peut donner lieu qu'à restitution et ne peut être imputée à faute ; que la restitution doit être faite en nature ou, si elle est impossible, en son équivalent en deniers ; que l'impossibilité de restitution en nature doit être appréciée par rapport au débiteur de cette obligation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir expressément constaté qu'après l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2005, la SCI La Rotonde de Béthune avait acquiescé au jugement du 21 mai 2002 et offert à Mme X... et Me Y..., ès qualités, le renouvellement du bail et le réintégration des anciens locataires dans les locaux qui n'avaient pas été reloués, de sorte que la société bailleresse avait rempli son obligation de restitution en nature qui était possible du fait de l'absence de relocation, la cour d'appel a violé les articles 13 de la loi du 3 juillet 1979 et 625 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à établir l'impossibilité d'un restitution en nature par la société bailleresse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 de la loi du 3 juillet 1979 ;
3°/ ALORS QU'en cas de cassation d'un arrêt d'appel ayant prononcé l'expulsion d'un locataire, le droit pour le preneur ayant quitté les lieux loués en exécution de l'arrêt d'appel est d'être rétabli dans la situation antérieure, le propriétaire ayant l'obligation d'opérer les restitutions en nature ou de payer les sommes nécessaires à son rétablissement ; qu'en l'espèce, à supposer même que le rétablissement des preneurs ayant quitté les lieux loués dans la situation antérieure par une restitution en nature ait été impossible, la SCI La Rotonde de Béthune ne pouvait être condamnée qu'à payer les sommes nécessaires au rétablissement des époux X... ; qu'en accueillant en son principe la demande de Mme X... et de Me Y..., ès-qualités, tendant au paiement de la valeur en équivalent du fonds de commerce antérieurement exploité dans les lieux loués, la cour d'appel a prononcé une condamnation excédant une restitution, violant les articles 19 de la loi du 3 juillet 1979.