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05/05/2009 | FRANCE | N°08-15290

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 mai 2009, 08-15290


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2008), que les sociétés Edipost, Marketing direct organisation, Dinexis, Data One, Groupe Diffusion plus, Diffusion plus, La Parisienne de routage, Emissaires, Médipost, Defitech Dauphicom, Defitech routage et communication, Defitech routage express service, Regroupement et diffusion de Saint-Lubin et Publi routage Normand (les sociétés de routage), ont pour activité la préparation de courrier

en amont de la prise en charge de celui-ci par La Poste dans le cadre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2008), que les sociétés Edipost, Marketing direct organisation, Dinexis, Data One, Groupe Diffusion plus, Diffusion plus, La Parisienne de routage, Emissaires, Médipost, Defitech Dauphicom, Defitech routage et communication, Defitech routage express service, Regroupement et diffusion de Saint-Lubin et Publi routage Normand (les sociétés de routage), ont pour activité la préparation de courrier en amont de la prise en charge de celui-ci par La Poste dans le cadre de ses prestations du domaine réservé ; qu'estimant qu'elles avaient la qualité de clients au même titre que les émetteurs de courrier et que La Poste, qui leur refusait le bénéfice des remises quantitatives qu'elle offrait aux émetteurs de courrier, avait un comportement discriminatoire à leur égard, elles ont assigné cette dernière aux fins de la voir condamnée à leur payer des dommages-intérêts ;

Attendu que les sociétés de routage font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que si un prestataire du service postal universel applique des tarifs spéciaux, il doit, afin de respecter les principes de transparence et de non-discrimination, les appliquer de la même manière notamment dans les relations entre les tiers ; qu'ainsi, lorsqu'un tel prestataire applique des tarifs spéciaux aux entreprises ou aux expéditeurs d'envois en nombre, les intermédiaires chargés de collecter et traiter les envois de plusieurs de leurs clients doivent pouvoir bénéficier des mêmes tarifs aux mêmes conditions ; qu'en jugeant, toutefois, que constituait l'exercice licite et non discriminatoire d'un monopole légal de prestations de services, et, partant, la simple mise en oeuvre des dispositions législatives existantes, le fait pour La Poste de décider de réserver à ses clients obligés le bénéfice d'un tarif préférentiel et de refuser pareil avantage aux entreprises de routage, chargées de grouper les envois de plusieurs clients, la cour d'appel a violé l'article 82 du Traité instituant la Communauté européenne et l'article 12 de la Directive CE n° 97-67 du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, dans sa version applicable en l'espèce, ensemble l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en se fondant sur ces motifs erronés, faute d'avoir recherché si les intermédiaires chargés de grouper les envois de plusieurs clients bénéficiaient des mêmes tarifs aux mêmes conditions que ceux pratiqués par La Poste envers les entreprises et les expéditeurs d'envois en nombre auxquels elle réservait ses tarifs spéciaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les sociétés de routage se bornent à regrouper et agréger des flux qui leur sont confiés par les différents expéditeurs et que la demande d'expédition de courrier relève des seuls émetteurs, uniques décideurs de l'envoi du courrier ainsi que du choix du mode de communication ; qu'en l'état de ces constatations, dont elle a déduit que si elles interviennent auprès de La Poste dans le cadre de ses activités propres et si elles sont à ce titre des cocontractants de cette dernière en tant que dépositaires des machines à affranchir et prestataires de services techniques, les sociétés de routage ne sont pas les clients de La Poste au titre des envois effectués pour le seul compte des émetteurs et elles ne sont ni juridiquement ni pratiquement dans une situation équivalente à celle des émetteurs pour la détermination d'une remise commerciale fondée sur la spécificité de la demande des clients, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se livrer à une recherche que ses constatations rendaient vaine, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demanderesses aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ; les condamne à payer à la société La Poste la somme globale de 2 500 euros ;

Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me SPINOSI, avocat aux Conseils pour la société Edipost et les treize autres demanderesses

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés EDIPOST, MARKETING DIRECT ORGANISATION (MDO), DINEXIS, DATA ONE, GROUPE DIFFUSION PLUS, DIFFUSION PLUS, LA PARISIENNE DE ROUTAGE, EMISSAIRES, MEDIPOST, DEFITECH DAUPHICOM, DEFITECH ROUTAGE ET COMMUNICATION, DEFITECH ROUTAGE EXPRESS SERVICE, REGROUPEMENT ET DIFFUSION DE SAINT LUBIN et PUBLI ROUTAGE NORMAND, entreprises spécialisées dans le routage postal, de leurs demandes en indemnisation pour responsabilité civile dirigées contre LA POSTE ;

Aux motifs que : « à l'appui de leurs demandes indemnitaires respectives les sociétés appelantes soutiennent, en premier lieu, que nonobstant le fait qu'elles « étaient objectivement éligibles au bénéfice des contrats commerciaux elles en ont été exclus (sic) au moyen d'un simple abus de langage » caractérisé par la « redéfinition unilatérale » de la notion de clientèle par La POSTE ; qu'ainsi, elles ont été privées « des remises auxquelles elles n'auraient manqué de prétendre au vu des envois qu'elles concentrent » ; que, selon les appelantes, il s'en suit que « la faute est caractérisée au sens de l'article 1382 du Code civil et consiste en l'espèce en la violation du principe d'égalité de traitement des usagers » ;

… toutefois, qu'il ressort de l'instruction que le « routage » consiste en une activité de préparation du courrier en amont de la prise en charge de celui-ci par La POSTE dans le cadre de ses prestations du domaine réservé ; qu'en effet, le monopole postal, prévu par la législation et confié à l'intimée en sa qualité de « prestataire de service universel », ne s'étend pas à la préparation du courrier antérieurement au transport et à la distribution proprement dite, à savoir le conditionnement, la collecte et le tri du courrier devant être remis à La POSTE ; qu'ainsi, de par la nature même de leur activité, les entreprises de routage n'ont pas de « fonction de demande » propre dès lors qu'elles ne sont pas à l'origine des courriers qui leur sont confiés, se bornant à regrouper et agréger des flux qui leur sont confiés par les différents expéditeurs ; que si, ainsi qu'ils l'affirment, les routeurs, en étant à même d'apporter à leurs clients une « offre de solution globale » incluant, notamment, la gestion des commandes, stimulent la demande et constituent « une interface nécessaire dans la relation courrier dont La POSTE ne saurait sérieusement nier le rôle de prescription », cette circonstance, de même que la mise en oeuvre alléguée de « nouvelles compétences » au travers de la proposition de « solutions marketing », du lancement « d'activité de gestion de stocks et d'expédition de colis » ou encore de l'offre d'« un service de fulfillment », est sans influence sur la qualité intrinsèque d'intermédiaire des intéressés, logisticiens opérant en amont des opérations postales et dépourvus de la maîtrise de la demande initiale, laquelle relève seule des émetteurs, uniques décideurs de l'envoi du courrier ainsi que du choix du média et, donc, uniques donneurs d'ordres ; que, par suite, si les routeurs sont bien des « usagers » du service postal et qu'ils interviennent auprès de La POSTE dans le cadre de ses activités propres et s'ils sont à ce titre des cocontractants de cette dernière en tant que dépositaires des machines à affranchir et prestataires de services techniques, ils ne sont, cependant, pas les clients de La POSTE au titre des envois effectués pour le seul compte des émetteurs ; que l'article L 2-1 du Codes des postes et communications électroniques distingue, au demeurant, les « clients », parties contractantes à l'opération de transport, des intermédiaires groupant les envois de correspondance de plusieurs clients ; qu'en conséquence, il ne saurait y avoir faute de la part de La POSTE à refuser aux sociétés de routage le bénéfice des remises tarifaires octroyées, au titre des contrats commerciaux, objets du présent litige, à l'expéditeur de courriers, ce dernier étant seul juridiquement partie au contrat et débiteur du prix final de l'affranchissement ; qu'à ce sujet, il échet de souligner que l'expéditeur est seul propriétaire du pli qu'il envoie, en application de l'article R 1-1-5 al 2 du C.P.C.E. qui dispose que « toute envoi postal appartient à l'expéditeur aussi longtemps qu'il n'a pas été délivré au destinataire, sans préjudice de l'application des articles L 7 à L 11 » ; que les appelantes ne peuvent, donc, exciper d'une quelconque discrimination en la matière car les remises litigieuses sont fondées sur la spécificité de la demande des clients que sont les émetteurs de courriers dont il a été ci-dessus démontré qu'ils ne sont pas juridiquement ni pratiquement dans une situation équivalente à celles (sic) des routeurs ; qu'en effet si l'article 82 du Traité instituant la Communauté Européenne qualifie d'abusives les pratiques consistant à « appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence » et si l'article L 420-2 du Code de commerce cite, au nombre des cas possibles d'abus de position dominante, « les conditions de vente discriminatoires » il sera rappelé qu'il ne peut y avoir de discrimination qu'entre consommateurs placés dans une situation équivalente, la pratique de la discrimination consistant précisément à traiter de manière différente des situations identiques ou de manière identique des situations différentes ; que, par ailleurs, si l'interdiction des pratiques discriminatoires a pour fondement la protection du principe d'égalité de traitement des concurrents, les sociétés de routage et les émetteurs n'exercent pas leur activité respective sur le même marché eu égard à la distinction sus-analysée de leur domaine d'intervention et aucune relation de concurrence n'existe, dès lors, entre eux, rendant inopérant le moyen de discrimination ainsi avancé ; que, de même, le grief d'abus de position dominante, également formulé à l'encontre de La POSTE par les appelantes, ne peut davantage être retenu lorsque la pratique incriminée et visée par les mêmes articles 82 et L 420-2 susmentionnés n'est que l'exercice licite et non discriminatoire d'un monopole légal de prestations de services, et, donc, la simple mise en oeuvre des dispositions législatives existantes ; que tel est le cas lorsque l'intimée décide de réserver à ses clients obligés le bénéfice d'un tarif préférentiel, octroyé à tous de manière non discriminatoire, et refuse pareil avantage aux routeurs, simples préposés et représentants des parties au contrat de transport auquel ceux-ci sont extérieurs » ;

1. Alors que : si un prestataire du service postal universel applique des tarifs spéciaux, il doit, afin de respecter les principes de transparence et de non-discrimination, les appliquer de la même manière notamment dans les relations entre les tiers ; qu'ainsi, lorsqu'un tel prestataire applique des tarifs spéciaux aux entreprises ou aux expéditeurs d'envois en nombre, les intermédiaires chargés de collecter et traiter les envois de plusieurs de leurs clients doivent pouvoir bénéficier des mêmes tarifs aux mêmes conditions ; qu'en jugeant, toutefois, que constituait l'exercice licite et non discriminatoire d'un monopole légal de prestations de services, et, partant, la simple mise en oeuvre des dispositions législatives existantes, le fait pour LA POSTE de décider de réserver à ses clients obligés le bénéfice d'un tarif préférentiel et de refuser pareil avantage aux entreprises de routage, chargées de grouper les envois de plusieurs clients, la Cour d'appel a donc violé l'article 82 du Traité instituant la Communauté européenne et l'article 12 de la directive CE n° 97-67 du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, dans sa version applicable en l'espèce, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

2. Alors que ce faisant : en se fondant sur ces motifs erronés, faute d'avoir recherché si les intermédiaires chargés de grouper les envois de plusieurs clients bénéficiaient des mêmes tarifs aux mêmes conditions que ceux pratiqués par LA POSTE envers les entreprises et les expéditeurs d'envois en nombre auxquels elle réservait ses tarifs spéciaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;

3. Alors qu'au surplus: l'entreprise de routage qui s'acquitte auprès de LA POSTE du prix des affranchissements mécaniques qu'elle a réalisés dans l'exercice de sa profession n'est pas liée à elle par un mandat de recouvrement de taxes auprès des clients lui ayant réglé le prix global de ses prestations ; qu'en l'espèce, en ayant retenu que les entreprises de routage n'étaient pas des clients de LA POSTE mais des simples préposés et représentants des parties au contrat de transport auquel elles seraient extérieures, la Cour d'appel a donc violé l'article 1984 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code ;

4. Alors qu'en tout état de cause : le principe de l'égalité de traitement entre les usagers du service public implique que les différences de traitement en matière tarifaire ne peuvent être justifiées que par l'existence d'une différence de situation appréciable ou par une nécessité d'intérêt général ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément reconnu la qualité d'usagers du service public de LA POSTE aux entreprises de routage ; qu'en jugeant, toutefois, licite la discrimination tarifaire dont celles-ci avaient fait l'objet par rapport aux autres usagers de ce même service sans caractériser l'existence, soit de différences de situation appréciables soit d'une nécessité d'intérêt général, de nature à justifier une telle discrimination, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

5. Alors qu'enfin : la Cour d'appel a violé l'article 455 du Nouveau Code de Procédure civile en ne répondant pas au moyen tiré de ce que les entreprises de routage avaient bénéficié de remises tarifaires de la part de LA POSTE jusqu'en 1993 et que ce n'était qu'à partir de cette date qu'il avait été unilatéralement décidé de les en exclure.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-15290
Date de la décision : 05/05/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Services postaux - Directive 97/67/CE - Domaine réservé au prestataire du service postal universel - Remise commerciale offerte par ce prestataire aux emmeteurs de courrier - Refus aux sociétés de routage - Traitement discriminatoire - Détermination

Les sociétés de routage de courrier qui regroupent et agrègent des flux qui leur sont confiés par différents expéditeurs émetteurs de courrier, lesquels sont les uniques décideurs de l'envoi de ceux-ci ainsi que de leur mode de transmission, ne sont pas clientes de La Poste au titre des envois effectués pour le seul compte des émetteurs. N'étant ainsi ni juridiquement ni pratiquement dans une situation équivalente à celle des émetteurs pour la détermination d'une remise commerciale fondée sur la spécificité de la demande des clients, les sociétés de routage ne peuvent prétendre que le refus du bénéfice des remises quantitatives offertes aux émetteurs qui leur est opposé par La Poste constitue un traitement discriminatoire


Références :

article 82 du Traité instituant la Communauté européenne

article 12 de la Directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mars 2008

A rapprocher :CJCE, 6 mars 2008, aff. jointes C-287/06 à C-292/06, Deutsche Post AG et a. c/ Bundesrepublik Deutschland et a.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 mai. 2009, pourvoi n°08-15290, Bull. civ. 2009, IV, n° 59
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 59

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Jenny
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Defrenois et Levis

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.15290
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