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05/05/2009 | FRANCE | N°07-87362

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 mai 2009, 07-87362


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
1) L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES,2) Le SYNDICAT MIXTE DE PROTECTION DU LITTORAL BRETON 3) LE SYNDICAT MIXTE DE PROTECTION DU LITTORAL LANDAIS 4) L'ASSOCIATION TRUITE OMBRE ET SAUMON 5) L'ASSOCIATION LA LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX 6) L'ASSOCIATION FÉDÉRATION DES SOCIÉTÉS POUR L'ETUDE, LA PROTECTION ET L'AMÉNAGEMENT DE LA NATURE DANS LE SUD OUEST 7) L'ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT parties civiles

contre l'arrêt de cour d'app

el de RENNES, 3e chambre, en date du 27 septembre 2007, qui, dans l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
1) L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES,2) Le SYNDICAT MIXTE DE PROTECTION DU LITTORAL BRETON 3) LE SYNDICAT MIXTE DE PROTECTION DU LITTORAL LANDAIS 4) L'ASSOCIATION TRUITE OMBRE ET SAUMON 5) L'ASSOCIATION LA LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX 6) L'ASSOCIATION FÉDÉRATION DES SOCIÉTÉS POUR L'ETUDE, LA PROTECTION ET L'AMÉNAGEMENT DE LA NATURE DANS LE SUD OUEST 7) L'ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT parties civiles

contre l'arrêt de cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 27 septembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre Knut X... du chef de pollution marine par rejet d'hydrocarbures, a constaté l'extinction de l'action publique et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le pourvoi de L'Association pour la Protection des Animaux Sauvages :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
Sur les autres pourvois :
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ainsi que le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 228 et 237 de la Convention de Montego Bay (CNUDM), 4 de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973 (Convention Marpol), 9 et 10 de l'annexe I de ladite Convention, L. 218-10 et L. 218-20 du code de l'environnement, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a constaté l'extinction des poursuites engagées devant le tribunal correctionnel de Brest contre Knut X..., prévenu, et la société Euro Trans, civilement responsable, en application des dispositions de l'article 228-1 de la Convention de Montego Bay ;
"aux motifs que la Norvège, Etat du pavillon, ayant fait connaître qu'elle engageait elle-même des poursuites du chef de la même infraction, le principe de la suspension des poursuites exercées par l'Etat côtier, en l'espèce la France, devait s'appliquer ; que s'il n'existe pas la preuve au dossier que les poursuites aient été engagées par la Norvège dans les six mois de la convocation à comparaître remise au capitaine le 18 mars 2005, il peut être déduit du renvoi de l'affaire par le tribunal correctionnel de Brest le 18 octobre 2005, sur la demande du procureur de la République qu'il était déjà connu de ce dernier que ce pays avait engagé des poursuites ; que le procureur de la République n'a au demeurant pas demandé au tribunal de passer outre à la demande de suspension au motif que le délai pour que celle-ci soit présentée aurait été expiré ; qu'il doit être dès lors tenu de manière raisonnable pour acquis que les autorités norvégiennes ont engagé des poursuites dans le délai fixé par la convention sans que la date précise à laquelle ces poursuites ont été engagées soit connue ;
"et aux motifs que lorsque les tribunaux de l'Etat du pavillon ont rendu leur jugement il est mis fin aux poursuites, jusqu'alors suspendues, exercées devant ceux de l'Etat côtier ; qu'il est établi que le 29 décembre 2005, le directeur régional de la police du Hordaland a rédigé à l'encontre de la société Seatrans, exploitant du navire Trans Arctic, un procès-verbal de contravention « pour infraction à la loi, art. 427, cf. La loi n° 7 du 9 juin 1903 sur le contrôle de l'Etat sur la navigabilité des navires, article 113, pour avoir contrevenu à la disposition selon laquelle chacun doit agir avec diligence et prendre les mesures opportunes pour éviter que des pollutions engendrées par des navires ne se produisent et pour limiter les effets des pollutions » ; que l'amende à verser était de 2 800 000 NOK soit environ 350 000 euros ; que l'acceptation de ce procès-verbal par les personnes débitrices de l'amende DB/MDL 17 521 6 avait le même effet qu'un jugement définitif ; que cette procédure a été appliquée aux faits constatés le 17 mars 2005 au large des côtes occidentales françaises ; que tant la procédure appliquée que le montant de l'amende prononcée et ce même si les textes de droit interne visés, compte tenu de leur antériorité avec la convention Marpol, ne sont pas une transposition des normes internationales, démontrent que de véritables poursuites ayant abouti à une sanction significative ont été intentées par l'Etat du pavillon et que dès lors que les dispositions de l'article 228 sont applicables ; que la preuve étant rapportée que par une décision équivalente à un jugement, dès lors que l'amende transactionnelle fixée a été acceptée et payée, l'Etat du pavillon a sanctionné l'infraction afférente aux poursuites devant la juridiction de l'Etat côtier et a rempli ses obligations de conformité aux dispositions de la Convention de Montego Bay ; qu'il s'ensuit qu'il devait être mis fin aux poursuites engagées devant le tribunal correctionnel de Brest, juridiction compétente de l'Etat côtier ; que le tribunal correctionnel de Brest devait constater que la décision rendue par les autorités judiciaires de Norvège mettait ipso facto fin aux poursuites engagées devant lui et en conséquence constater l'extinction de l'action publique ; que ce mode d'extinction de l'action publique, résultant de l'application d'une convention internationale se réalise sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'une des causes d'extinction en droit interne de l'action publique, énoncées par l'article 6 du code de procédure pénale est établie ; qu'il s'ensuit que dès lors que les conditions prévues par l'article 228 de la CMB sont réunies, il est mis fin aux poursuites, sans qu'il y ait lieu d'examiner si la décision norvégienne ayant valeur de jugement définitif et exécutée par le paiement de l'amende a, au sens du droit interne autorité de la chose jugée et que la règle ne bis in idem consacrée par l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen trouvait ou non à s'appliquer à l'égard du capitaine du navire ;
"alors, d'une part, que les dispositions spéciales de la Convention Marpol de 1973-1978 priment celles plus générales de la Convention de Montego Bay de 1982 dès lors que l'article 237 de la Convention de Montego Bay expose qu'elle ne déroge pas aux conventions et accords spécifiques conclus antérieurement en matière de protection et de préservation du milieu marin ; qu'ainsi la cour d'appel a écarté à tort l'article 4 § 2 de la Convention Marpol, lequel prévoit que la compétence de l'Etat côtier prime sur celle de l'Etat du pavillon dès lors que le premier a engagé des poursuites sans transmettre le dossier de la procédure au second, que le procureur de la République de Brest ayant fait le choix de faire délivrer à Knut X... une citation à comparaître à l'audience du 18 octobre 2005 devant le tribunal correctionnel de Brest, la cour d'appel de Rennes a à tort considéré que les juridictions françaises étaient dessaisies des poursuites entreprises contre Knut X... et contre la société Euro Trans ;
"alors, d'autre part, que si l'article 228 de la Convention de Montego Bay prévoit la suspension des poursuites par l'Etat côtier si l'Etat du pavillon a lui-même engagé les poursuites dans les six mois suivant la première action, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs hypothétiques pour considérer que des poursuites avaient été engagées dans le délai imparti par la convention par les autorités norvégiennes, que ce n'est que le 21 mars 2006 que le consul de Norvège a avisé le procureur de la République de Brest de l'engagement des poursuites (arrêt page 7) ; qu'ainsi, la cour d'appel de Rennes devait examiner les poursuites entreprises contre Knut X... et la société Euro Trans au lieu de déclarer l'action publique éteinte ;
"alors, enfin, que les poursuites ne pouvaient être regardées comme suspendues qu'à l'égard des seules personnes poursuivies par l'Etat du pavillon, en l'espèce, la Norvège et non d'autres personnes poursuivies par l'Etat côtier, en l'espèce la France, les poursuites entreprises contre la société d'armement Sea Trans ne faisaient pas obstacle aux poursuites engagées contre monsieur Knut X..., capitaine du navire Trans Artic et contre la société Euro Trans, propriétaire dudit navire ; qu'ainsi c'est à tort que la cour d'appel a dit les poursuites éteintes à l'égard de Knut X... et de la société Euro Trans" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 17 mars 2005, à la suite d'un rejet intervenu en zone économique exclusive française, un procès-verbal de constatation de pollution par hydrocarbures a été dressé, depuis un aéronef de la marine nationale, par un militaire habilité, à l'encontre du navire citerne Trans Arctic battant pavillon norvégien ;
Attendu que des poursuites ont été successivement engagées par la France, par voie de convocation en justice, contre le capitaine du navire et contre la société qui en était propriétaire, attraite en application de l'article L. 218-24 du code de l'environnement puis, dans le délai de six mois prévu par l‘article 228 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM), par la Norvège qui les a exclusivement dirigées contre la société chargée de son exploitation ; qu'ensuite, la Norvège, en application de cette même disposition conventionnelle, a sollicité et obtenu de la France, qui ne lui a opposé aucune des clauses de sauvegarde prévues par cet article, la suspension des poursuites engagées devant les tribunaux français ; qu'enfin, cet Etat a justifié, par la voie diplomatique, de la décision au fond valant jugement définitif s'appliquant à cette société et a demandé l'extinction des poursuites engagées en France ; que le tribunal correctionnel, qui a refusé de la constater, en se prévalant de l'article 4 § 2 de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires en date du 2 mai 1973 (Convention Marpol), a déclaré le capitaine coupable des faits qui lui étaient reprochés, mis une partie de l'amende qui lui a été infligée à la charge de la société propriétaire du navire et a prononcé sur les intérêts civils ;
Attendu que, pour déclarer l'action publique éteinte, la cour d'appel, qui constate la production aux débats par le ministère public de la décision transmise par l'Etat du pavillon, énonce que, lorsque les tribunaux de cet Etat ont rendu leur jugement, il est mis fin aux poursuites jusqu'alors suspendues, exercées devant ceux de l'Etat côtier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et abstraction faite des motifs erronés mais surabondants, non reproduits au moyen par lesquels elle a constaté que les conditions d'application d'une clause de sauvegarde tirée de la gravité du dommage ou du comportement antérieur de l'État du pavillon n‘étaient pas réunies et des motifs de même nature portant une appréciation sur la sanction infligée par le juge de l'Etat du pavillon afin de vérifier la conformité de la législation de cet Etat à la Convention, la cour d'appel, qui n'a pas statué par des motifs hypothétiques, a fait l'exacte application des dispositions combinées de l'article 4 § 2 de la Convention Marpol, qui justifiait l'engagement initial des poursuites devant les juridictions françaises, et de l'article 228 § 1 de la CNUDM qui prévoit, quel que soit le jugement rendu au fond contre les personnes, ensuite poursuivies par l'Etat du pavillon, une cause spéciale d'extinction de l'action publique bénéficiant à l'ensemble des personnes visées par les poursuites préalablement engagées pour les mêmes faits de pollution, par l'Etat côtier, devant ses propres tribunaux ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 142-2 du code de l'environnement, 2, 3, 6 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que la cour d'appel a constaté l'extinction des poursuites engagées devant le tribunal correctionnel de Brest contre Knut X..., prévenu, et la société Euro Trans, civilement responsable, en application des dispositions de l'article 228-1 de la Convention de Montego Bay et a déclaré les constitutions de partie civile des demanderesses irrecevables ;
"aux motifs que les tribunaux de répression ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage résultant d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'en conséquence, l'action publique devant la juridiction de l'Etat côtier se trouvant éteinte en raison de la décision valant jugement définitif rendue par l'Etat du pavillon, l'action civile ne peut plus être exercée devant la juridiction répressive ; que les constitutions de partie civile sont irrecevables ;
"alors, d'une part, que les poursuites engagées contre Knut X... et de la société Euro Trans n'étant pas éteintes, la cour d'appel ne pouvait déclarer les constitutions de partie civile des demanderesses irrecevables ;
"alors, d'autre part, que le juge pénal qui constate l'extinction de l'action publique après avoir été régulièrement saisi, demeure saisi des intérêts civils ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 142-2 du code de l'environnement" ;
Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 464 du code de procédure pénale ;
Qu'en effet, les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en résulte que ces tribunaux ne peuvent se prononcer sur l'action civile qu'autant qu'ils ont préalablement statué au fond sur l'action publique ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-87362
Date de la décision : 05/05/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Eau et milieux aquatiques - Eaux marines et voies ouvertes à la navigation maritime - Pollution marine - Rejet d'hydrocarbures dans la zone économique française - Compétence liée pour constater l'extinction des poursuites - Compétence des juridictions françaises

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer - Zone économique exclusive - Juridiction pour la protection et la préservation du milieu marin - Compétence liée des tribunaux français pour constater l'extinction des poursuites - Compétence des juridictions françaises

Dès lors que l'Etat du pavillon justifie, en application de l'article 228 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, de la décision au fond valant jugement définitif s'appliquant aux poursuites par lui engagées pour des faits de pollution par hydrocarbures commis en zone économique exclusive française, les juges répressifs français, qui ont, préalablement, à la requête de leur propre gouvernement, qui n'a opposé à cet Etat aucune des clauses de sauvegarde prévues par l'article précité, ordonné la suspension des poursuites d'abord engagées en France pour les mêmes faits de pollution, ont compétence liée pour constater l'extinction de ces poursuites (arrêt n° 1, pourvoi n° 07-87.362 et arrêt n° 2, pourvoi n° 07-87.931)


Références :

article 228 de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer du 10 décembre 1982

article 4 § 2 de la Convention Marpol pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973

article L. 218-24 du code de l'environnement

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 27 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 mai. 2009, pourvoi n°07-87362, Bull. crim. criminel 2009, n° 85
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, n° 85

Composition du Tribunal
Président : M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Boccon-Gibod
Rapporteur ?: M. Le Corroller
Avocat(s) : Me Balat, Me Brouchot

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.87362
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