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30/04/2009 | FRANCE | N°07-19879

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 avril 2009, 07-19879


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que pour dire recevable l'action en atteinte à la présomption d'innocence introduite par M. X... contre la société Le Parisien libéré, éditeur, en raison de publications par voie de presse intervenues les 20 et 23 décembre 2004, l'arrêt retient, d'une part, qu'à propos d'une demande fondée sur l'article 9-1 du code civil, la réitération d'un acte interruptif de prescription tous les troi

s mois est inutile, et, d'autre part, "très subsidiairement" que la prescr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que pour dire recevable l'action en atteinte à la présomption d'innocence introduite par M. X... contre la société Le Parisien libéré, éditeur, en raison de publications par voie de presse intervenues les 20 et 23 décembre 2004, l'arrêt retient, d'une part, qu'à propos d'une demande fondée sur l'article 9-1 du code civil, la réitération d'un acte interruptif de prescription tous les trois mois est inutile, et, d'autre part, "très subsidiairement" que la prescription invoquée n'était pas acquise en l'espèce, l'appel de la société éditrice et les conclusions successives de M. X... étant datées respectivement des 25 octobre 2006, 18 janvier 2007, 10 avril 2007, pour une ordonnance de clôture fixée au 17 avril suivant, aucune précision n'étant par ailleurs fournie sur un prétendu défaut de signature de ses conclusions de première instance, exception d'irrégularité de forme qui eut dû être soulevée en son temps et avant toute défense au fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors d'une part, que les actions fondées sur une atteinte au respect de la présomption d'innocence sont soumises à un délai de prescription particulier imposant au demandeur, non seulement d'introduire l'instance dans les trois mois de la publication incriminée, mais aussi de réitérer, dans le même délai, un acte de procédure manifestant à l'adversaire son intention de la poursuivre, et, d'autre part, que, spécialement saisie de l'absence de signature des conclusions de première instance, irrégularité faisant obstacle à l'interruption de la prescription et pouvant dès lors, en matière de presse, être soulevée en tout état de la procédure, le juge avait le devoir de vérifier l'exactitude de l'allégation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Parisien libéré ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour la société Le Parisien libéré

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'exception de prescription de l'action intentée par Monsieur X... invoquée par la SNC LE PARISIEN LIBERE, et d'avoir, en conséquence, confirmé le jugement disant que cette société avait par la publication des articles intitulés «Prostitution le procureur de la République de Bayonne fait scandale» et «La prostituée accable le procureur de Bayonne» porté atteinte à la présomption d'innocence bénéficiant à Monsieur X... ;

AUX MOTIFS QUE l'action fondée sur l'article 9-1 du code civil relève du droit commun régissant les actions civiles ; que l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 n'est donc pas applicable en la matière, rien n'imposant la réitération d'un acte interruptif de prescription tous les trois mois ; que très subsidiairement, en adoptant le raisonnement de la SNC Le Parisien Libéré, la cour constate que la prescription n'est pas acquise : l'appel est du 25 octobre 2006, les conclusions signifiées le 18 janvier 2007 sont à l'intérieur du délai de trois mois, les conclusions signifiées le 10 avril 2007 sont également dans le délai de trois mois, l'ordonnance de clôture est du 16 avril, l'affaire, fixée au 17 avril, a été évoquée à l'audience ; que pour ces motifs et les justes motifs du premier juge que la cour adopte expressément, le moyen tiré de la prescription est rejeté ; que, sur l'absence de signature des conclusions de première instance, aucune précision n'est donnée sur ces conclusions ainsi irrégulières ; qu'à supposer ce grief établi, cette exception de nullité pour irrégularité d'un acte dans sa forme aurait dû être soulevée avant toute défense au fond ; qu'aucun grief subi par le défenseur n'est démontré ; que ce moyen est donc rejeté, étant rappelé qu'en l'état du décret du 28 décembre 2005 applicable au 1er mars 2006, seul le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure ;
ALORS QUE les actions civiles fondées sur une atteinte au respect de la présomption d'innocence commise par l'un des moyens visés à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour de l'acte de publicité ; que ces dispositions spéciales d'ordre public dérogeant au droit commun, le délai de trois mois court à nouveau à compter de chaque acte interruptif de la prescription prévue par ce texte ; que dès lors, en affirmant que l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1889 n'était pas applicable en la matière et que rien n'imposait la réitération d'un acte interruptif de prescription tous les trois mois, acte qui pourtant s'imposait, la cour d'appel a violé le texte précité ;
ALORS QUE les dispositions de l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 d'ordre public pouvant être invoquées en tout état de la procédure, et la prescription ne pouvant être interrompue que par un acte régulier, ce qui n'est pas le cas de conclusions irrégulières il appartenait à la cour d'appel de rechercher à travers la procédure de première instance, si Monsieur X... avait, par des actes réguliers et régulièrement déposés dans le délai de trois mois, interrompu la prescription ; que la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants tenant au moment où la SNC LE PARISIEN LIBERE a invoqué ce moyen, au grief qu'il n'aurait pas subi et aux dispositions du décret du 28 décembre 2005 inapplicables à l'espèce, a, à nouveau, violé les dispositions de l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1889 ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :
( Subsidiaire )

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit «que la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE, éditrice du journal quotidien AUJOURD'HUI – LE PARISIEN a, en publiant dans son numéro du 20 Décembre 2004 un article intitulé «Prostitution le procureur de la République de Bayonne fait scandale», et, dans son numéro du 23 Décembre 2004, un article intitulé «la prostituée accable le procureur de Bayonne», porté atteinte à la présomption d'innocence bénéficiant à Monsieur Pierre X...» et d'avoir, en conséquence, condamné la SNC LE PARISIEN LIBERE à payer à Monsieur Pierre X... la somme de 20.000 à titre de dommages-intérêts sous la déduction de la provision allouée par l'ordonnance du juge des référés en date du 7 avril 2005

AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a fait, par des motifs pertinents que la Cour adopte et après une analyse minutieuse des faits de la cause, une juste application de la loi et lui a apporté les solutions qui conviennent de sorte que sa décision est confirmée dans son principe, étant précisé en tant que de besoin qu'il n'y a pas lieu ici à requalification, l'action étant expressément et exclusivement fondée sur les dispositions de l'article 9-1 du code civil, la garantie de la présomption d'innocence étant située au plus haut de la hiérarchie des textes fondamentaux en tant que garantie autonome accordée à l'individu ; qu'elle n'a juridiquement, et même philosophiquement, rien à voir avec la diffamation, la loi de 1881 instaurant un régime de sanction alors que l'article 9-1 du code civil institue un mécanisme de cessation du dommage ; que les dispositions spécifiques de cette loi, à savoir l'offre de preuve par exemple, sont sans application en l'espèce, la culpabilité d'une personne qui n'a pas été déclarée coupable par des juges étant impossible à rapporter ; que l'application de l'article 9-1 du code civil n'est pas contraire aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme ; que l'article du journal ne fait nulle place au doute ; qu'ainsi, faute de contenir la moindre réserve sur la culpabilité de M. X..., la cour, comme le tribunal constate que ces articles tiennent cette culpabilité pour acquise ;.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. Pierre X... est en droit de se prévaloir du régime de la présomption d'innocence ; qu'en l'espèce l'article du 20 Décembre 2004 relate les faits reprochés à Monsieur X... en émaillant sa narration de citations d'enquêteurs ou de témoins ; que ce récit et ces citations sont totalement en faveur de l'accusation ; que c'est ainsi qu'est mise en exergue cette déclaration attribuée à un tiers : «c'est avec une carte de crédit subtilisée à un collègue allemand que ce monsieur s'est offert un joyeux divertissement.» ; que le récit est introduit par la phrase suivante : «Une procédure extrêmement rare (allusion à la suspension temporaire des fonctions de Monsieur X...) mais largement justifiée au regard de la consternante histoire de vol de carte bleue dont le magistrat français s'est rendu coupable alors qu'il assistait à la 5e conférence des procureurs généraux...» ; que faute de contenir la moindre réserve sur la culpabilité de Monsieur X..., force est de constater que l'article tient la culpabilité pour acquise ; que le second article commence ainsi : «On en sait un peu plus sur les conditions dans lesquelles Pierre X..., le procureur de la République de Bayonne, a été pris dans une sordide affaire de vol de la carte bleue utilisée dans un bar de nuit de Celle, en Allemagne, où il participait en mai dernier à la conférence des procureurs généraux d'Europe.» ; que l'article apporte ensuite des précisions sur les faits, en citant toujours enquêteurs et témoins ; que le tout est toujours en défaveur de l'accusation, le récit étant présenté comme la révélation progressive de l'exact déroulement des faits ; que l'article se conclut sur une interrogation quant au fait que l'autorité judiciaire française chercherait à s'épargner une procédure «délicate et vaguement honteuse.» ; que là encore, la lecture de l'article ne laisse aucun doute sur la culpabilité de Monsieur X... ; que le journaliste, dans les 2 articles, publiés à 3 jours d'intervalle, a donc présenté aux lecteurs du journal, Monsieur X... comme coupable des faits qui lui étaient reprochés avant condamnation, en sorte qu'il a bien ainsi porté atteinte à la présomption d'innocence de Monsieur X... ; que la société LE PARISIEN LIBERE doit donc en sa qualité de responsable de sa publication réparation du préjudice qui est résulté de cette atteinte pour Monsieur X..., conformément aux dispositions de l'article 9-1 du code civil ; que le non respect de la présomption d'innocence a indéniablement causé un trouble tant dans le déroulement serein du procès de Monsieur X... que dans ses conditions d'existence, venant majorer les troubles inhérents à un tel procès ;
ALORS QU'IL ne peut y avoir atteinte à la présomption d'innocence que si l'article incriminé contient de la part de son auteur des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne concernée ; que l'arrêt qui constate que les faits relatés sont le fruit de citations d'enquêteurs et de témoins, ne caractérise pas une telle atteinte, l'article 9-1 du code civil ne faisant pas de surcroît obstacle au droit pour le journaliste de rendre compte d'affaires judiciaires en cours ; qu'ainsi, l'arrêt manque de bases légales au regard des dispositions de l'article 9-1 du Code civil ;
ALORS QUE l'arrêt ne répond pas aux conclusions de la SNC LE PARISIEN LIBERE se prévalant de ce que les lecteurs des articles incriminés n'avaient pu se méprendre sur le fait qu'aucune décision de justice définitive constatant la culpabilité de Monsieur Pierre X... n'était intervenue, puisque l'objet de ces articles était précisément de rappeler les premiers résultats de l'enquête préliminaire et d'annoncer l'ouverture d'une information judiciaire auprès du tribunal de grande instance de Strasbourg ainsi que la saisie du Conseil supérieur de la magistrature, éléments insusceptibles de constituer une atteinte à la présomption d'innocence ; qu'ainsi l'arrêt viole l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07-19879
Date de la décision : 30/04/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Procédure - Prescription - Interruption - Nécessité - Domaine d'application - Action en réparation fondée sur une atteinte au respect de la présomption d'innocence commise par voie de presse - Portée

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Présomption d'innocence - Atteinte - Action civile - Prescription - Interruption - Nécessité - Domaine d'application - Action en réparation fondée sur une atteinte au respect de la présomption d'innocence commise par voie de presse - Portée

Les actions civiles fondées sur une atteinte par voie de presse au respect de la présomption d'innocence sont soumises à une prescription de trois mois qui, tout au long de la procédure, doit être renouvelée dans le même délai ; aussi, saisi de l'absence de signature des conclusions de première instance, le juge d'appel a-t-il le devoir de vérifier l'exactitude de l'allégation


Références :

article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 11 septembre 2007

Sur le nécessaire renouvellement des actes interruptifs de prescription, à rapprocher :1re Civ., 31 janvier 2008, pourvoi n° 07-11479, Bull. 2008, I, n° 34 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 avr. 2009, pourvoi n°07-19879, Bull. civ. 2009, I, n° 84
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 84

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Mellottée (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Gridel
Avocat(s) : Me Rouvière

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.19879
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