LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 311-1 du code rural dans sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble les articles 38 I de la loi 23 février 2005 et 105 I de la loi du 5 janvier 2006 ;
Attendu que sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 10 avril 2008), que les époux X... soutiennent avoir, par deux actes du 11 mars 2004, d'une part, donné à bail aux consorts Y... une maison d'habitation et ses dépendances et, d'autre part, mis à leur disposition à titre de prêt à usage des parcelles de terres agricoles d'une superficie d'un peu plus de 10 ha, pour y développer un centre équestre et une activité de randonnée à cheval ; qu'ils ont assigné les consorts Y... en paiement de diverses sommes qui leur seraient dues devant le tribunal d'instance de Mont-de-Marsan, (greffe détaché de Sabres) ; que les consorts Y... ont soulevé l'incompétence du tribunal au motif que sous couvert des deux conventions, il leur avait été consenti un bail rural ;
Attendu que pour accueillir cette exception, l'arrêt retient que les époux X... ont mis à la disposition des consorts Y... des terres agricoles d'une superficie de plus de 10 ha dans le but de créer et développer sur ces parcelles un centre équestre et une activité de randonnée à cheval et que cette activité doit être rangée dans les activités de nature agricole ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date de la signature de la convention, l'article L. 311-1 du code rural n'incluait pas, parmi les activités agricoles, les " activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation ", cet ajout ayant été effectué par la loi du 23 février 2005, applicable aux baux conclus ou renouvelés postérieurement à sa promulgation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour les époux X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable et fondé le contredit de compétence qui avait été formé par les consorts Y... contre le jugement du Tribunal d'Instance de Mont-de-Marsan du 16 novembre 2007 et d'avoir dit que le contentieux relevait de la compétence du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux d'Orthez, auquel l'affaire devrait être renvoyée, et d'avoir condamné les époux X... aux dépens et à 1. 000, 00 en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile ;
Aux motifs que : « aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, « il est créé au siège de chaque Tribunal d'instance, un Tribunal Paritaire des Baux Ruraux qui est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux, relatives à l'application des titres Ier à V du livre VI (IV) du code rural » ;
… que le juge n'est pas lié par la qualification retenue par les parties à leur convention qu'il doit qualifier le contrat en fonction de son contenu et lui restituer sa cause véritable lorsqu'il s'avère que celle-ci a été déguisée ;
… qu'en l'espèce, sous couvert d'un bail d'habitation, qui n'en est que l'accessoire, les époux X... ont mis à la disposition des consorts Y... des terres agricoles d'une superficie de plus de 10 ha dans le but de créer et de développer sur ces parcelles un centre équestre et une activité de randonnées à cheval ;
… que cette activité doit être rangée dans les activités de nature agricole ;
… que les consorts Y... avaient acquis dans ce but une trentaine de chevaux ; qu'ils ont dû renoncer rapidement à leur projet, à la demande des époux X... qui par courrier du 27 décembre 2004, leur ont demandé de libérer les terres au plus tard le 11 mars 2005 ;
… que le projet des consorts Y... était parfaitement connu des bailleurs puisque ceux-ci avaient donné leur accord à l'ouverture d'un Centre de Randonnée Equestre sur leur propriété de CASTEIDE CANDAU ; que cette autorisation n'a cependant pas été suffisante pour permettre aux intéressés de se faire reconnaître la qualité d'agriculteurs et d'obtenir de l'ADSEA les aides à l'installation, les consorts Y... n'ayant pas été en mesure de justifier d'un bail à ferme en bonne et due forme sur les parcelles concernées ;
… qu'il ressort des pièces produites et notamment du jugement rendu le 29 novembre 2005 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d'ORTHEZ que les époux X..., qui exploitaient précédemment les terres en fermage, avaient fait jouer leur droit de préemption sur la propriété rurale dont ils étaient locataires et avaient été préférés à un nommé Z... qui s'était porté acquéreur de cette propriété ; que l'exercice du droit de préemption obligeant le preneur à exploiter personnellement, les époux X... ne pouvaient donner les terres à bail sans s'exposer aux revendications de l'acquéreur évincé ;
… que le subterfuge consistant à établir un bail d'habitation sur la maison d'habitation et les dépendances et à consentir le même jour un prêt à usage à titre gratuit sur les terres agricoles a été clairement démontré par le tribunal paritaire qui a relevé l'existence d'une évidente disproportion entre la valeur de la maison d'habitation estimée 350 000 F (53 357, 16) en 1999 et le montant du loyer mensuel 1 753 (21 036 par an) soit une rentabilité inégalable de près de 38 % l'an ;
… que le tribunal a justement conclu que ce loyer incluait à l'évidence le prix de mise à disposition des terres ;
… qu'il se déduit de ces constatations que, sous couvert d'un bail d'habitation de l'immeuble et d'un prêt à usage gratuit des terres, les époux X... ont bien mis à la disposition des consorts Y... à titre onéreux, une superficie de plus de 10 ha de terres destinées à un usage agricole ; que cette définition est celle d'un bail rural ; qu'il y a lieu de déclarer recevable et bien fondé le contredit des consorts Y... et de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal paritaire des baux ruraux d'ORTHEZ seul compétent pour statuer sur l'exécution et les éventuelles conséquences de la rupture de ce bail » ;
Alors que : le bail et le prêt consentis concomitamment aux consorts Y... par les époux X... l'avaient été en date du 11 mars 2004 ; qu'à cette date, l'article L. 311-1 du Code rural, dans sa version applicable, n'incluait pas parmi les activités agricoles les « activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation » et que cet ajout a été effectué, ultérieurement, par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 ; que la Cour d'appel a donc violé les articles L. 411-1 et L. 311-1 du Code rural, dans leurs versions applicables à la cause, ensemble la loi précitée par mauvaise application, en retenant que les activités de centre équestre et de randonnées à cheval, pour la réalisation desquelles les consorts Y... avaient conclu avec les époux X... les opérations contractuelles litigieuses, devaient être rangées parmi les activités de nature agricole et que, partant, ces opérations devaient être requalifiées en bail rural.