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01/04/2009 | FRANCE | N°08-11079

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 avril 2009, 08-11079


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 novembre 2007), que par acte notarié du 27 juin 1979, les consorts X... ont vendu diverses parcelles à M. Y... et ont consenti à ce dernier, sous l'intitulé " convention de servitude ", un droit de passage sur la parcelle n° 2010 leur appartenant et le droit d'effectuer dans son bâtiment tous travaux d'amélioration et de surélévation ; que dans le courant de l'année 1988, M. Y... a procédé à des travaux de rénovation de sa maison ; que M. Z... qui a

acquis la propriété de la parcelle n° 2010 par acte de vente du 24 octob...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 novembre 2007), que par acte notarié du 27 juin 1979, les consorts X... ont vendu diverses parcelles à M. Y... et ont consenti à ce dernier, sous l'intitulé " convention de servitude ", un droit de passage sur la parcelle n° 2010 leur appartenant et le droit d'effectuer dans son bâtiment tous travaux d'amélioration et de surélévation ; que dans le courant de l'année 1988, M. Y... a procédé à des travaux de rénovation de sa maison ; que M. Z... qui a acquis la propriété de la parcelle n° 2010 par acte de vente du 24 octobre 2001, l'a assigné en démolition d'un mur et d'un escalier empiétant sur sa propriété ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu qu'il résultait de photographies et d'attestations que le mur existait depuis plus de trente ans et que le projet de permis de construire sur lequel figurait le mur avait été obtenu pour " l'aménagement d'une habitation dans existant ", la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige ni se contredire, que la demande de démolition devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 544 et 637 du code civil ;

Attendu que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ; qu'une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ;

Attendu que pour débouter M. Z... de sa demande en démolition de l'escalier dont les six dernières marches empiètent sur sa propriété, l'arrêt retient que M. Y... s'est vu accorder un droit de passage qui doit lui permettre d'accéder à l'étage de sa maison, qu'il a nivelé le terrain ce qui a rendu nécessaire la réalisation de marches supplémentaires et qu'il a été autorisé par Mme A... à effectuer tous travaux d'amélioration de nature à permettre l'exercice effectif de la servitude de passage ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une servitude ne peut conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Z... de sa demande en démolition de l'escalier empiétant sur sa propriété, l'arrêt rendu le 27 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;

Condamne M. Paul Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Z... de sa demande aux fins de voir ordonner la démolition par M. Y... du mur empiétant sur sa propriété,

Aux motifs qu'« il résulte de photographies de l'ancienne maison réaménagée par M. Paul Y... et des attestations de M. Marcel D..., Mme Albertine D... épouse A... et de Mme Suzette E... qui habitent ESSERTS BLAY depuis 60 ans, attestations en bonne et due forme et qui n'ont pas à être rejetées des débats, qu'un escalier existait menant à la maison, seul moyen pour y accéder, que le mur existait à l'emplacement d'une ancienne porcherie qui se trouvait devant la maison cadastrée n° 2004 et qui selon le plan cadastral faisait partie du lot n° 2004 ; que M. Yvon Z... ne peut exciper du plan de bornage du 14 juillet 2003 de M. F..., géomètre expert pour dire que le mur n'existait pas ; que ce plan de bornage avait pour objet de délimiter les parcelles 1998, 2011 et 2123 ; que le mur et l'escalier existaient depuis plus de 30 ans »,

Alors, d'une part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en énonçant qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la démolition du mur litigieux dès lors que ce mur « existait depuis plus de 30 ans » alors même que les juges du fond n'étaient saisis par M. Y... d'aucune demande d'acquisition par possession trentenaire du terrain sur lequel le mur était édifié, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile,

Alors, d'autre part, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant tout à la fois que « le mur existait depuis plus de 30 ans » et que sa construction « figurait sur le projet annexé à la demande de permis de construire » obtenu le 29 juillet 1980 par M. Y..., la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du Code de procédure civile,

Alors, enfin, que la démolition de la construction reposant sur un fonds voisin doit être ordonnée quand le propriétaire de ce fonds l'exige ; qu'en ne recherchant pas si, au regard des mentions figurant sur le plan cadastral annexé à la minute de l'acte de vente en date du 24 octobre 2001, le mur construit par M. Y... n'empiétait pas sur la parcelle n° 2010 appartenant à M. Z..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Z... de sa demande aux fins de voir ordonner la démolition par M. Y... de l'escalier empiétant sur sa propriété,

Aux motifs que « si l'escalier empiète pour les 6 dernières marches sur la parcelle n° 2010, propriété exclusive de M. Yvon Z..., il n'en demeure pas moins qu'au terme de son acte notarié du 27 juin 1979, M. Paul Y... s'est vu accorder un droit de passage ; que celui-ci doit lui permettre de pouvoir accéder à l'étage de sa maison comme cela se faisait auparavant et depuis au moins trente ans ; que M. Paul Y... a nivelé le terrain, ce qui a rendu nécessaire la réalisation de marches d'escalier supplémentaires, étant précisé que Mme Albertine D... épouse A... pour permettre l'exercice effectif de la servitude de passage avait permis à M. Paul Y... de faire tous travaux d'amélioration nécessaires ; que Mme Albertine D... épouse A... née le 27 juin 1934 qui avait acquis cette parcelle de sa mère et qui demeure à ESSERTS BLAY, dans le même village que M. Paul Y... est restée propriétaire pendant plus de 10 ans après la réalisation des travaux par son acheteur et avant que M. Yvon Z... ne devienne propriétaire de la parcelle n° 2010 et qu'elle était informée des travaux réalisés qui correspondaient à l'accord donné comme elle le confirme dans une attestation ; que M. Yvon Z... avait parfaitement connaissance de la servitude consentie à M. Paul Y..., y compris une servitude de vue et de jours et de l'étendue de l'accord donné qui permettait la réalisation de tous travaux d'amélioration et de surélévation ; qu'il savait pertinemment que M. Paul Y... pouvait réaliser les ouvertures qu'il souhaitait, étant précisé qu'à l'emplacement du balcon existait une vaste ouverture permettant l'aération du grenier avec vue directe sur la parcelle 2010 et sur laquelle M. Paul Y... dispose d'un droit de passage et qu'existait sous et au fond de la voûte qui est au milieu du bâtiment une porte en retrait ; que lors des travaux, la voûte a été supprimée et bouchée par un mur dans lequel une porte a été créée qui débouche sur la partie de la parcelle n° 2010, objet de la servitude de passage ; qu'outre le fait que le mur et l'escalier existaient depuis plus de 30 ans, la servitude de passage, de vue et de jour accordée à M. Paul Y... par Mme Albertine D... épouse A... englobait l'autorisation de faire tous travaux d'amélioration et de surélévation »,

Alors, d'une part, qu'une servitude ne peut conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'escalier construit par M. Y... « empiète pour les six dernières marches sur la parcelle n° 2010, propriété exclusive de M. Yvon Z... » ; qu'en refusant d'ordonner la suppression de cet escalier au motif que le fonds de M. Y... bénéficiait d'une servitude de passage, la Cour d'appel a violé les articles 544 et 637 du Code civil,

Alors, d'autre part, que quand bien même l'importance de l'empiètement est minime la démolition de la construction reposant sur le fonds voisin doit être ordonnée dès lors qu'il n'est pas établi que le propriétaire de ce fonds a donné son accord en pleine connaissance de cause à un tel empiètement ; qu'en refusant d'ordonner la suppression de l'escalier construit par M. Y... tout en constatant que celui-ci empiétait pour les six dernières marches su la parcelle n° 2010, propriété exclusive de M. Yvon Z... au motif inopérant que Mme Albertine D... demeurée propriétaire de la parcelle n° 2010 pendant plus de dix ans après la réalisation des travaux réalisés par M. Y... avait été « informée des travaux réalisés qui correspondaient à l'accord donné », tel que mentionnés dans la clause de l'acte de vente portant création de servitude, sans constater que le propriétaire de la parcelle n° 2010 avait donné en pleine connaissance de cause son accord à l'empiètement constitué par les six dernières marches de l'escalier, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article du Code civil, ensemble l'article 1134 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-11079
Date de la décision : 01/04/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SERVITUDE - Définition - Création d'un droit réel - Portée - Limites - Détermination

PROPRIETE - Droit de propriété - Atteinte - Applications diverses - Construction empiétant sur l'héritage voisin - Construction édifiée en vertu d'une servitude conventionnelle

Une servitude ne peut conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui


Références :

articles 544, 552 et 637 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 27 novembre 2007

Dans le même sens que :3e Civ., 27 juin 2001, pourvoi n° 98-15216, Bull. 2001, III, n° 87 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 avr. 2009, pourvoi n°08-11079, Bull. civ. 2009, III, n° 77
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 77

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Gariazzo (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Feydeau
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.11079
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