LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe de droit international relatif à l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
Attendu que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'Etat et n'est donc pas un acte de gestion ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X... qui avait été engagée en 1963 par le Département d'Etat comme employée locale au consulat général des Etats-Unis d'Amérique de la Martinique, a été licenciée le 2 juin 1993 par une lettre l'informant qu'à la suite de sévères restrictions budgétaires, le gouvernement américain avait envisagé de fermer certains de ses bureaux et consulats à l'étranger, et qu'il avait "été décidé officiellement de fermer le Consulat général en Martinique le 1er août 1993" ce qui l'amenait à mettre fin à son emploi pour raisons économiques ; que Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ;
Attendu que pour faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par les Etats-Unis d'Amérique tirée du principe de l'immunité de juridiction, l'arrêt retient qu'il résulte des documents communiqués que le département d'Etat a décidé de fermer dix neuf délégations à l'étranger, dont le consulat général de la Martinique, que cette décision a été présentée comme nécessaire dans le plan du département de faire face à des restrictions budgétaires, que les conditions dans lesquelles un Etat souverain organise sa représentation à l'étranger en fonction de choix géo-politiques et stratégiques constituent manifestement un acte de souveraineté ne pouvant s'analyser comme un simple acte de gestion, que compte tenu du caractère collectif de la décision prise qui entraînait les mêmes conséquences pour tous les " employés locaux " de toutes les délégations concernées par la décision de fermeture, l 'analyse des conditions dans lesquelles Mme X... exerçait ou non des fonctions en rapport avec la mission de service public consulaire est sans intérêt pour le litige ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, si un Etat est en droit de revendiquer l'immunité de juridiction quant à l'appréciation des motifs de la décision de fermeture d'une délégation consulaire, le juge français garde le pouvoir de vérifier la réalité de la fermeture invoquée et de statuer sur les conséquences du licenciement d'un salarié motivé par cette décision, dés lors que celui-ci n'occupe pas des fonctions lui conférant une responsabilité particulière dans l'exercice du service consulaire, la cour d'appel a violé les principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ;
Condamne l'Etat fédéral des Etats-Unis d'Amérique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Etat fédéral des Etats-Unis d'Amérique à payer à Mme Marie-Ange X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X....
LE MOYEN REPROCHE à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action engagée par Madame X... contre l'Etat Fédéral des Etats-Unis d'Amérique ;
AUX MOTIFS QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient d'une immunité de juridiction que pour autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est pas un acte de gestion ; que Madame X... ayant saisi la juridiction sociale de demandes d'indemnisation des divers préjudices que lui aurait occasionné le licenciement dont elle a été l'objet, il n'est pas sérieusement contestable que l'acte à l'origine du litige est en l'espèce la décision du Département d'État américain de fermer le Consulat Général de Martinique ; qu'en effet, c'est bien cette décision, et elle seule, qui est à l'origine de la suppression du poste et du licenciement pour motif économique ; que les conditions dans lesquelles un Etat souverain organise sa représentation à l'étranger, en fonction de choix géo-politiques et/ou stratégiques qui lui sont propres, constituent manifestement un acte de souveraineté et ne peut s'analyser comme un simple acte de gestion ; que compte tenu du caractère collectif de cette décision, qui entraînait les mêmes conséquences pour tous les « employés locaux » du Consulat Général de Martinique, l'analyse des conditions dans lesquelles Madame X... exerçait ou non des fonctions en rapport avec la mission de service public consulaire est sans intérêt pour la solution du litige ; qu'en se reconnaissant compétents pour connaître du litige, les premiers juges acceptaient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur comme leur en faisaient obligation les articles L122-14-3 et L 321-1 et suivants du Code du travail, ce qui aurait dû les amener à s'interroger sur la pertinence et le bien-fondé de la politique étrangère du gouvernement des Etats Unis d'Amérique, ce que se garde de faire le jugement querellé qui, saisi entre autres d'une demande en paiement de dommages intérêts pour rupture abusive à hauteur de 152 449,02 euros, accorde 30 000 euros sans une ligne de motivation sur les motifs du licenciement ; que l'argument selon lequel, en faisant bénéficier une « employée locale » d'une indemnité de licenciement prévue par le droit du travail français, le Département d'État aurait abandonné son immunité de juridiction et accepté de se soumettre aux juridictions françaises procède de la plus grande confusion entre le droit applicable et le juge compétent ; qu'en effet, quelle qu'en soit la teneur et la motivation, la décision intervenue reste celle d'un Etat étranger souverain et, comme tel, fondé à revendiquer une immunité de juridiction si les conditions évoquées ci-dessus sont remplies ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; que pour juger que l'Etat Fédéral des Etats-Unis d'Amérique était fondé à se prévaloir de l'immunité de juridiction, la Cour d'appel a retenu que l'acte à l'origine du litige est la décision du Département d'État américain de fermer le Consulat Général de Martinique et que les conditions dans lesquelles un Etat souverain organise sa représentation à l'étranger constituent manifestement un acte de souveraineté et ne peut s'analyser comme un simple acte de gestion ; qu'en se déterminant ainsi, elle s'est prononcée par des motifs inopérants, la décision, qui donne lieu au litige, de licencier un salarié français étant un acte de gestion administrative qui ne participe pas à l'exercice de la souveraineté des Etats-Unis d'Amérique ; que la Cour d'appel a donc violé les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le licenciement d'un salarié français d'un consulat étranger n'ayant aucune responsabilité dans l'exercice du service public consulaire est un acte de gestion, qui ne permet pas à l'Etat étranger de se prévaloir de l'immunité de juridiction ; que pour juger que l'Etat Fédéral des Etats-Unis d'Amérique était fondé à se prévaloir de l'immunité de juridiction, la Cour d'appel a énoncé que l'analyse des conditions dans lesquelles Madame X... exerçait ou non des fonctions en rapport avec la mission de service public consulaire était sans intérêt pour la solution du litige ; qu'en se prononçant ainsi, la Cour d'appel a méconnu les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'un Etat ne peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lorsque le litige porte sur les droits contractuels d'un agent de consulat ; qu'en jugeant sa demande irrecevable, la Cour d'appel a privé Madame X... de son droit d'accéder à un tribunal et a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE la recevabilité d'une action visant un Etat étranger ne préjuge pas de l'accueil de la demande ; que la Cour d'appel a énoncé qu'en se reconnaissant compétents pour connaître du litige, les premiers juges ont accepté d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, ce qui aurait dû les amener à s'interroger sur la pertinence et le bien-fondé de la politique étrangère du gouvernement des Etats Unis d'Amérique ; qu'en justifiant sa décision de déclarer irrecevable l'action de Madame X... au regard de considérations tenant au fond du litige, la Cour d'appel a méconnu les principes de droit international relatifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE la renonciation d'un Etat étranger à une immunité de juridiction peut-être expresse ou tacite ; que la Cour d'appel a énoncé que l'argument retenu par les premiers juges selon lequel, en faisant bénéficier une « employée locale » d'une indemnité de licenciement prévue par le droit du travail français, le Département d'État aurait abandonné son immunité de juridiction et accepté de se soumettre aux juridictions françaises procède de la plus grande confusion entre le droit applicable et le juge compétent ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si le fait de verser à Madame X... une indemnité de licenciement en application du droit français ne manifestait pas la volonté de l'Etat Fédéral des Etats-Unis d'Amérique de se soumettre au système juridique français dans son ensemble, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.