La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2009 | FRANCE | N°08-88486

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mars 2009, 08-88486


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Guy,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 5 décembre 2008, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des PYRÉNÉES-ATLANTIQUES sous l'accusation de viols aggravés et de viols ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 83, alinéa 3, 84, alinéa 4, 181, 183, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque

de base légale, excès de pouvoir ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Guy,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 5 décembre 2008, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des PYRÉNÉES-ATLANTIQUES sous l'accusation de viols aggravés et de viols ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 83, alinéa 3, 84, alinéa 4, 181, 183, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'ordonnance de mise en accusation du 8 août 2008, soulevée par Guy X... ;
"aux motifs qu'il est fait grief à l'ordonnance déférée d'avoir été rendue par « le président du tribunal de grande instance de Pau substituant Nathalie Lacaule, juge d'instruction régulièrement empêchée, au visa de l'urgence et de l'article 84 du code de procédure pénale » ; que s'il est vrai que l'article 84 du code de procédure pénale a été visé globalement par l'auteur de l'ordonnance critiquée alors que ce texte comporte plusieurs alinéas se référant à plusieurs hypothèses distinctes (alinéa 1 dessaisissement - alinéa 3 empêchement - alinéa 4 urgence pour des actes isolés), il n'en demeure pas moins vrai que le président du tribunal de grande instance de Pau s'est désigné lui-même pour remplacer le juge d'instruction Nathalie Lacaule, dont il a également constaté l'empêchement ; qu'ainsi cette désignation du juge d'instruction est intervenue en application de l'article 84, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que le président du tribunal de grande instance tient des dispositions de l'article 83 du code de procédure pénale le pouvoir de désigner le juge d'instruction dossier par dossier et en cas d'empêchement le juge d'instruction qui le remplacera ; qu'il résulte tant de la loi elle-même (article 83 dernier alinéa) que de la jurisprudence s'y rapportant et des textes relatifs à la mise en oeuvre de ces dispositions que les désignations prévues à l'article 83 sont des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours ; que le mode de désignation du juge d'instruction constituant un acte d'administration qui n'intéresse pas les droits des parties, celles-ci ne peuvent en discuter ni la régularité ni l'existence et que, par ailleurs, aucune requête en nullité d'un acte du juge d'instruction ne peut être fondée sur les conditions de désignation de ce juge ;
"1°) alors, d'une part, qu'une ordonnance de règlement doit être annulée si elle a été rendue par un juge incompétent ; que tel est le cas lorsque le juge qui l'a rendue n'est pas le juge d'instruction chargé du dossier ni un autre juge d'instruction, mais le président du tribunal de grande instance, lequel, n'étant pas juge d'instruction, n'a aucun pouvoir pour prendre lui-même une telle ordonnance ; qu'en refusant de s'interroger sur la validité de l'ordonnance de renvoi, au prétexte inopérant que la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance aurait prétendument usé des pouvoirs qu'il tient des articles 83 et 84 du code de procédure pénale en procédant à la «désignation» ou au « remplacement » du juge d'instruction, serait un acte insusceptible de recours, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoirs et violé lesdits textes ;
"2°) alors, d'autre part, que, dès lors que le «remplacement» du juge d'instruction ne résulte d'aucun acte mais fait corps en l'espèce, avec l'ordonnance de règlement dont il est indissociable, la chambre de l'instruction statuant sur l'appel de cette ordonnance était nécessairement saisie des conditions de sa régularité, y compris de la compétence du magistrat l'ayant rendue ;
"3°) alors, encore, que seules les désignations d'un juge d'instruction relèvent des dispositions de l'article 83 dernier § du code de procédure pénale et sont susceptibles d'échapper à toute action en nullité ; que tel n'est pas le cas lorsque le président du tribunal de grande instance en dehors des pouvoirs que lui donne ce texte déclare reprendre lui-même le dossier et le régler ; que la chambre de l'instruction a violé ledit texte et excédé ses pouvoirs ;
"4°) alors, au demeurant, que, le président du tribunal ne pouvait s'autodésigner pour remplacer l'un des juges d'instruction du tribunal, sans justifier de l'empêchement de tous les juges d'instruction du même tribunal, seuls habilités à remplacer, sur ordonnance du président du tribunal, l'un d'entre eux, régulièrement empêché ; qu'ainsi, en rendant lui-même l'ordonnance de clôture au lieu et place du juge d'instruction saisi du dossier, celui-ci, fût-il régulièrement empêché, le président du tribunal a excédé ses pouvoirs et a violé les textes susvisés ;
"5°) alors qu'en toute hypothèse, l'ordonnance visait l'urgence et le président déclarait se substituer au juge d'instruction régulièrement empêché ; que la substitution dont s'agit est donc nécessairement intervenue en application de l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale qui seul prévoit la possibilité, en cas d'urgence, d'effectuer un acte d'instruction isolé au lieu et place du magistrat en charge du dossier et non pas sur le fondement de l'article 84, alinéa 3, du même code, qui supposait d'ailleurs une désignation, par ordonnance du président, d'un juge d'instruction remplaçant celui initialement nommé ; que la chambre de l'instruction devait donc rechercher si les conditions d'urgence et d'acte isolé étaient bien réunies, cette dernière qualification étant exclue pour l'ordonnance de règlement opérant dessaisissement du magistrat instructeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 84, alinéa 3 et 4, ensemble l'article 50, alinéa 4, 591, 593 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de l'application combinée de ces textes que le président du tribunal de grande instance n'est compétent pour accomplir un acte d'instruction utile ou rendre une ordonnance, lorsque le juge d'instruction saisi du dossier est empêché, que si, d'une part, il n'a pu désigner un autre juge d'instruction pour le remplacer, si, d'autre part, un autre juge n'a pas été désigné en application des dispositions de l'article 50 susvisé, et si, enfin, l'urgence et l'impossibilité de réunir l'assemblée générale des magistrats du tribunal ont été constatées ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que Guy X... a été renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés et viols, par ordonnance du président du tribunal de grande instance, en date du 8 août 2008, visant les dispositions de l'article 84 du code de procédure pénale, l'empêchement du juge d'instruction saisi du dossier et l'urgence ; qu'il a interjeté appel de cette ordonnance ;
Attendu que, dans le mémoire déposé devant la chambre de l'instruction, il a excipé de la nullité de cette ordonnance en soutenant que seul un juge d'instruction pouvait substituer un autre juge d'instruction en application des alinéas 3 et 4 de l'article 84 du code de procédure pénale, et qu'il ne pouvait le faire que pour accomplir un acte urgent ;
Attendu que, pour écarter cette exception, l'arrêt énonce, qu'en application des dispositions précitées, le président s'est désigné lui-même pour remplacer le juge d'instruction saisi du dossier dont il a constaté l'empêchement, et que, selon les dispositions de l'article 83, dernier alinéa, les désignations prévues par cet article sont des mesures d'administration judiciaire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi sans rechercher si les conditions précitées étaient réunies, et par une référence inopérante aux dispositions de l'article 83, dernier alinéa, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, en date du 5 décembre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux , à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Et, pour le cas où ladite chambre déclarerait qu'il y a lieu à mise en accusation de Guy X...,
RÉGLANT de juges par avance, ordonne dès à présent que l'accusé sera renvoyé par elle devant la cour d'assises de la Gironde ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par Clément Y... ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Pometan conseiller rapporteur, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Foulquié, M. Bloch conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Harel-Dutirou conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-88486
Date de la décision : 18/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Désignation du juge d'instruction - Juge d'instruction empêché - Remplacement - Remplacement par le président du tribunal de grande instance - Condition

Il se déduit de l'application combinée des articles 84, alinéas 3 et 4, et 50 du code de procédure pénale que le président du tribunal de grande instance n'est compétent pour accomplir un acte d'instruction utile ou rendre une ordonnance, lorsque le juge d'instruction saisi du dossier est empêché, que si, d'une part, il n'a pu désigner un autre juge d'instruction pour le remplacer, si, d'autre part, un autre juge n'a pas été désigné en application des dispositions de l'article 50, et si, enfin, l'urgence et l'impossibilité de réunir l'assemblée générale des magistrats du tribunal ont été constatées. Ne justifie pas sa décision et encourt la censure en application de ces textes, la chambre de l'instruction saisie de l'appel d'une ordonnance de mise en accusation rendue par le président du tribunal en l'absence du juge d'instruction empêché, qui, sans rechercher si les conditions précitées étaient réunies, écarte l'exception de nullité soulevée par le mis en examen en énonçant que le président s'est lui-même désigné et que cette désignation constitue, aux termes de l'article 83, dernier alinéa, dudit code, un acte d'administration


Références :

article 84, alinéas 3 et 4, article 50, alinéa 4, articles 591 et 593 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, 05 décembre 2008

Sur la désignation du magistrat chargé de remplacer le juge d'instruction empêché conformément à l'article 50, dernier alinéa, du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 18 avril 1991, pourvoi n° 91-80238, Bull. crim. 1991, n° 186 (rejet) ;Crim., 14 février 2001, pourvois n° 00-86.724 et 00-86.725, Bull. crim. 2001, n° 43 (1) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mar. 2009, pourvoi n°08-88486, Bull. crim. criminel 2009, n° 58
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, n° 58

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : M. Davenas
Rapporteur ?: M. Pometan
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.88486
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award