LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 08-13.767, formé par les sociétés Cemex France gestion et Cemex béton Sud-Est et n° J 08-14.346, formé par la société Unibéton, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu que la société Unibéton, la société Cemex France gestion, qui vient aux droits de la société RMC France, qui venait elle-même aux droits de la société Béton de France, et la société Cemex béton Sud Est qui vient aux droits de la société Brignolaise de béton et d'agglomérés se sont pourvues en cassation contre un arrêt de la cour d'appel de Paris qui, statuant comme cour de renvoi à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique, 27 septembre 2005, pourvoi n° 04-16.677 et a., Bull. IV n° 181), a annulé la décision n° 97-D-39 du 17 juin 1997 du Conseil de la concurrence et statuant à nouveau, dit que la société Unibéton, la société Béton de France et la société Brignolaise de béton et d'agglomérés ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du code de commerce, et prononcé, en conséquence, des sanctions pécuniaires à l'encontre de ces trois sociétés ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° E 08-13.767 :
Attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° J 08-14.346, pris en sa première branche :
Vu les articles 632 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 464-10 et R. 464-12 du code de commerce ;
Attendu que les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires du code de commerce ou aménageant des modalités propres aux recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ; qu'aux termes du deuxième de ces textes, il n'est expressément dérogé qu'au titre VI du livre II du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes nouvelles des sociétés Cemex France, Cemex béton Sud Est et Unibéton, l'arrêt retient que parmi les dispositions du nouveau code de procédure civile, seules sont applicables en la cause celles auxquelles il n'est pas expressément dérogé par des textes spéciaux et qui sont compatibles avec celles aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ; qu'il énonce ensuite que la procédure suivie devant la cour d'appel sur les recours contre les décisions du Conseil de la concurrence est gouvernée par la règle essentielle, prévue par l'article R. 464-1 du code de commerce, selon laquelle les parties requérantes doivent déposer l'exposé des moyens qu'elles invoquent dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision et en conclut que les moyens invoqués après ce délai sont irrecevables, à moins qu'ils ne soient relatifs à des éléments révélés postérieurement ou qu'ils ne répondent à des moyens invoqués devant la cour ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la procédure de renvoi après cassation est régie par le titre XVI du livre premier du code de procédure civile et non par celles du titre VI, de son livre II, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° E 08-13-767 :
Vu l'article 5, § IV de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, lorsqu'est pendant devant la Cour de cassation un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Paris statuant dans le cadre de l'article L. 464-8 du code de commerce, les parties ont la faculté de demander le renvoi à la cour d'appel de Paris pour l'examen d'un recours en contestation de l'autorisation de visite et saisie délivrée par le juge des libertés et de la détention ;
Attendu que par des observations déposées le 23 décembre 2008, les sociétés Cemex France et Cemex béton Sud Est ont, en application de cette disposition, demandé le renvoi devant la cour d'appel afin qu'il soit statué sur la contestation qu'elles entendent former contre l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance, alors compétent, le 28 janvier 1994 et autorisant les visite et saisie ;
Attendu qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens des pourvois :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2008 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Renvoie à la cour d'appel de Paris l'examen du recours en contestation de l'autorisation de visite et saisie rendue le 28 janvier 1994 que les sociétés Cemex France et Cemex béton Sud Est indiquent entendre former ;
Condamne le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi à payer aux sociétés Cemex France et Cemex béton Sud Est la somme globale de 2 500 euros et la même somme à la société Unibéton ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 199 (COMM.) ;
Moyens produits, au pourvoi n° E 08-13.767, par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, Avocat aux Conseils, pour les sociétés Cemex France gestion et Cemex bétons Sud Est ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, en suite de l'annulation de la décision du Conseil de la Concurrence du 17 juin 1997, dit que les sociétés Béton de France (aujourd'hui Cemex France Gestion) et Société Brignolaise de Béton et d'Agglomérés (aujourd'hui Cemex Béton Sud Est) ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et de leur AVOIR infligé des sanctions respectives de 4.500.000 et 45.000 ;
ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, l'impartialité devant s'apprécier de manière objective ; qu'il en résulte qu'un magistrat ne peut siéger au sein de la juridiction de renvoi dans une affaire dont il a précédemment connu en qualité de juge de cassation ; qu'en l'espèce, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a, par un arrêt du 9 octobre 2001, censuré un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 20 octobre 1998 ayant rejeté le recours formé par les sociétés Béton de France (aujourd'hui Cemex France Gestion) et Société Brignolaise de Béton et d'Agglomérés (aujourd'hui Cemex Béton Sud Est) à l'encontre d'une décision du Conseil de la concurrence en date du 17 juin 1997 ; qu'il résulte des mentions de cet arrêt que Madame Agnès X... avait siégé au sein de la Chambre commerciale de la Cour de cassation ; que, cependant, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que celle-ci a participé au délibéré de la Cour d'appel de Paris, désignée en qualité de juridiction de renvoi, dans la même affaire, au terme d'un deuxième arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en date, du 27 septembre 2005 ; que l'arrêt attaqué se trouve, de la sorte, entaché d'une violation de l'article 6, §.1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, refusé d'examiner la régularité des poursuites dont elle était saisie ensuite de l'annulation de la décision du Conseil de la Concurrence du 17 juin 1997, dit que les sociétés Béton de France (aujourd'hui Cemex France Gestion) et Société Brignolaise de Béton et d'Agglomérés (aujourd'hui Cemex Béton Sud Est) ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et de leur AVOIR infligé des sanctions respectives de 4.500.000 et 45.000 ;
AUX MOTIFS QUE « les requérantes soutiennent que l'article 632 du nouveau code de procédure civile leur permet d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions devant la cour de renvoi ; Mais considérant que, parmi les dispositions du nouveau code de procédure civile, seules sont applicables en la cause celles auxquelles il n'est pas expressément dérogé par des textes spéciaux et qui sont compatibles avec celles aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ; qu'aux termes de l'article 631 du nouveau code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; Or considérant que la procédure suivie devant la cour d'appel sur les recours contre les décisions du Conseil de la concurrence est gouvernée par la règle essentielle, prévue par l'article 2 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 devenu l'article R. 464-12 du code de commerce, selon laquelle les parties requérantes doivent déposer l'exposé des moyens qu'elles invoquent, soit en même temps que leur déclaration de recours, laquelle doit être formée dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision (article L. 464-8 du code de commerce), soit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, de sorte que sont irrecevables les moyens invoqués après ce dernier délai, à moins qu'ils ne soient relatifs à des éléments révélés postérieurement ou qu'ils ne répondent à des moyens invoqués devant la cour ; Qu'il suit de là que l'article 632 du nouveau code de procédure civile, incompatible avec les dispositions propres à l'exercice des recours contre les décisions du Conseil de la concurrence, est inapplicable en la cause et que seuls seront examinés, parmi les moyens soulevés dans les mémoires produits à l'appui de la saisine de la cour, ceux qui ont été invoqués dans le délai réglementaire, les requérantes ne prétendant pas relever de l'une des exceptions précitées ; que sont donc irrecevables le moyen tiré de la présence du rapporteur au délibéré du Conseil de la concurrence comme celui tiré de la partialité du rapporteur » ;
1. ALORS QUE si l'article 2 du décret du 19 octobre 1987, devenu l'article R. 464-12 du Code de commerce, frappe d'irrecevabilité le recours présenté sous forme d'une requête non motivée lorsque cette requête n'a pas été complétée, dans le délai de 2 mois suivant la notification de la décision du Conseil de la Concurrence, par le dépôt d'un mémoire contenant l'exposé des moyens invoqués, ce texte n'interdit pas au demandeur ayant satisfait à cette condition de forme de soulever par la suite, dans les délais qui lui sont impartis par le Premier Président de la Cour d'appel par application de l'article 8 du même décret, devenu l'article R. 464-18 du Code de commerce, de nouveaux moyens ; qu'en affirmant au contraire qu'il résulterait du premier de ces textes que sont irrecevables les moyens invoqués après le délai de 2 mois suivant la notification de la décision du Conseil de la Concurrence, pour en déduire qu'il serait par là dérogé aux dispositions de l'article 632 du Code de procédure civile, qui permettent aux parties d'invoquer de nouveaux moyens devant la Cour de renvoi, la Cour d'appel a violé les textes susvisés par fausse interprétation ;
2. ALORS QU'EN consacrant, de la sorte, une fin de non-recevoir qui ne résulte explicitement d'aucune des dispositions du décret du 19 octobre 1987 et que contredit précisément l'article 632 du Code de procédure civile, la Cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique et le droit au juge, en violation de l'article 6, §. 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE toute personne a droit à un recours effectif devant le juge interne en vue de faire constater et sanctionner la violation d'un droit fondamental qu'il tient de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; qu'ainsi, en supposant même que l'article 2 du décret du 19 octobre 1987 ait bien la signification que lui a attribuée l'arrêt attaqué, ce texte ne saurait empêcher le demandeur de soulever, à tout stade de l'instance pendante devant la Cour d'appel de Paris, de nouveaux moyens tendant à faire constater la violation de son droit à un procès équitable ; qu'en l'espèce, la société CEMEX FRANCE GESTION rappelait dans ses écritures que, devant le Conseil de la concurrence, le même Rapporteur, Monsieur Y..., avait non seulement instruit successivement la demande de mesures conservatoires et la saisine au fond, mais qu'il avait de surcroît assisté au délibéré de chacune de ces décisions ; qu'elle soulignait dès lors qu'avoir rapporté sur la demande de mesures conservatoires et participé au délibéré de la décision du Conseil constituant un préjugement, ce rapporteur ne présentait plus objectivement les qualités d'impartialité requises pour pouvoir instruire à charge et à décharge ; qu'en refusant de se prononcer sur ce moyen au prétexte qu'il n'avait pas été initialement soulevé dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision du Conseil de la concurrence, la Cour d'appel a violé les articles 6, §. 1, et 13 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
4. ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel de Paris, appelée à statuer en fait et en droit, après annulation de la décision du Conseil de la concurrence, ne saurait, sans violer l'article 6, §. 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, faire reposer sa décision sur les pièces d'une instruction antérieure, elle-même conduite en violation du texte susvisé par un rapporteur ayant précédemment participé au délibéré d'une décision constituant un préjugement de l'affaire ; qu'en l'espèce, la société Cemex France Gestion rappelait que, devant le Conseil de la concurrence, le même Rapporteur, Monsieur Y..., avait non seulement instruit successivement la demande de mesures conservatoires et la saisine au fond, mais qu'il avait de surcroît assisté au délibéré de chacune de ces décisions ; qu'elle soulignait ainsi qu'avoir ainsi rapporté sur la demande de mesures conservatoires et participé au délibéré de la décision du Conseil constituant un préjugement, ce rapporteur ne présentait plus objectivement les qualités d'impartialité requises pour pouvoir instruire à charge et à décharge ; qu'en faisant néanmoins reposer sa décision sur les pièces d'une instruction menée dans de telles conditions, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, en suite de l'annulation de la décision du Conseil de la Concurrence du 17 juin 1997, dit que les sociétés Béton de France (aujourd'hui Cemex France Gestion) et Société Brignolaise de Béton et d'Agglomérés (aujourd'hui Cemex Béton Sud Est) ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et de leur AVOIR infligé des sanctions respectives de 4.500.000 et 45.000 ;
AUX MOTIFS QU' « après avoir fait procéder à une enquête, au cours de laquelle des visites et des saisies ont été effectuées avec l'autorisation du président du tribunal de grande instance de Marseille, le ministre chargé de l'économie a, par lettre du 5 juillet 1994, saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre dans le secteur du béton prêt à l'emploi dans la région PACA et demandé le prononcé de mesures conservatoires ; (…) qu'a été découvert dans les locaux de la société Super Béton à La Seyne-sur-Mer, le 7 février 1994, un document relatif à l'attribution du marché de la station d'épuration du cap Sicié, à la fin de l'année 1993 et au début de 1994, rédigé de la main du directeur de la société, M. Z..., qui fait apparaître au regard des sigles "BF", "BCV", "B 83" et "IMS", divers chiffres qui, rapportés au total de 7 200, restituent les pourcentages respectifs de 29,2 %, 26,4%, 26,4 %, et 16,7 %, similaires donc à ceux avances par M. A..., et qui sont révélateurs d'un système d'avance-retard au regard de quotas préalablement arrêtés, excluant l'explication fournie par M. Z... aux enquêteurs selon lesquels ces chiffres ne constituaient que des évaluations des parts de marché respectives des concurrents ; Que les mêmes similitudes ont été relevées entre les données figurant sur les documents remis par M. A... (…) ; Que l'ensemble de ces éléments, qui confirment les déclarations circonstanciées de M. A..., caractérisent une concertation portant sur une répartition de marché du béton prêt à l'emploi entre les sociétés Béton de France (RMC), SMB (Unibéton), Béton Chantiers du Var et Super Béton dans la zone de Toulon, de janvier 1993 à mai 1993, de nature à fausser le jeu de la concurrence et comme telle, prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 420-1 du code de commerce ; (…) Considérant que la perquisition effectuée le 7 février 1994 dans les locaux de la société Super Béton a permis de d'appréhender une série de documents manuscrits ; (…) que ces documents ne sauraient s'analyser en des tableaux de suivi de parts de marché dès lors qu'ils affectent à chaque entreprise un pourcentage constant quels que soient les chantiers et les volumes de production considérés ; que le fait qu'ils aient tous été saisis dans les locaux de la même entreprise n'affecte pas leur valeur probante ; que leur rapprochement révèle en conséquence l'existence, en 1993, d'un accord de répartition du marché du béton prêt à l'emploi dans la zone de Nice entre la société Béton de France (RMC) et les sociétés BCCA et Béton Chantiers Nice, avec attribution de quotas et système d'avances-retards, de nature à fausser le jeu de la concurrence et comme tel prohibé par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 420-1 du code de commerce ; sur les marchés d'Avignon et de Cavaillon : (…) Qu'a été saisi dans les locaux de la société Unimix (Unibéton) un autre tableau, daté du 21 décembre 1993, intitulé ''Rapport concurrence Vaucluse» qui recense les tonnages de béton par entreprise sur les zones de Cavaillon et d'Avignon de janvier à septembre 1993, étant observé que, pour ce qui est de la zone de Cavaillon au mois de janvier, ce sont exactement les mêmes tonnages que ceux du premier document qui y sont portés pour les sociétés Redland et Sylvestre, celui concernant la société Unibéton ayant été augmenté, vraisemblablement en raison d'une correction ultérieure comme l'a expliqué M. A... ; qu'il ressort de ces éléments qu'au cours du premier semestre 1993, d'une part, les entreprises Unibéton et Béton de France (RMC) se sont concertées avec les entreprises Redland Granulats Sud et Béton Chantiers Prêt dans la zone d'Avignon et, d'autre part, la société Unibéton s'est concertée avec les sociétés Redland Granulats Sud Béton Chantiers Prêt et Béton Granulats Sylvestre dans la zone de Cavaillon, en vue de se répartir des quotas de béton, ces ententes, qui visaient à fausser le jeu de la concurrence, étant prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L.420-1 du code de commerce ; - sur le marché de l'est du département du Var : qu'une pièce manuscrite saisie dans les locaux de la société Unimix (Unibéton) comporte la phrase suivante, raturée : "Place faite à Redland sur Fréjus. Partie à récupérer ailleurs", dont le sens est éclairé par un autre document saisi dans les mêmes conditions, qui mentionne : " 1 pt de perte sur Var (Red) il faut récupérer 6000 mères cubes sur St Raphaël sans réponse sous 8 jours (...) plutôt sur Bouches du Rhône" ; Considérant que l'ensemble de ces éléments établissent l'entrée, à partir de janvier 1993 de la société Redland Granulats Sud dans l'entente qui comptait jusque là les seules sociétés Unibéton, Express Béton et SBBA (Cemex) ; Qu'au demeurant, cette analyse est confortée par un document saisi dans les locaux de la société Unimix (Unibéton) qui mentionne "augmentation des prix sur Var Est aux alentours de 400 à 440 F/m3 (supérieur à 92) : + 46 F/m2 depuis janvier 1993" ; que la conjonction de ces éléments exclut que cette remontée soudaine des prix en janvier 1993 s'explique simplement, comme le prétend la société Cemex, par l'alternance naturelle de périodes de guerre des prix et d'accalmie ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'est établie l'existence d'une concertation portant sur une répartition de marché dans la partie Est du département du Var entre les sociétés Unibéton, SBBA (Cemex), Redland Granulats Sud et Express Béton, de janvier 1993 à mai 1993, de nature à fausser le jeu de la concurrence et, comme telle, prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du code de commerce ; - sur l'entente dans la région PACA : (…) Que des documents saisis confirment que ces répartitions, qui étaient organisées à l'échelon régional, donnaient lieu à compensation entre différents marchés locaux de cette région ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les sociétés Béton de France (RMC) et Unibéton se sont entendues, au plan régional, avec les sociétés Redland Granulats Sud et les groupes Lafarge et Vicat, pour se répartir différents marchés géographiques locaux du béton prêt à l'emploi dans la région PACA au cours de l'année 1993, cette pratique, qui avait pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence étant prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 420-1 du code de commerce » ;
ALORS QUE la procédure prévue par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui prévoyait que l'ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance autorisant la visite domiciliaire n'était susceptible que d'un pourvoi en cassation instruit selon les règles prévues par le Code de procédure pénale, méconnaît les dispositions de l'article 6 § 1 de la CEDH, dès lors que la personne visée par la perquisition n'était pas en mesure de faire valoir ses droits devant une juridiction procédant à un réexamen en fait et en droit des éléments fondant l'autorisation accordée ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que par une ordonnance du 28 janvier 1994, le Président du Tribunal de Grande Instance a autorisé la DGCCRF a effectuer des visites domiciliaires dans les locaux de plusieurs des entreprises concernées par l'enquête, ces visites ayant été effectuées le 7 février 1994 ; qu'en se fondant sur les pièces saisies au terme de cette procédure irrégulière pour juger que les sociétés Béton de France et Société Brignolaise de Béton et d'Agglomérés avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, la Cour d'appel a violé l'article 6, §. 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que les moyens tirés de l'irrégularité de l'enquête administrative n'étaient pas fondés, d'AVOIR dit que les sociétés Béton de France (aujourd'hui Cemex France Gestion) et Société Brignolaise de Béton et d'Agglomérés (aujourd'hui Cemex Béton Sud Est) avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et de leur AVOIR infligé des sanctions respectives de 4.500.000 et 45.000 ;
AUX MOTIFS QUE, se fondant sur les attestations des intéressés établies postérieurement, la société RMC conteste la validité des opérations d'enquête menées le 20 septembre 1993 dans les locaux de la société Béton de France (RMC) à Marseille, en faisant valoir que les procès-verbaux d'audition, comme ceux de MM. B..., C..., D... et E... mentionnent par une phrase pré-imprimée que l'objet de l'enquête a été indiqué aux intéressés, alors que ces derniers ont attesté du contraire ; (…) Mais considérant que l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 450-2 du code de commerce, dispose que les procès-verbaux d'enquête administrative valent jusqu'à preuve contraire ; qu'il s'ensuit que les seules allégations, émises postérieurement, des personnes concernées par les investigations relatées dans ces procès-verbaux ne suffisent pas à contredire les énonciations claires qui y sont portées, alors au surplus qu'elles les ont signés sans réserve ; que, contrairement à ce que soutient la société RMC, la déposition de M. F..., enquêteur à la DGCCRF, qui, à la demande du rapporteur, a fourni des explications sur les conditions de son intervention, ne saurait être considérée comme accréditant ces allégations du seul fait qu'elle ne les contredit pas formellement ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut d'information effectif de l'objet de l'enquête doit être écarté ;
1 ALORS QUE les procès-verbaux d'enquête administrative ne faisant foi que jusqu'à preuve contraire, leurs énonciations peuvent être combattues par tout procédé de preuve admissible en justice et notamment par la voie de témoignages concordants ; qu'en l'espèce, la société Cemex France Gestion soutenait dans ses écritures que l'enquête administrative avait été conduite au mépris du principe de loyauté dans la recherche des preuves et produisait plusieurs témoignages relatant le déroulement de la visite des enquêteurs de la DGCCRF dans ses locaux dont la teneur venait contredire l'affirmation, mentionnée dans une clause pré-imprimée des procès-verbaux d'enquête, selon laquelle l'objet de l'enquête aurait été indiqué aux intéressés ; qu'en refusant d'examiner le contenu de ces témoignages, au motif erroné qu'un témoignage serait par principe impuissant à combattre les énonciations d'un procès-verbal d'enquête administrative non assorti de réserves, la Cour d'appel a violé l'article 46 de l'ordonnance du 1er février 1986, devenu l'article L. 450-2 du Code de commerce, ensemble l'article 6, §. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
2. ALORS, en toute hypothèse, QUE les enquêteurs agissant dans le cadre des articles L. 450-1 et suivants du Code de commerce sont tenus de faire connaître l'objet de leur enquête aux personnes interrogées afin de garantir leur droit de ne pas témoigner contre elles-mêmes ; que les procès-verbaux doivent faire la preuve de la régularité de l'enquête ; qu'ainsi, la mention pré-imprimée d'un procès-verbal se bornant à faire état de ce que l'objet de l'enquête a été indiqué aux intéressés ne permet pas au juge d'exercer son contrôle sur la régularité de l'enquête dès lors que ce procès-verbal ne comporte ni l'énonciation circonstanciée de l'objet de l'enquête ni la relation des questions posées par l'enquêteur ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que les procès-verbaux litigieux aient renfermé ces éléments indispensables pour s'assurer de la régularité de l'enquête, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, §. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Moyens produits, au pourvoi n° Y 08-14.346, par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Avocat aux Conseils, pour la société Unibéton ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société UNIBETON avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et d'avoir prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 6.000.000 d'euros ;
AUX MOTIFS QUE, parmi les dispositions du nouveau Code de procédure civile, seules sont applicables en la cause celles auxquelles il n'est pas expressément dérogé par des textes spéciaux et qui sont compatibles avec celles aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ; qu'aux termes de l'article 631 du Code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; que la procédure suivie devant la Cour d'appel sur les recours contre les décisions du Conseil de la concurrence est gouvernée par la règle essentielle, prévue par l'article 2 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 devenu l'article R. 464-12 du Code de commerce, selon laquelle les parties requérantes doivent déposer l'exposé des moyens qu'elles invoquent, soit en même temps que leur déclaration de recours, soit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, de sorte que sont irrecevables les moyens invoqués après ce dernier délai, à moins qu'ils ne soient relatifs à des éléments révélés postérieurement ou qu'ils ne répondent à des moyens invoqués devant la Cour ;
QU'il suit de là que l'article 632 du nouveau Code de procédure civile, incompatible avec les dispositions propres à l'exercice des recours contre les décisions du Conseil de la concurrence, est inapplicable en la cause et que seuls seront examinés, parmi les moyens soulevés dans les mémoires produits à l'appui de la saisine de la Cour, ceux qui ont été invoqués dans le délai réglementaire, les requérantes ne prétendant pas relever de l'une des exceptions précitées ; que sont donc irrecevables le moyen tiré de la présence du rapporteur au délibéré du Conseil de la concurrence comme celui tiré de la partialité du rapporteur ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en statuant ainsi sur un moyen relevé d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les dispositions des articles R. 464-12 et suivants du Code de commerce qui déterminent les modalités du dépôt du recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ne dérogent en rien à celles du titre XVI du livre I du Code de procédure civile relatives aux effets du pourvoi en cassation, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel a violé l'article 632 du Code de procédure civile ;
ET ALORS que la société UNIBETON, dans son mémoire déposé au greffe Concurrence de la Cour d'appel de PARIS le 26 septembre 1997 à l'appui de son recours contre la décision n° 97-D-39, avait déjà, à l'appui de sa demande d'annulation de l'enquête et de l'instruction, relevé le moyen pris du défaut d'impartialité du rapporteur, si bien qu'en refusant de statuer sur ce moyen , la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R.464-12 du Code de commerce et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société UNIBETON avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et d'avoir prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 6.000.000 d'euros
AUX MOTIFS QUE Monsieur G..., directeur financier à la SOTEM, venant aux droits de la Société GARRASSIN, a, dans une lettre reçue par le Conseil de la concurrence le 21 février 1996, précisément décrit le fonctionnement de l'entreprise commune, en indiquant que la participation de son groupe avait été prise dans le cadre d'une stratégie d'intégration verticale, le groupe GARRASSIN étant producteur de granulats sur le département du Var, cependant que la Société UNIBETON avait pour activité l'exploitation de centrales à béton, que de ce fait, l'administration de la SMB dès sa création avait été « entièrement confiée à UNIBETON » qui assurait « l'intégralité des fonctions de gestion, tant commerciales, administratives, techniques que comptables ou juridiques », le groupe GARRASSIN n'intervenant pas « bien entendu dans la formation et la fixation des prix » ; que la sincérité de cette déclaration circonstanciée ne saurait être mise en doute, ni du fait de l'attestation de Monsieur H..., qui se borne à faire état, en termes généraux, d'une répartition équitable des pouvoirs par le biais de comités de direction se réunissant « régulièrement », ni au motif que les partenaires étaient en train de se séparer, alors au contraire qu'il résulte du procès-verbal de transaction du 7 mai 1997, produit par la Société UNIBETON, qu'à la date à laquelle Monsieur G... a adressé sa déposition, soit en février 1996, les associés étaient parvenus à un accord signé le 26 octobre 1995, et que ce n'est qu'ultérieurement qu'a surgi le conflit, en raison de l'inexécution de cet accord précisément, qui s'est noué par une assignation à bref délai délivrée en juin 1996 ;
QU'en outre, Monsieur I..., cogérant de la SMB, a déclaré au rapporteur que les services commerciaux de la SMB se trouvaient à LAMBESC dans les locaux appartenant à UNIMIX, où était effectuée la facturation, objet du reste d'une convention de facturation, et que la SMB, propriétaire des centrales de production, ne disposait pas de personnel en propre ;
QU'enfin, la Société UNIBETON ne produit aucune preuve des directives de la SMB qu'elle aurait prétendument respectées dans l'accomplissement des tâches qu'elle facturait à cette dernière, ni de ses affirmations quant au périmètre de ses contrôles internes ; qu'il résulte de ces éléments que la SMB ne disposait pas du pouvoir de définir sa propre stratégie industrielle et commerciale ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la Société UNIBETON faisait valoir qu'il résultait de la transaction signée entre les Sociétés SMB, UNIBETON, SOTEM et SOMECAT le 7 mai 1997 que le litige auquel il était mis fin avait pris naissance au mois de janvier 1996, lorsque l'inexécution du protocole d'accord signé le 26 octobre 1995 avait été avérée, si bien qu'en retenant - pour fonder sa décision sur les déclarations en date du 21 février 1996 du directeur financier de la SOTEM, venant aux droits de la Société GARRASSIN - qu'il résulte du procès-verbal de transaction du 7 mai 1997 qu'à la date à laquelle Monsieur G... a adressé sa déposition, soit en février 1996, les associés étaient parvenus à un accord signé le 26 octobre 1995, la Cour d'appel a dénaturé l'acte de transaction qu'elle vise, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que la Société UNIBETON ne produisait aucune preuve des directives de la SMB qu'elle aurait prétendument respectées dans l'accomplissement des tâches qu'elle facturait à cette dernière, ni de ses affirmations quant au périmètre de ses contrôles internes, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve, méconnaissant ainsi le principe de la présomption d'innocence.