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03/03/2009 | FRANCE | N°07-15581

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2009, 07-15581


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'un litige l'opposant à la société ESR ; qu'en application de l'article R. 516-21 devenu R. 1454-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes a chargé deux conseillers rapporteurs de réunir les éléments d'information nécessaires pour statuer ; que le rapport é

nonce que la demande de M. X... n'est pas légitimement fondée ; que l'i...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'un litige l'opposant à la société ESR ; qu'en application de l'article R. 516-21 devenu R. 1454-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes a chargé deux conseillers rapporteurs de réunir les éléments d'information nécessaires pour statuer ; que le rapport énonce que la demande de M. X... n'est pas légitimement fondée ; que l'intéressé a demandé le renvoi de l'affaire pour cause de suspicion légitime ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la circonstance que les conseillers rapporteurs soient membres de la formation de jugement n'est pas une cause de renvoi dès lors qu'ils n'exercent pas des pouvoirs d'enquête mais d'information ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'opinion exprimée par les deux rapporteurs, à l'occasion de leur mission précédant le délibéré, sur le caractère mal fondé de la demande du salarié faisait naître un doute légitime sur leur impartialité et celle de la juridiction à laquelle ils appartiennent, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ;
Déclare fondée la demande de renvoi présentée par M. X... pour cause de suspicion légitime ;
Désigne le conseil de prud'hommes de Nanterre pour statuer sur cette demande ;
Condamne la société ESR aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour M. X....

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR déclaré mal fondée la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime présentée par Messieurs X... et Z... et ordonné le renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes Boulogne Billancourt pour que l'instance se poursuivre entre les parties ;

AUX MOTIFS QU'à l'audience ni les parties présentes ni leur conseil, Madame Y..., n'ont demandé la récusation d'un membre de la Cour ni demandé le renvoi pour cause de suspicion légitime de la juridiction ; qu'aux termes de l'article L. 343 du nouveau Code de procédure civile, la récusation doit être proposée par la partie elle-même, ce qui s'entend des représentants légaux des personnes morales ou par son mandataire muni d'un pouvoir spécial ; que le mandataire doit être en possession de ce pouvoir spécial lorsqu'il récuse ; que cette condition est satisfaite ; que la convocation erronée des parties pour une réunion sur place à l'entreprise, en présence de deux conseillers rapporteurs désignés par le bureau de jugement du conseil de prud'hommes n'est pas une cause de renvoi, que la circonstance que les conseillers rapporteurs soient membres de la formation de jugement, conformément à l'article R. 516-3 du Code du travail, n'est pas une cause de renvoi, qu'ils n'exercent pas des pouvoirs d'enquête mais d'information, qu'il n'y a donc pas violation de l'article 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et relatif à l'exigence d'un juge impartial, que le jugement de date d'audience du bureau de jugement dont les parties ont été régulièrement avisées n'a pas causé de grief aux demandeurs et n'est pas une cause de renvoi ; que cette demande est mal fondée ; qu'elle résulte à tout le moins d'un conseil erroné donné par le défenseur syndical, que cette demande retarde l'issue du litige et le prononcé d'une décision juste au détriment principal de Messieurs X... et Z..., qu'elle crée inutilement un procès supplémentaire et expose les parties notamment la défenderesse à des frais ; qu'une telle attitude, qui aurait pu conduire Madame l'Avocat Général à demander l'application d'une amende civile contre Messieurs X... et Z... qui ont mal été conseillés par Madame Y..., n'est pas de nature à permettre une issue utile au litige ;
ALORS D'UNE PART QU'en l'état des termes du jugement du 31 janvier 2006, désignant deux conseillers « avec pour mission de se rendre à la SA ESR, 54 boulevard Rodin à Issy les Moulineaux, le mercredi 22 mars 2006 à 14 heures en présence de : Messieurs X... et Z... en personne et leurs conseils », l'exposant avait fait valoir, au soutien de sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, que ces conseillers rapporteurs s'étaient rendus sans qu'il en ait été préalablement informé, dans les locaux de la société ESR, à une adresse différente, soit, 2 rue de Paris, Immeuble Les MONTALETS 92190 MEUDON, afin d'y effectuer la mission qui leur avait été confiée ; qu'en se bornant, pour déclarer mal fondée la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, à affirmer péremptoirement que « la convocation erronée des parties pour une réunion sur place à l'entreprise en présence de deux conseillers rapporteurs désignés par le bureau de jugement du conseil de prud'hommes n'est pas une cause de renvoi », sans assortir sa décision d'aucun motif sur ce point, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en l'état des termes du jugement du 31 janvier 2006, désignant deux conseillers « avec pour mission de se rendre à la SA ESR, 54 boulevard Rodin à Issy les Moulineaux, le mercredi 22 mars 2006 à 14 heures en présence de : Messieurs X... et Z... en personne et leurs conseils », l'exposant avait fait valoir, au soutien de sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, que ces conseillers rapporteurs s'étaient rendus sans qu'il en ait été préalablement informé, dans les locaux de la société ESR, à une adresse différente, soit, 2 rue de Paris, Immeuble Les MONTALETS 92190 MEUDON, afin d'y effectuer la mission qui leur avait été confiée ; qu'en se bornant, pour déclarer mal fondée la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, à affirmer péremptoirement que « la convocation erronée des parties pour une réunion sur place à l'entreprise en présence de deux conseillers rapporteurs désignés par le bureau de jugement du conseil de prud'hommes n'est pas une cause de renvoi », sans répondre au moyen pertinent dont elle saisie, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS DE TROISIEME PART QU'une manifestation de partie pris, par un ou plusieurs conseillers prud'homaux, sur l'issue du litige dont ils sont saisis, est de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction et justifier, par-là même, la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ; qu'en l'état des termes des conclusions du rapport des conseillers rapporteurs, Messieurs A... et Monsieur B..., membres du Bureau de jugement du Conseil de Prud'hommes de Boulogne Billancourt et désignés par jugement dudit conseil de prud'hommes du 31 janvier 2006, conformément aux dispositions de l'article R. 516-21 du Code du travail, en vue de réunir des éléments d'information nécessaires à la Juridiction pour statuer, selon lesquels « après examen et étude des pièces des dossiers des parties dont les pièces annexées de la société ESR remises le 22 mars 2006, il nous apparaît que la société ESR a rempli ses obligations dans le cadre des plans sociaux et que les reclassements ont été mis en place notamment en ce qui concerne Monsieur X... et Monsieur Z.... Il apparaît aussi qu'en raison de la situation économique à l'époque des faits nécessitait bien la mise en place de plans sociaux et que le CE a bien été associé. Au vu de ce qui a été exposé dans ce rapport, nous, Conseillers Rapporteurs, considérons que les demandes de Monsieur Z... et Monsieur X... dans le cadre de la procédure diligentée à l'encontre de la société ESR ne sont pas légitimement fondées. », d'où il ressortait que ces Conseillers, allant au delà de la mission qui leur avait été confiée conformément aux dispositions de l'article R 516-21 du Code du travail, avaient très explicitement pris partie sur l'issue du litige opposant l'exposant à la société ESR, la Cour d'appel, qui s'est bornée à retenir que « la circonstance que les conseillers rapporteurs soient membres de la formation de jugement, conformément à l'article R. 516-3 du Code du travail, n'est pas une cause de renvoi, qu'ils n'exercent pas des pouvoirs d'enquête mais d'information », sans nullement rechercher si le fait que ces Conseillers, aux termes de leur rapport, avaient très explicitement pris partie sur l'issue du litige opposant l'exposant à la société ESR, n'était pas de nature à justifier la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 356 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal indépendant et impartial ; que l'impartialité doit notamment s'apprécier de manière objective, en recherchant si le juge ou la juridiction offrait des garanties suffisantes pour écarter tout doute légitime sur son attitude ; qu'au soutien de sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, l'exposant avait fait valoir et démontré que tous les Conseillers du Conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt avaient connu des affaires nombreuses opposant les salariés de la société ESR, licenciés, à leur ancien employeur, par trois plans sociaux consécutifs sur deux ans, ce qui était de nature à créer un doute légitime sur leur impartialité, pour connaître du litige opposant l'exposant à son ancien employeur, la société ESR, et relatif à son licenciement pour motif économique intervenu dans le cadre de l'un de ces plans sociaux ; qu'en ne recherchant nullement, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la circonstance tirée de ce que les Conseillers du Conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt avaient déjà eu à connaître, fut-ce dans le cadre d'autres instances, de litiges ayant opposé la société ESR à plusieurs de ses anciens salariés, licenciés dans le même cadre et au même motif que l'exposant, n'était pas de nature à caractériser un doute légitime et objectivement justifié quant à l'impartialité de la juridiction, et, partant, à justifier la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales et 356 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-15581
Date de la décision : 03/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Tribunal - Impartialité - Défaut - Caractérisation - Cas - Conseiller prud'homme membre du bureau de jugement et désigné préalablement conseiller rapporteur - Conseiller rapporteur ayant manifesté son appréciation sur l'affaire

Selon l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial. Viole ce texte, la cour d'appel qui rejette la demande de renvoi de l'affaire devant une autre formation, dont elle est saisie en application de l'article 359 du code de procédure civile, dès lors que les conseillers prud'hommes membres de la formation de jugement, précédemment chargés de réunir des éléments d'information dans l'affaire en cause, avaient, dans leur rapport écrit, conclu au mal fondé de la demande du salarié


Références :

article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 359 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 mars 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2009, pourvoi n°07-15581, Bull. civ. 2009, V, n° 54
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 54

Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Allix
Rapporteur ?: Mme Bobin-Bertrand
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.15581
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