LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 novembre 2007), que le département des Vosges a fait réaliser en 1990 un collège, avec le concours de M. X..., architecte assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), chargé d'une mission complète, et de la société Costa, assurée auprès de la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment (CAMB) pour le lot "menuiseries extérieures aluminium, verrières" ; qu'ayant réglé les sommes dues par son assuré condamné in solidum avec la société Costa par un jugement du tribunal administratif, la MAF a fait assigner en paiement la CAMB qui ne garantissait pas l'activité exercée sur ce chantier par son assurée en invoquant une imprécision de l'attestation d'assurance garantie décennale délivrée par cette compagnie à la société Costa ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la MAF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré envers le créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette ou partie de celle-ci ; que l'assureur de l'architecte, ayant payé au département des Vosges la part de la condamnation prononcée par le tribunal administratif devant peser sur l'entreprise Costa, était subrogée dans les droits du département et par là -même bien fondé à opposer à l'assureur de cette entreprise l'absence de précision de l'attestation d'assurance; qu'en décidant au contraire que l'assureur de l'architecte ne bénéficiait pas de la subrogation, la cour d'appel a violé les articles 1251-3° et 1252 du code civil ;
2°/ que commet une faute l'assureur de responsabilité obligatoire d'un constructeur qui délivre une attestation imprécise ne correspondant pas aux activités garanties ; que le maître d'oeuvre ne commet pas de faute en ne relevant pas l'inexactitude de l'attestation délivrée par l'assureur ; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 241-1 du code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la MAF se trouvait, par l'effet du paiement effectué, subrogée dans les droits de son assuré mais non dans ceux du département des Vosges maître de l'ouvrage au titre de la garantie décennale, la cour d'appel, qui n'a pas dit que M. X..., architecte, avait commis une faute, en a exactement déduit qu'elle n'était pas fondée à se prévaloir de l'imprécision de l'attestation d'assurance délivrée par la CAMB à son assuré dans le seul intérêt du maître de l'ouvrage ou de ses ayants droits ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Mutuelle des architectes français à payer à la CAMB la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la Mutuelle des architectes français ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé conformément à l'article 452 du code de procédure civile par M. Cachelot, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, en son audience publique du vingt-cinq février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour la Mutuelle des architectes français
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'action en paiement de la Mutuelle des Architectes Français exercée à l'encontre de la CMABTP, assureur de l'entreprise Costa,
AUX MOTIFS PROPRES QU' il est constant que l'activité «verrières aluminium —menuiseries aluminium» à laquelle ressortissaient les travaux exécutés par l'entreprise COSTA sur le chantier de construction dont s'agit, n'était pas incluse dans les activités que la CAMBTP avait accepté de garantir, de sorte qu'elle est fondée à invoquer une non assurance ; que pour échapper à cette réalité juridique, la MAF, comme en première instance, en se fondant sur l'article 1382 du Code civil, excipe de la faute de la CAMBTP qui en remettant au maître d'ouvrage, par le truchement du maître d'oeuvre, une attestation d'assurance exempte de précisions sur les activités garanties, s'est privée de la possibilité d'opposer à ce titre une non assurance, et ceci d'autant plus qu'ayant indemnisé le maître d'ouvrage, elle se trouve subrogée dans les droits de ce dernier et dispose des recours prévus par l'article 1214 du Code civil ; mais que l'obligation de remettre une attestation précise au titre de l'assurance construction obligatoire a été prévue dans l'intérêt des maîtres d'ouvrage afin de parfaire leur information, dès lors qu'il s'agit d'un élément de nature à influer sur le choix des constructeurs avec lesquels ils entendent contracter ; que cette exigence ne peut donc être invoquée que par le maître de l'ouvrage ou ses éventuels ayants-droit devenus bénéficiaires contractuels des garanties de l'assurance obligatoire ; que la MAF ne justifie pas d'une telle qualité ; que par l'effet de l'indemnisation qu'elle a payée, la MAF se trouve subrogée dans les droits de son assuré mais pas dans ceux du maître d'ouvrage, du fait de la nature quasi-délictuelle du recours qu'elle exerce, son assuré ayant été dépourvu de tout lien contractuel avec l'entreprise Costa ; que le moyen tiré de l'article 1214 du code civil s'avère inopérant alors que la MAF n'a pas été condamnée solidairement à réparer le dommage, faute d'avoir été partie au procès devant le tribunal administratif ; que c'est enfin avec pertinence que la CAMBTP observe qu'en sa qualité de professionnel chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre totale, incluant notamment une obligation d'assistance au maître d'ouvrage profane lors de la conclusion des marchés –phase où l'étendue des garanties d'assurance des constructeurs concurrents est un élément déterminant requérant une attention particulière du maître d'oeuvre–, l'assuré de la MAF, M. X..., était en mesure de remarquer le caractère insuffisamment précis de l'attestation litigieuse, de sorte que la CAMBTP n'a pas commis de faute à son endroit ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE l'assurance de responsabilité des constructeurs a été rendue obligatoire dans l'intérêt des maîtres d'ouvrage ; qu'en l'occurrence il s'agit du département des Vosges ; que par principe l'assureur de l'entreprise Costa, la CAMB, ne pouvait ignorer que l'attestation qu'elle a délivrée le 4 mai 1990 était destinée à informer le client de son assuré, le département des Vosges ; qu'il lui fallait donc être précise ; que l'attestation n'indique pas les activités pour lesquelles elle accordait ses garanties obligatoires à l'entreprise Costa, et par défaut, les activités non garanties ; que si le maître d'ouvrage, soit le département des Vosges, avait subi un préjudice sur la base de cette attestation imprécise, il pouvait exercer un recours à l'encontre de la CAMB, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que le maître d'ouvrage a été indemnisé ; qu'il ne subit plus de préjudice ; que contrairement à ses affirmations, la MAF, assureur du maître d'oeuvre, co-auteur du dommage, n'est pas subrogée dans les droits du maître d'ouvrage, mais uniquement dans les droits de son assuré, à raison du paiement intervenu ; que la MAF ou Monsieur X... ne peuvent agir à l'encontre de l'entreprise Costa ou la CAMB que sur le fondement délictuel ou quasi délictuel ; qu'un tel fondement nécessite préalablement de subir un préjudice ; que la victime d'une attestation éventuellement imprécise ne peut être Monsieur X..., mais le maître d'ouvrage, le département des Vosges ; qu'en effet, l'existence d'une assurance de responsabilité obligatoire peut influer sur le choix des constructeurs et l'attestation est destinée à informer les éventuels bénéficiaires de l'assurance, c'est-à -dire le maître d'ouvrage (et éventuellement l'assurance dommages-ouvrage) ; que les précisions pouvant résulter de l'attestation d'assurance sont utiles lors de la passation des marchés, donc pour le maître d'ouvrage ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré envers le créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette ou partie de celle-ci ; que l'assureur de l'architecte, ayant payé au département des Vosges la part de la condamnation prononcée par le tribunal administratif devant peser sur l'entreprise Costa, était subrogé dans les droits du département et par là -même bien fondé à opposer à l'assureur de cette entreprise l'absence de précision de l'attestation d'assurance ; qu'en décidant au contraire que l'assureur de l'architecte ne bénéficiait pas de la subrogation, la cour d'appel a violé les articles 1251-3° et 1252 du code civil ;
ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, commet une faute l'assureur de responsabilité obligatoire d'un constructeur qui délivre une attestation imprécise ne correspondant pas aux activités garanties ; que le maître d'oeuvre ne commet pas de faute en ne relevant pas l'inexactitude de l'attestation délivrée par l'assureur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L 241-1 du code des assurances.