LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'ayant subi le 30 juin 1993, au sein de la clinique Saint Luc, une opération du genou, suivie le 15 septembre 1993 d'une infiltration péri-articulaire de corticoïdes au niveau du genou gauche, interventions pratiquées par M. X..., médecin, Mme Y... a présenté quelques jours plus tard un sepsis du membre traité, dû à un staphylocoque doré ; qu'elle a recherché la responsabilité de la Polyclinique de Franche-Comté, venant aux droits de la clinique Saint Luc ; que le praticien a été appelé en garantie ;
Attendu que, pour débouter la patiente de ses demandes, l'arrêt retient, en se fondant sur les conclusions de l'expert, qu'il existe un lien direct de cause à effet entre l'infiltration du 15 septembre 1993 et l'apparition du sepsis du genou, qu'il est possible qu'il y ait eu effraction articulaire et contamination lors de cette infiltration, mais qu'il s'agit d'un aléa thérapeutique, sans faute véritable du chirurgien ; que la société Polyclinique de Franche-Comté démontre ainsi que l'affection nosocomiale présentée par Mme Y... procède d'une cause qui lui est étrangère ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat d'hospitalisation et de soins conclu entre le patient et l'établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, la cour d'appel qui ne pouvait retenir comme cause étrangère un risque connu de complication, lié à l'intervention, fût-elle non fautive, du praticien, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le surplus des griefs invoqués :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon, autrement composée ;
Condamne la Polyclinique de Franche Comté aux dépens ;
Condamne la Polyclinique de Franche Comté à payer la somme de 2 990 euros à Mme Y... ; rejette les autes demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour Mme Y....
En ce que l'arrêt attaqué infirme le jugement décidant que Mme Dominique Y... a contracté une infection nosocomiale lors d'un séjour à la clinique Saint-Luc, et condamnant la SA Polyclinique de Franche Comté à réparer le préjudice de Mme Y..., et statuant à nouveau, déboute Mme Dominique Y... de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la SA Polyclinique de Franche-Comté, et la condamne en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs qu'à la suite d'une entorse grave ménisco-ligamentaire interne du genou gauche, Dominique Y... a subi, le 30 juin 1993, une méniscectomie classique par abord transversal interne dudit genou, pratiquée par le Dr X..., au sein de la clinique Saint-Luc à Besançon aux droits de laquelle vient désormais la Sa Polyclinique de Franche-Comté ; que l'intimée a été hospitalisée du 28 juin au 10 juillet 1993, au sein de cet établissement ; que l'expert judiciaire, sans son rapport daté du 15 décembre 1995, note l'absence de toute complication postopératoire ; que le Dr X... a ensuite pratiqué sur la patiente, de manière ambulatoire, deux infiltrations péri-articulaires de corticoïdes, aux environs du 20 juin et du 5 juillet 1993, afin de faciliter la rééducation du genou ; qu'une troisième infiltration péri-articulaire a été réalisée le 15 septembre 1993, de la même manière ; qu'à la suite de cette troisième infiltration, Dominique Y... a présenté un sepsis du genou ; que celle-ci poursuit la responsabilité de la Polyclinique de Franche-Comté, laquelle a appelé en garantie le Dr X... ; que les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, issues de la loi du 3 mars 2002, ne sont pas applicables au présent litige ; qu'en matière d'infection nosocomiale, antérieurement à l'application du texte précité, l'établissement de santé était tenu d'une obligation de sécurité de résultat dont il ne pouvait se libérer qu'en apportant la preuve d'une cause étrangère ; que Maurice X... exerçait son activité libérale au sein de la clinique Saint-Luc, dans les locaux mis à sa disposition par cette dernière ; que l'expert judiciaire conclut que l'intervention et l'hospitalisation de juin 1993 ne prêtent pas à discussion, qualifiant le dossier de la clinique "d'irréprochable" ; que celui-ci ajoute qu'il existe un lien direct de cause à effet entre l'infiltration du 15 septembre 1993 et l'apparition du sepsis du genou ; qu'il est possible, selon lui, qu'il y ait eu effraction articulaire et contamination lors de cette infiltration, mais qu'il s'agit d'un aléa thérapeutique, sans faute véritable du chirurgien ; que la société appelante démontre ainsi que l'affection nosocomiale présentée par Dominique Y... procède d'une cause qui lui est étrangère ;
Alors, d'une part, que l'article L. 1142-1 du Code la santé publique n'étant pas applicable, le contrat d'hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; que la cour d'appel, pour rejeter la demande formée par Mme Dominique Y... contre la SA Polyclinique de Franche-Comté retient que l'expert judiciaire conclut que l'intervention et l'hospitalisation de juin 1993 ne prêtent pas à discussion, qualifiant le dossier de la clinique "d'irréprochable", qu'il ajoute qu'il existe un lien direct de cause à effet entre l'infiltration du 15 septembre 1993 et l'apparition du sepsis du genou, qu'il est possible, selon lui, qu'il y ait eu effraction articulaire et contamination lors de cette infiltration, mais qu'il s'agit d'un aléa thérapeutique, sans faute véritable du chirurgien, et que la société appelante démontre ainsi que l'affection nosocomiale présentée par Dominique Y... procéde d'une cause qui lui était étrangère ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
Alors, d'autre part, que l'aléa thérapeutique, dont les conséquences n'entrent pas dans le champ des obligations dont le médecin est contractuellement tenu, se définit comme étant la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé ; que la cour d'appel, pour rejeter la demande formée par Mme Dominique Y... contre la SA Polyclinique de Franche-Comté, retient que l'expert judiciaire conclut que l'intervention et l'hospitalisation de juin 1993 ne prêtent pas à discussion, qualifiant le dossier de la clinique "d'irréprochable", qu'il ajoute qu'il existe un lien direct de cause à effet entre l'infiltration du 15 septembre 1993 et l'apparition du sepsis du genou, qu'il est possible, selon lui, qu'il y ait eu effraction articulaire et contamination lors de cette infiltration, mais qu'il s'agissait d'un aléa thérapeutique, sans faute véritable du chirurgien, et que la société appelante démontrait ainsi que l'affection nosocomiale présentée par Dominique Y... procédait d'une cause qui lui était étrangère ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que Dominique Y... avait été victime d'une infection nosocomiale, ce qui exclut l'aléa thérapeutique, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Alors enfin que M. Z..., expert judiciaire, note dans son rapport du 15 décembre 1995 : « S'il est probable qu'il y ait un lien de causalité entre l'infiltration et le sepsis du genou, ce que le Dr X... ne paraît pas contester, il s'agit là d'un aléa thérapeutique mais pas de faute de chirurgien. Il y a là responsabilité sans faute », et « le sepsis du genou gauche qu'a présenté Mme Y... trouve très probalement son origine dans l'infiltration péri-articulaire réalisée quelques jours plus tôt par le Dr X... » ; que la cour d'appel, pour rejeter la demande formée par Mme Dominique Y... contre la SA Polyclinique de Franche-Comté, retient que l'expert judiciaire conclut que l'intervention et l'hospitalisation de juin 1993 ne prêtent pas à discussion, qualifiant le dossier de la clinique "d'irréprochable", qu'il ajoute qu'il existe un lien direct de cause à effet entre l'infiltration du 15 septembre 1993 et l'apparition du sepsis du genou, qu'il est possible, selon lui, qu'il y ait eu effraction articulaire et contamination lors de cette infiltration, mais qu'il s'agit d'un aléa thérapeutique, sans faute véritable du chirurgien, et que la société appelante démontre ainsi que l'affection nosocomiale présentée par Dominique Y... procédait d'une cause qui lui est étrangère ; qu'en statuant ainsi, bien que l'expert judiciaire n'ait pas envisagé l'aléa thérapeutique comme une cause étrangère exonératoire de responsabilité, mais comme fondant une responsabilité sans faute, la cour d'appel a dénaturé le rapport, et violé l'article 1134 du code civil.