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13/02/2009 | FRANCE | N°01-85826

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 13 février 2009, 01-85826


Arrêt n° 571 P+B+R+IPourvoi n° K 01-85.826

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par M. Dominique X..., domicilié ..., contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2001 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (7e chambre des appels correctionnels), qui, pour infraction au code de l'urbanisme, l'a condamné à 1 500 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de l'arrêt et sous astreinte, la remise en état des lieux
Par arrêt du 6 mai 2002, la chambre criminelle de la Cour de ca

ssation a rejeté le pourvoi ;
M. X... a saisi la Cour européenne des droits ...

Arrêt n° 571 P+B+R+IPourvoi n° K 01-85.826

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par M. Dominique X..., domicilié ..., contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2001 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (7e chambre des appels correctionnels), qui, pour infraction au code de l'urbanisme, l'a condamné à 1 500 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de l'arrêt et sous astreinte, la remise en état des lieux
Par arrêt du 6 mai 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi ;
M. X... a saisi la Cour européenne des droits de l'homme qui, par arrêt du 10 octobre 2006, a dit qu'il y avait eu violation de l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
A la suite de cet arrêt, M. X... a présenté une requête devant la commission de réexamen d'une décision pénale, tendant au réexamen du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, cette commission a renvoyé l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière ;
Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Balat le 27 décembre 2001 ;
Le rapport écrit de M. André, conseiller, et l'avis écrit de M. Mouton, avocat général, ont été mis à la disposition de Me Balat ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 30 janvier 2009, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mmes Favre, Collomp, MM. Gillet, Pelletier, présidents, M. Peyrat, conseiller doyen, remplaçant M. le président Lacabarats empêché, M. Pluyette, conseiller doyen, remplaçant M. le président Bargue empêché, M. André, conseiller rapporteur, MM. Joly, Cachelot, Lesueur de Givry, Philippot, Mmes Mazars, Lardennois, Perony, M. Falcone, Mme Monéger, M. Gérard, Mme Radenne, conseillers, M. Mouton, avocat général, Mme Tardi, Directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. André, conseiller, assisté de Mme Calvez, auditeur au service de documentation et d'études, les observations de Me Balat, l'avis de M. Mouton, avocat général, auquel Me Balat invité à le faire, a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 10 octobre 2006 ayant dit qu'il y a eu violation de l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale ;
Vu la demande de réexamen, présentée par M. X..., de l'arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2002 ayant rejeté son pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 juillet 2001 l'ayant condamné à une amende de 1 500 000 francs (228 673,52 euros), à la démolition des travaux irrégulièrement exécutés et à la remise en état des lieux sous astreinte de 500 francs (76,22 euros) par jour de retard dans un délai de douze mois à compter de la décision, ainsi qu'à l'affichage de l'arrêt par extrait à la mairie de Cannes durant deux mois, et à sa publication par extrait dans le journal "Nice matin" ;
Vu la décision de la commission de réexamen d'une décision pénale du 17 janvier 2008, saisissant l'assemblée plénière de la Cour de cassation du réexamen du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 421-3, L. 421-9, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3, L. 480-4 et L. 480-5 du code de l'urbanisme, 111-3 et 111-4 du code pénal, 2, 427, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ainsi que des principes de la légalité des délits et des peines et de l'interprétation stricte de la loi pénale :
Vu les articles 111-4 du code pénal et L. 480-4 du code de l'urbanisme ;
Attendu que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'il s'ensuit que la poursuite de travaux malgré une décision de la juridiction administrative prononçant le sursis à exécution du permis de construire n'est pas constitutive de l'infraction de construction sans permis prévue par le second de ces textes ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société civile immobilière Brougham, ayant M. X... pour gérant, a obtenu un permis de construire en vue d'édifier un hôtel ; que, saisie d'une action engagée par une association de défense, la juridiction administrative a ordonné le sursis à exécution dudit permis ; qu'ayant poursuivi la construction de l'hôtel postérieurement à la notification du jugement, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article L. 480-3 du code de l'urbanisme pour avoir exécuté des travaux nonobstant le jugement qui avait ordonné le sursis à exécution du permis de construire délivré ;
Attendu que, pour requalifier les faits et déclarer le prévenu coupable du délit de construction sans permis prévu par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme après avoir constaté que la décision du tribunal administratif n'avait été suivie d'aucun arrêté prescrivant l'interruption des travaux, les juges du second degré retiennent que M. X..., informé de la décision de sursis à exécution par la notification du jugement, était tenu de les interrompre, le permis de construire étant suspendu ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2001, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize février deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. Dominique X....
MOYEN DE CASSATION :
Violation des articles L. 421-1, L. 421-3, L. 421-9, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3, L. 480-4, L. 480-5 et L. 480-7 du code de l'urbanisme, 111-3 et 111-4 du code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
En ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'avoir à Cannes du 25 octobre 1993 au 16 novembre 1993 exécuté des travaux, en l'espèce des travaux de gros oeuvre du 5ème et du 6ème étages et d'aménagement d'un hôtel, sans permis de construire ;
Aux motifs que les juridictions répressives ont le droit et le devoir de caractériser les faits de la prévention sous toutes les qualifications dont ils sont susceptibles ; qu'elles peuvent toujours retenir des qualifications différentes de l'acte de poursuite à la condition toutefois que celles-ci s'appliquent aux faits dont elles sont saisies et ne comportent aucun élément nouveau ; qu'en l'espèce, il est reproché au prévenu d'avoir exécuté des travaux nonobstant le jugement qui avait ordonné le sursis à exécution du permis de construire délivré ; que la citation vise l'article L. 480-3 réprimant l'exécution de travaux malgré un arrêté interruptif de travaux ; que le fait que les travaux aient été poursuivis après le jugement du tribunal administratif, établi par le procès-verbal de l'agent de la mairie et l'expertise n'est pas contesté ; qu'en droit le juge administratif peut décider du sursis à exécution dans toutes les instances en matière d'urbanisme ; que lorsque, tel est le cas d'espèce, la décision en cause est un permis de construire, l'article R. 122 (dans la numérotation en vigueur au moment des faits, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel), prévoit que le jugement prescrivant le sursis à exécution d'une décision administrative est dans les 24 heures notifié aux parties en cause ainsi qu'à l'auteur de cette décision et énonce expressément : "Les effets de ladite décision sont suspendus à partir du jour où son auteur reçoit cette notification" ; que l'article R. 125 précise que le recours devant la cour administrative d'appel n'a pas d'effet suspensif, sauf, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, si la cour en décide autrement ; qu'il s'en déduit qu'à compter de la date de la notification du jugement, soit à compter du 25 octobre 1993, et non à compter du prononcé du jugement, comme l'ont estimé à tort les premiers juges, le prévenu, gérant de la SCI, et à ce titre informé du jugement de sursis à exécution, était tenu d'arrêter les travaux, puisqu'à compter de cette date, le permis de construire était suspendu ; que le fait que ni le maire ni à défaut le représentant de l'Etat dans le département, n'aient cru devoir prescrire par arrêté l'interruption des travaux comme le prévoit l'article L. 480-2, alinéa 10, dans tous les cas de construction sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de juridiction administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution du permis de construire, a seulement pour conséquence que le prévenu ne pouvait être poursuivi et condamné pour construction malgré arrêté interruptif de travaux ; que pour autant l'absence de poursuites à cet égard n'implique nullement que les faits d'exécution de travaux tels que visés à la prévention ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ; qu'en effet les faits commis par le prévenu constituent non le délit prévu par l'article L. 480-3 visé dans la prévention, mais celui d'exécution de travaux sans permis de construire préalable, prévu et réprimé par les articles L. 421-1, L. 480-1, L. 480-4, L. 480-5, alinéas 1 et 2, L. 480-7 du code de l'urbanisme, commis à compter du 25 octobre 1993 jusqu'au 16 novembre 1993 ; que le conseil du prévenu a été invité par le président au cours des débats et de la plaidoirie à s'expliquer sur cette qualification ; qu'il y a lieu de déclarer le prévenu coupable de cette infraction mieux qualifiée ;
Alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le fait de continuer les travaux entrepris malgré une décision du juge administratif ordonnant le sursis à l'exécution du permis de construire, et dont le bénéficiaire a eu connaissance, ne constitue pas une infraction pénale et ne caractérise en particulier ni l'infraction de l'article L. 480-3 du code de l'urbanisme dès lors que l'exécution desdits travaux n'a pas été précédée d'un arrêté du maire ou du préfet prescrivant leur interruption, ni le délit de construction sans permis prévu à l'article L. 480-4 du même code dès lors que la juridiction administrative n'avait pas, au moment de la continuation des travaux, annulé le permis de construire sur le fondement duquel ceux-ci ont été entrepris ; qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance qu'à compter de la notification du jugement ordonnant le sursis à exécution du permis de construire, soit à compter du 25 octobre 1993, le prévenu était tenu d'arrêter les travaux, puisqu'à compter de cette date le permis était suspendu, pour en déduire que faute de l'avoir fait il s'était rendu coupable du délit d'exécution de travaux sans permis de construire préalable, commis en l'espèce du 25 octobre au 16 novembre 1993, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de la légalité criminelle et le principe d'interprétation stricte de la loi pénale, a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 01-85826
Date de la décision : 13/02/2009
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

URBANISME - Permis de construire - Construction non conforme - Permis de construire suspendu - Défaut d'arrêté prescrivant l'interruption des travaux - Construction sans permis (non)

LOIS ET REGLEMENTS - Interprétation - Loi pénale - Interprétation stricte - Construction malgré un permis de construire suspendu - Défaut d'arrêté prescrivant l'interruption des travaux - Construction sans permis (non)

La loi pénale étant d'interprétation stricte, il s'ensuit que la poursuite de travaux, malgré une décision de la juridiction administrative prononçant le sursis à exécution du permis de construire mais non suivie d'un arrêté prescrivant l'interruption des travaux, n'est pas constitutive de l'infraction de construction sans permis prévue par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme


Références :

articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale

article 111-4 du code pénal

article L. 480-4 du code de l'urbanisme

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 juillet 2001

En sens contraire :Crim., 6 mai 2002, pourvoi n° 01-85826, Bull. crim. 2002, n° 101 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 13 fév. 2009, pourvoi n°01-85826, Bull. civ. criminel 2009, Assemblée plénière, N° 1
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2009, Assemblée plénière, N° 1

Composition du Tribunal
Président : M. Lamanda (premier président)
Avocat général : M. Mouton
Rapporteur ?: M. André, assisté de Mme Calvez, auditeur
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:01.85826
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