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14/01/2009 | FRANCE | N°08-81636

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 2009, 08-81636


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 2008, qui, dans la procédure suivie contre Monique X..., épouse Y..., Jean-Jacques Y..., Gwendoline Y... et la société civile d'exploitation viticole Jean-Jacques Y..., des chefs d'infractions à la législation sur les contributions indirectes et à la réglementation sur l'organisation et l'assainissement du m

arché du vin, a prononcé la nullité des poursuites ;
La COUR, statu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 2008, qui, dans la procédure suivie contre Monique X..., épouse Y..., Jean-Jacques Y..., Gwendoline Y... et la société civile d'exploitation viticole Jean-Jacques Y..., des chefs d'infractions à la législation sur les contributions indirectes et à la réglementation sur l'organisation et l'assainissement du marché du vin, a prononcé la nullité des poursuites ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 décembre 2008 où étaient présents : M. Pelletier président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Desgrange, Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit conseillers de la chambre, Mmes Slove, Leprieur, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAZEAU ;
Sur sa recevabilité du pourvoi, contestée en défense :
Attendu qu'il résulte de la déclaration de pourvoi que celui-ci a été formé par un inspecteur régional des douanes, chef du service de la viticulture, sur instruction du chef de l'agence de poursuites et de recouvrement près la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ; qu'en cet état et contrairement à ce qui est soutenu, l'auteur du pourvoi n'était pas tenu de produire un mandat spécial ;
Que, dès lors, le pourvoi est recevable ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 189, L. 236 et L. 238 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrite l'action de la direction générale des douanes et droits indirects et annulé, en conséquence, la procédure engagée à l'encontre des prévenus ;
"aux motifs propres que l'article L. 236 du livre des procédures fiscales prévoit que le point de départ du délai de trois ans au cours duquel la citation doit être délivrée est la date du procès-verbal constatant l'infraction ; que son inobservation est sanctionnée par la nullité de la procédure ; que ce délai n'est donc pas un délai de prescription de droit commun susceptible d'interruption ; qu'en l'espèce, le procès-verbal d'intervention dressé le 1er juillet 2003, en application des dispositions de l'article L. 34 visant les opérations de vérification et concluant « chaque intervention fait l'objet d'un procès-verbal relatant les opérations effectuées, dont copie est transmise à l'occupant des locaux contrôlés », est un procès-verbal de constatation au sens de l'article L. 236 ; qu'en effet, il relate l'intégralité des opérations, constatations et auditions, et conclut à un excédent de 481,10 hl de vins dont Jean-Jacques Y... déclare qu'ils proviennent de dépassements de plafonds de limite de classement et à un excédent de stock de sucre non déclaré de 2 179 kg, également reconnu ; qu'en revanche, le procès-verbal dressé le 23 novembre 2003 n'apporte pas d'éléments nouveaux suffisants pour considérer qu'il s'agit du procès-verbal de constatation ; qu'ainsi, le premier juge a retenu, à juste titre, qu'au moment de la délivrance de la citation, le 17 août 2006, le délai légal était écoulé (…) (arrêt, p. 7, § 2) ;
"et aux motifs adoptés que l'article L. 236 du livre des procédures fiscales dispose que « la personne qui fait l'objet de poursuites devant le tribunal correctionnel en est informée par la citation prévue par l'article 550 du code de procédure pénale ; celle-ci peut être faite soit par les huissiers de justice, soit par les agents de l'administration ; la citation doit être délivrée dans le délai de trois ans à compter de la date du procès-verbal constatant l'infraction ; toutefois, lorsque la personne est en état d'arrestation, la citation doit être faite dans le délai d'un mois à partir de l'arrestation ; l'inobservation de ces délais entraîne la nullité de la procédure » ; que les contraventions en matière de contributions indirectes doivent obligatoirement être constatées par un procès-verbal de saisie, élément à la fois nécessaire de preuve de l'infraction et acte initial de la poursuite ; qu'il résulte de la jurisprudence en la matière, produite par les parties notamment, qu'il suffit qu'un procès-verbal constate l'existence d'un excédent pour qu'il réponde aux exigences posées par la loi ; qu'ainsi, un procès-verbal de prélèvement d'échantillon relatant que le vin a été reconnu surplâtré constitue un procès-verbal aux fins fiscales susceptible de servir de base à l'action de l'administration sous réserve qu'elle soit exercée dans le délai fixé pour délivrer la citation ou assignation ; que le délai de trois ans fixé à l'article L. 236 cité commence à courir à compter du lendemain de la date du procès-verbal, de constatation de l'infraction ; qu'il résulte de l'examen du procès-verbal du 1er juillet 2003 dénommé « procès-verbal d'intervention», qu'ont été constatées à l'occasion de celui-ci tant l'existence d'excédents de vins comme de sucre non déclarés que leur saisie, de même qu'ont été constatés les aveux des Y... ; que sans aucune équivoque possible, ce procès-verbal du 1er juillet 2003 a constaté la réunion de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que l'administration des douanes conteste d'autant moins cette analyse qu'elle précise dans les écritures adressées en vue de l'audience du 7 novembre 2006 (page 5 avec renvoi n 7) comme dans ses conclusions complémentaires adressées en vue de l'audience du 30 janvier 2007 (page 3) , que "les agents ont déclaré procès-verbal des infractions ainsi constatées et saisie des vins et sucre non déclarés", ce, par procès-verbal, du 1er juillet 2003 ; qu'à l'instar des dispositions en matière pénale et de procédure pénale, les dispositions fiscales de nature pénale doivent être d'interprétation stricte ; qu'il en résulte que, dès le 1er juillet 2003, les agents des douanes ont procédé à la saisie des produits non déclarés et à la constatation des infractions par procès-verbal rédigé contradictoirement ; que le procès-verbal rédigé ultérieurement, le 26 novembre 2003, n'a eu pour objet que de notifier aux consorts Y... les infractions antérieurement constatées le 1er juillet 2003 ; qu'en l'absence de poursuite purement pénale à laquelle serait jointe l'action douanière, l'établissement de ce procès-verbal de notification, qui n'est, pour sa part, soumis à aucun délai, intervenu le 26 novembre 2003, ne saurait avoir pour effet de suspendre ou interrompre le délai de forclusion imparti par l'article L. 236 du livre des procédures fiscales, qui revêt un caractère préfix ; que, dans ces conditions, il est suffisamment établi que les infractions ayant été constatées par procès-verbal, dès le 1er juillet 2003, la citation délivrée à l'initiative de l'administration des douanes devait intervenir avant le 2 juillet 2006 ; qu'ayant été délivrée le 17 août 2006, soit au-delà du délai de trois ans fixé par les dispositions de cet article L. 236 du livre des procédures fiscales, il convient, par application de ces mêmes dispositions et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la seconde exception soulevée, de déclarer forclose l'action de l'administration des douanes engagée devant le tribunal correctionnel et en conséquence de constater la nullité de la procédure (…) (jugement, p 8, 9 et 10§1) ;
"alors que, premièrement, quand bien même les agents auraient constaté des infractions en relatant dans le procès-verbal établi conformément à l'article L. 34 du livre des procédures fiscales les opérations effectuées le 1er juillet 2003 dans un procès-verbal de la même date, les agents étaient autorisés à dresser un procès-verbal constatant les infractions, à la date du 26 novembre 2003, peu important l'intervention d'un procès-verbal à la date du 1er juillet 2003, et ce procès-verbal du 26 novembre 2003 emportait effet interruptif ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement et en toute hypothèse, dès lors que le procès-verbal du 26 novembre 2003 avait entre autres pour objet de consigner les opérations relatives à l'audition des prévenus à la date du 26 novembre 2003, le procès-verbal du même jour devait en tout état de cause être retenu comme valant effet interruptif ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
"alors que, troisièmement, non seulement le procès-verbal du 26 novembre 2003 avait pour objet de constater les infractions ou de consigner l'audition des prévenus, mais il avait également pour objet de notifier aux prévenus les infractions constatées ; que, de ce point de vue encore, le procès-verbal du 26 novembre 2003 avait un effet interruptif ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont de nouveau violé les textes susvisés ;
"alors que, quatrièmement, faute d'avoir recherché si la convocation des prévenus, en vue de leur audition, préalablement à l'audition du 26 novembre 2003, ne constituait pas un événement interruptif, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs ;
"alors que, cinquièmement, faute d'avoir recherché si les investigations effectuées par l'administration entre le 1er juillet 2003 et le 26 novembre 2003 pour conforter les constatations précédemment opérées, et notamment les investigations effectuées auprès d'entreprises fournissant du sucre aux prévenus, n'avaient pas eu d'effet interruptif, les juges du fond ont de nouveau entaché leur décision d'une insuffisance de motifs" ;
Vu l'article L. 236 du livre des procédures fiscales, ensemble les articles 7 et 8 du code de procédure pénale ;
Attendu que le délai triennal prévu par l'article L. 236 précité est un délai de prescription, susceptible d'être interrompu par tout acte d'instruction ou de poursuite ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué qu'autorisés à procéder à des visites domiciliaires par ordonnances du 11 juin 2003 et exerçant les pouvoirs qu'ils tiennent de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, des agents des douanes ont procédé au contrôle des chais, entrepôts et locaux exploités par la société Jean-Jacques Y..., viticulteur en zone d'appellations d'origine contrôlée ; qu'ils ont rapporté leurs opérations dans un procès-verbal, dit "d'intervention", établi le 1er juillet 2003 ; que, par procès-verbal dressé le 26 novembre 2003, ces agents ont notifié les infractions relevées, ainsi que la saisie réelle des quantités fraudées, tant à la société qu'à ses gérants, dont ils ont consigné les observations ; que, sur le fondement de ce procès-verbal, annexé aux citations délivrées par huissier de justice le 17 août 2006, la société et ses gérants sont poursuivis, au titre des campagnes 2001 et 2002, pour fausses déclarations de récoltes et de stocks, pour défaut d'envoi à la distillation des quantités excédant le plafond limite de classement en appellation contrôlée, pour détention irrégulière de sucre et pour circulation de vin sans titre de mouvement ;
Attendu que, pour prononcer la nullité des poursuites, l'arrêt énonce, notamment, que le délai triennal prévu par l'article L. 236 du livre des procédures fiscales, dont l'inobservation entraîne la nullité de la procédure, n'est pas un délai de prescription susceptible d'interruption ; que les juges retiennent que le procès-verbal d'intervention dressé le 1er juillet 2003, en application des dispositions de l'article L. 34 du même livre, est un procès-verbal de constatation au sens de l'article L. 236 précité ; qu'ils ajoutent que celui, établi le 23 novembre 2003, n'apporte pas d'éléments nouveaux suffisants qui permettraient de considérer qu'il s'agit du procès-verbal de constatation ; que les juges en déduisent qu'à la date de délivrance de la citation, le 17 août 2006, le délai légal était expiré ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'un nouveau délai courait à compter de la date du procès-verbal régulièrement établi le 26 novembre 2003, acte de poursuite interruptif du délai de prescription, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 17 janvier 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de LYON, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de BOURGES et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze janvier deux mille neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-81636
Date de la décision : 14/01/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Prescription - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite

Le délai triennal prévu par l'article L. 236 du livre des procédures fiscales est un délai de prescription, susceptible d'être interrompu par tout acte d'instruction ou de poursuite. Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour prononcer la nullité des poursuites, énonce que le délai triennal prévu par l'article L. 236 du livre des procédures fiscales n'est pas un délai de prescription susceptible d'interruption et retient qu'un procès-verbal de notification d'infractions, dressé moins de trois ans avant la date des citations, n'a pas constaté les infractions, alors qu'un nouveau délai courait à compter de la date de ce procès-verbal régulièrement établi


Références :

article L. 236 du livre des procédures fiscales

articles 7 et 8 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 17 janvier 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jan. 2009, pourvoi n°08-81636, Bull. crim. criminel 2009, N° 16
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, N° 16

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : M. Lucazeau
Rapporteur ?: M. Rognon
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.81636
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