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08/01/2009 | FRANCE | N°08-14127

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 janvier 2009, 08-14127


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 26, 27 et 28 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre Il du code de procédure civile, les actions intentées devant les cours d'appel sont formées conformément aux dispositions des articles 27 à 35 du même décret ; que, selon le deuxième, lorsque la déclaration écrite du demandeur exerçant devant la cour d'appel une action cont

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 26, 27 et 28 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre Il du code de procédure civile, les actions intentées devant les cours d'appel sont formées conformément aux dispositions des articles 27 à 35 du même décret ; que, selon le deuxième, lorsque la déclaration écrite du demandeur exerçant devant la cour d'appel une action contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) ne contient pas l'exposé des motifs invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration, à peine d'irrecevabilité de la demande ; que, selon le troisième, les pièces et documents justificatifs produits par le demandeur doivent être mentionnés dans la déclaration ou dans l'exposé des motifs et doivent être remis au greffe de la cour d'appel en même temps que cette déclaration ou cet exposé des motifs ; qu'il s'ensuit que sont irrecevables les pièces et documents justificatifs du demandeur qui n'ont pas été déposés au greffe en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs ou qui ont été déposés postérieurement au délai d'un mois prescrit ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Abdelkader X..., atteint d'un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 28 février 2005 est décédé le 24 décembre suivant à l'âge de 53 ans ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ayant reconnu cette maladie et ce décès comme imputables à l'inhalation de poussières d'amiante, les ayants droit, Mme Fatima Y..., veuve X..., à titre personnel et en qualité de représentant légal de MM. Hakim, Badr et Karim X... et de Mlle Ouafae X..., Mme Z..., Mme A..., Mme Yamna B..., épouse X..., M. et Mme Z..., en qualité de représentants légaux de Mlle Yasmina Z... et M. Yassine Z..., M. Farid X..., et M. et Mme A..., en qualité de représentants légaux de Mlle Fatima Zahra A... (les consorts X...) ont saisi d'une demande d'indemnisation le Fonds ; que refusant l'offre du Fonds, les consorts X... ont saisi la cour d'appel d'un recours en indemnisation ;
Attendu que pour déclarer recevables les pièces n° 35 et 36 des consorts X... et statuer sur leur demande d'indemnisation du préjudice d'assistance d'une tierce personne, l'arrêt retient que si l'article 27 du décret impose à peine d'irrecevabilité de la demande, que l'exposé des motifs invoqués soit déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration de recours, cette irrecevabilité n'est pas expressément étendue au dépôt de pièces justificatives ; que ce dépôt est régi par l'article 28 du décret qui prescrit la remise au greffe en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs des pièces et documents justificatifs ; que ce texte ne prévoit cependant expressément ni l'irrecevabilité de la procédure limitée par l'article 27 au dépôt de l'exposé des motifs, ni l'irrecevabilité des pièces qui auraient été omises jusqu'alors ; que si le Fonds n'a pas produit en l'espèce des pièces en réponse aux prétentions des requérants, il invoque l'avis de son médecin-conseil et s'expose à devoir en justifier si son adversaire l'exige ; qu'à partir du moment où il met -ou peut mettre- dans le débat un nouvel élément d'appréciation, il n'est plus concevable d'interdire aux requérants de répliquer en complétant ses justificatifs par des éléments nouveaux ; qu'une telle position reviendrait à vider le principe de contradiction de toute réalité ; que le cas d'espèce illustre cette situation ; que les pièces litigieuses concernent la question de l'assistance par une tierce personne ; que le Fonds avait omis ce poste de préjudice dans son offre initiale alors que la pathologie de Abdelkader X... aurait dû l'inciter à s'interroger sur cette nécessité ; qu'en effet, après avoir écarté les pièces 35 et 36 qu'il estime irrecevables, le Fonds a quand même obtenu de son médecin-conseil une évaluation du temps passé par une tierce personne à soigner Abdelkader X... ; qu'il cite cette estimation dans ses conclusions ; que la nécessité de l'assistance d'une tierce personne résultait donc des pièces initialement communiquées ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les dispositions réglementaires discutées fixant en droit interne les conditions de recevabilité du recours devant la cour d'appel et l'admissibilité des preuves ne méconnaissent pas les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard du droit à un procès équitable, d'autre part, qu'il résultait de ses constatations que les pièces n° 35 et 36 des consorts X... avaient été déposées au greffe postérieurement au délai d'un mois imparti, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit les pièces 35 et 36 recevables et a condamné le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à payer à la succession d'Abdelkader X... la somme de 9 600 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne, l'arrêt rendu le 28 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me LE PRADO, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR dit les pièces 35 et 36 recevables, et condamné, en conséquence, le FIVA à payer aux consorts X... diverses indemnités, notamment au titre de l'assistance d'une tierce personne ;
AUX MOTIFS QUE « le FIVA estime que l'article 28 du décret du 23 octobre 2001 impose que les pièces et documents produits par le demandeur soient remis au greffe de la cour en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs, c'est à dire dans le mois qui suit la déclaration ; qu'il soutient que ce texte combiné avec l'article 27 relatif à la saisine de la cour impose le rejet de toutes les pièces et documents produits après l'expiration du délai d'un mois qui suit l'enregistrement de la contestation ; qu'il est constant que les pièces n° 35 et 36 produites par les consorts X..., l'ont été après l'expiration de ce délai ; que le FIVA soutient donc qu'elles sont irrecevables et invoque un arrêt rendu en ce sens par la 2eme chambre civile de la Cour de cassation le 13 septembre 2007 ; que l'article 26 du décret ne déroge expressément qu'aux dispositions du titre VI du livre Il du nouveau Code de procédure civile concernant la déclaration et les conclusions d'appel ainsi que les convocations ; que cette partie du nouveau Code de procédure civile ne concerne pas l'administration de la preuve et la communication des pièces qui restent soumis au droit commun ; que si l'article 27 du décret impose à peine d'irrecevabilité de la demande, que l'exposé des motifs invoqués soit déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration d'appel, cette irrecevabilité n' est pas expressément étendue au dépôt des pièces justificatives ; que ce dépôt est régi par l'article 28 du décret qui prescrit la remise au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs des pièces et documents justificatifs ; que ce texte ne prévoit cependant expressément ni l'irrecevabilité de la procédure limitée par l'article 27 au dépôt de l'exposé des motifs, ni l'irrecevabilité des pièces qui auraient été omises jusqu'alors ; que la cour statuant sur l'appréciation que le FIVA a pu faire des droits de la personne contaminée, voire de ses héritiers sur la base des pièces que l'un ou les autres ont pu lui communiquer pour soutenir leur requête, l'irrecevabilité pourrait se comprendre quand la communication de nouveaux documents justifie des prétentions qui ne se rattachent par aucun lien avec les éléments soumis à l'examen du Fond ; qu'elle concerne alors la demande et non ses justificatifs ; qu'il en va différemment quand les documents produits ne viennent que soutenir les prétentions qui se dégagent des pièces initialement soumises au FIVA ; que conformément au droit au procès équitable posé par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui suppose la possibilité raisonnable d'exposer le bien fondé de sa cause devant le juge et aux articles 9, 10 et 11 du Code de procédure civile auxquels les articles 27 et 28 du décret ne dérogent pas, les parties peuvent prouver le bien-fondé de leur demande par tout moyen de preuve légal, le juge pouvant également ordonner d'office toutes mesures d'information légalement admissibles, peu important que toutes les pièces utiles aient été ou non communiquées lors de la procédure initiale devant le Fonds dès lors que le principe du contradictoire a été respecté devant le juge ; que si le FIVA n'a pas produit en l'espèce des pièces en réponse aux prétentions du requérant, il invoque l'avis de son médecin conseil et s'expose à devoir en justifier si son adversaire l'exige ; qu'à partir du moment où il met, ou peut mettre, dans le débat un nouvel élément d'appréciation, il n'est plus concevable d'interdire au requérant de répliquer en complétant ses justificatifs par des éléments nouveaux ; qu'une telle position reviendrait à vider le principe de contradiction de toute réalité ; que le cas d'espèce illustre cette situation ; que les pièces litigieuses concerne la question de l'assistance par une tierce personne ; que le FIVA avait omis ce poste de préjudice dans son offre initiale alors que la pathologie de Monsieur X... aurait du l'inciter à s'interroger sur cette nécessité ; qu'en effet, après avoir écarté les pièces 35 et 36 qu'il estime irrecevable, le FIVA a quand même obtenu de son médecin conseil une évaluation du temps passé par une tierce personne à soigner Monsieur X... ; qu'il cite cette estimation dans ses conclusions ; que la nécessité de l'assistance par une tierce personne résultait donc des pièces initialement communiquées ; que l'irrecevabilité soutenue par le FIVA apparaît alors comme un artifice de procédure destiné à priver les requérants du bénéfice de la contradiction et à compliquer la mise en oeuvre des droits que les individus contaminés par l'amiante tirent de la loi dans une perspective purement comptable ; que les pièces communiquées postérieurement à l'expiration du délai d'un mois après l'enregistrement de la contestation sont donc recevables ; que, au fond, Monsieur X... est décédé dix mois après le diagnostic du cancer posé le 28 février 2005 ; que son état s'est brutalement dégradé au mois de juillet 2005 (hospitalisation pour dyspnée et asthénie) ; qu'il a été hospitalisé pour la dernière fois le 7 novembre 2005 et qu'il est décédé un mois et demi après ; que la Cour estime disposer de précisions suffisantes pour fixer le temps de travail nécessaire à l'assistance de Monsieur X... à 200 heures pour le premier stade de la maladie et 600 pour le second, soit 9.600 à raison de 800 heures rémunérées 12 l'heure » ;
1 °/ ALORS, d'une part, QUE, selon l'article 26 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre I l du code de procédure civile, les actions intentées devant les Cours d'appel sont formées conformément aux dispositions des articles 27 à 35 ; selon l'article 27 du même décret, lorsque la déclaration formée par le demandeur exerçant devant la Cour d'appel une action contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ne contient pas l'exposé des motifs invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration, à peine d'irrecevabilité de la demande ; que selon l'article 28 du même décret, les pièces et documents sont remis au greffe de la Cour d'appel en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour refuser d'écarter des débats les pièces n° 35 et 36, dont elle constatait pourtant qu'elles avaient été communiquées postérieurement à l'expiration du délai d'un mois après l'enregistrement de la contestation, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE, si l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telles, matière qui relève au premier chef du droit interne ; selon l'article 26 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre Il du Code de procédure civile, les actions intentées devant les cours d'appel sont formées conformément aux dispositions des articles 27 à 35 ; selon l'article 27 du même décret, lorsque la déclaration formée par le demandeur exerçant devant la Cour d'appel une action contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ne contient pas l'exposé des motifs invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration, à peine d'irrecevabilité de la demande ; que selon l'article 28 du même décret, les pièces et documents sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs ; qu'en se fondant cependant sur cette disposition, pour refuser de faire application des conditions posées à la recevabilité des pièces invoquées à l'appui du recours juridictionnel formé à l'encontre de l'offre présentée par le FIVA, sans caractériser que la procédure dans son ensemble aurait été inéquitable, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 08-14127
Date de la décision : 08/01/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

FONDS DE GARANTIE - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - Victime de l'amiante - Action en justice contre le fonds - Modalités - Saisine de la cour d'appel - Demande - Pièces justificatives - Recevabilité - Condition - Dépôt au greffe des pièces et documents justificatifs du demandeur - Moment - Détermination - Portée

Dans les actions intentées contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante devant les cours d'appel, il résulte des dispositions des articles 26, 27 et 28 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, qui ne méconnaissent pas les exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les pièces et documents justificatifs du demandeur qui n'ont pas été déposés au greffe en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs ou qui ont été déposés postérieurement au délai d'un mois qui suit le dépôt de la déclaration, sont irrecevables


Références :

articles 26, 27 et 28 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 février 2008

Sur les conditions de recevabilité des pièces justificatives fournies à l'appui d'une action en justice contre le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, à rapprocher :2e Civ., 15 mars 2007, pourvoi n° 06-16991, Bull. 2007, II, n° 69 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 jan. 2009, pourvoi n°08-14127, Bull. civ. 2009, II, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, II, n° 2

Composition du Tribunal
Président : M. Gillet
Avocat général : Mme de Beaupuis
Rapporteur ?: M. Bizot
Avocat(s) : Me Balat, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.14127
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