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16/12/2008 | FRANCE | N°08-10460

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2008, 08-10460


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ocean Reefer Containers Associates Lines NV (la société Orca), opérateur de transport maritime, a émis, le 25 mars 2003, un connaissement pour le transport, de bout en bout, d'un conteneur, à partir de Nairobi jusqu'à Marseille, sur le navire Delmas Mascareignes, la société Dole France (la société Dole) y figurant comme destinataire ; que la société Deutsche Afrika Linien GmbH et Co (la société DAL) a émis, le 28 mars 2003, un autre connaissement pour

le transport de plusieurs conteneurs, dont celui visé dans le premier con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ocean Reefer Containers Associates Lines NV (la société Orca), opérateur de transport maritime, a émis, le 25 mars 2003, un connaissement pour le transport, de bout en bout, d'un conteneur, à partir de Nairobi jusqu'à Marseille, sur le navire Delmas Mascareignes, la société Dole France (la société Dole) y figurant comme destinataire ; que la société Deutsche Afrika Linien GmbH et Co (la société DAL) a émis, le 28 mars 2003, un autre connaissement pour le transport de plusieurs conteneurs, dont celui visé dans le premier connaissement, à partir de Mombasa jusqu'au port de Marseille, ni la société Dole, ni la société Kenya Horticultural Exporters n'étant mentionnées audit connaissement dans lequel étaient insérées une clause attribuant la compétence territoriale aux tribunaux de Hambourg et une clause soumettant tout litige au droit allemand ; que des avaries à la cargaison ayant été constatées à la livraison, la société Dole et la société Kenya Horticultural Exporters ont assigné la société Orca, la société DAL et le capitaine du navire Delmas Mascareignes en réparation de leur préjudice devant le tribunal de commerce de Marseille ; que la société Orca a appelé en intervention forcée la société DAL ; que le tribunal de commerce de Marseille ayant retenu sa compétence, la société Orca et la société DAL ont formé contredit ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 23 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
Attendu qu'une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur et insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard du tiers porteur du connaissement pour autant que, en l'acquérant, il ait succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable ; que dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement à la clause, au regard des exigences de l'article 23 du règlement susvisé ;
Attendu que pour rejeter le contredit de la société DAL ayant pour objet l'action formée par la société Dole, l'arrêt retient que la clause attributive de compétence territoriale insérée au connaissement émis par la société DAL est inopposable à la société Dole qui ne figure sur le connaissement en aucune qualité et qui, destinataire réel, n'a pas accepté de manière spéciale ladite clause ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait, préalablement, de rechercher, si, selon le droit national applicable, la société Dole avait succédé aux droits et obligations du chargeur au regard du connaissement émis le 28 mars 2003, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la clause soumettant au droit allemand les litiges à naître insérée au connaissement émis par la société DAL est inopposable à la société Dole qui ne figure sur le connaissement en aucune qualité et qui, destinataire réel, n'a pas accepté de manière spéciale ladite clause ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que pour vérifier si la société Dole avait succédé aux droits et obligations du chargeur au regard du connaissement émis le 28 mars 2003 par la société DAL, elle devait déterminer la loi applicable au contrat de transport, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que le chef de l'arrêt attaqué par le second moyen se rattache par un lien de dépendance nécessaire au chef qui rejette le contredit de la société DAL ayant pour objet l'action formée contre elle par la société Orca ; que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence l'annulation du chef attaqué par le second ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les sociétés Dole France, Ocean Reefer Container Lines BV et Kenya Horticultural Exporters aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me LE PRADO, avocat aux Conseils pour la société Deutsche Afrika Linien GmbH et Co
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, en confirmant le jugement, décidé que le Tribunal de commerce de MARSEILLE était territorialement compétent pour connaître de la demande formée par la société DOLE FRANCE à l'encontre de la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et CO (DAL) ;
AUX MOTIFS QUE « la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, « originelle » est applicable de prime abord aux transports maritimes internationaux litigieux dès lors que les deux connaissements ont été créés au Kenya qui est « un des États contractants » de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, « originelle » et qui ne l'a pas dénoncée, même s'il a par ailleurs et ultérieurement ratifié les Règles de Hambourg ; que la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, « originelle » ne contient aucune disposition relative à la compétence des juridictions appelées à statuer sur la responsabilité des transporteurs maritimes et ne prohibe pas en matière de compétence juridictionnelle la conclusion de clauses dérogeant au droit commun ; que s'agissant d'un litige opposant des ressortissants de l'Union Européenne, il convient d'examiner si les dispositions du Règlement CE N° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale reçoivent une application exclusive des règles de droit national ; que, sur l'exception d'incompétence soulevée par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV que le connaissement émis, le 25 mars 2005, par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV comporte une clause figurant à son recto, parfaitement lisible sur l'exemplaire photocopié produit au débat par le transporteur maritime, prévoyant que les litige seraient régis par la loi belge et attribuant compétence aux Tribunaux d'Anvers ; qu'une telle clause est régulière quant à sa forme ; que l'article 23 1. c) du Règlement européen admet, si l'une au moins des parties a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, les prorogations de compétence territoriale pour connaître des litiges à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé ; que des « conventions attributives de juridiction » doivent, pour ce faire, avoir été conclues « dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée » ; que la compétence de la juridiction désignée devient alors exclusive ; qu'en l'espèce une clause attributive de compétence territoriale au profit des Tribunaux d'Anvers a été insérée dans le connaissement émis par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV ; que cependant elle n'est pas opposable à la S.A.S. DOLE FRANCE ; qu'en effet, le chargeur, lors de la conclusion du contrat de transport maritime, ne représente pas le destinataire ; qu'il s'ensuit que s'il peut être réputé que le chargeur, en l'occurrence la société KENYA HORTICULTURAL EXPORTERS, a accepté la clause, son acceptation ne vaut pas pour le destinataire, la S.A.S. DOLE FRANCE, que le chargeur ne représentait pas ; qu'il ne peut être tiré d'un usage généralisé dans la branche d'activité considérée que le consentement de la S.A.S. DOLE FRANCE, partie contractante au connaissement litigieux la désignant comme destinataire des marchandises et contenant la clause attributive de juridiction, a été donné ; que le destinataire doit spécialement accepter la clause attributive de compétence, au plus tard, au moment où, recevant livraison de la marchandise, il adhère au contrat de transport ; que cette acceptation ne résulte pas du seul accomplissement sans réserves à cet égard du connaissement ; que l'invocation de la jurisprudence communautaire selon laquelle l'existence de l'usage généralement et régulièrement suivi en ce qui concerne les clauses attributives de compétence territoriale insérées dans les contrats de transport maritime et sa connaissance par les parties contractantes doivent être appréciées au regard du chargeur et du destinataire, tous deux parties contractantes, est inopérante ; que, enfin, la S.A.S. DOLE FRANCE n'a pas succédé aux droits du chargeur, la société KENYA HORTICULTURAL EXPORTERS ensuite de « la cession de droit » intervenue entre elles, le 20 mars 2006, dès lors que la S.A.S. DOLE FRANCE agit en vertu de son droit propre de destinataire réel de la marchandise en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la mauvaise exécution du contrat de transport maritime ; que cette « cession de droit » ne peut concerner le droit personnel d'agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle, que la S.A.S. DOLE FRANCE tenait du contrat de transport tripartite ; qu'au surplus, la clause attributive de compétence territoriale insérée au connaissement émis par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV et considérée dans l'ensemble indissociable de ses dispositions est nulle comme potestative ; qu'en effet la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV a imposé une clause de juridiction lui permettant, et à elle seule, à son entière convenance et dans son intérêt exclusif, de saisir une autre juridiction que celles d'Anvers qui avaient été désignées et étaient obligatoires pour les parties, même s'il s'agit de la juridiction du lieu où le « Merchant » a des biens et/ou un domicile ; qu'en l'absence de clause attributive de compétence territoriale valable et/ou opposable à la S.A.S. DOLE FRANCE, il convient d'appliquer l'article 5 1) b du Règlement CE qui dispose qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre Etat membre en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, précision étant donnée que le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base de la demande est pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été fournis ; qu'en l'espèce, en vertu du contrat de transport, la livraison des marchandises a été effectuée à Marseille, lieu où les avaries ont été effectivement constatées ; que le Tribunal de commerce de Marseille était bien compétent pour connaître de la demande en réparation fondée sur le contrat de transport maritime, intentée par la S.A.S. DOLE FRANCE, destinataire des marchandises ; que sur l'exception d'incompétence soulevée par la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et CO que la clause attributive de compétence territoriale insérée au connaissement émis, le 28 mars 2003, par la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et CO est inopposable à la S.A.S. DOLE FRANCE qui ne figure sur la connaissement en aucune qualité et qui, destinataire réel, n'a pas accepté de manière spéciale ladite clause, pas plus celle soumettant au droit allemand les litiges à naître (cf. motivation ci-dessus) ; que le Tribunal de commerce de Marseille est compétent pour connaître de la demande en réparation formée contre la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et CONNAISSEMENT, comme de l'appel en garantie formée par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV à rencontre de la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et CO en application de l'article 6 2) du Règlement CE ; que la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et Co « personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre » en Allemagne, s'agissant d'une demande en garantie émanant de la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV, peut être attraite en France devant le Tribunal de Marseille saisi par la S.A.S. DOLE FRANCE d'une demande originaire en réparation fondée sur des faits uniques (transport maritime effectué en « sous-traitance ») ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire juger les instances ensemble pour éviter des décisions qui pourraient être contradictoires ; que le jugement mérite confirmation pour les motifs différents exposés ci-dessus et ceux utiles et non contraires des premiers juges, sauf à préciser que la clause attributive de compétence territoriale insérée dans le connaissement émis par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV n'est pas opposable à la S.A.S. DOLE FRANCE » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE, une clause attributive de juridiction dans un contrat maritime international fait partie de l'économie de la convention, de sorte qu'elle s'impose au destinataire de la marchandise ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE, par l'arrêt CORECK du 9 novembre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit qu'une clause attributive de juridiction, qui a été convenue entre un transporteur et un chargeur et qui a été insérée dans un connaissement, produit ses effets à l'égard du tiers porteur du connaissement pour autant qu'il a donné son consentement à ladite clause au regard des exigences de l'article 17, premier alinéa, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, modifiée, devenu l'article 23 du Règlement (CE) n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, c'est-à-dire dans le commerce international sous une forme admise par les usages en ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître ; que la stipulation au connaissement, dans le commerce maritime international, d'une clause attributive de juridiction, correspond à une forme admise par les usages et que les parties, professionnelles en la matière, connaissent nécessairement ; qu'il en résulte que le destinataire réel de la marchandise, en sa qualité de professionnel en la matière, est réputé avoir eu connaissance de la clause de compétence et l'avoir acceptée, en ce qu'elle correspond à une forme admise par les usages et que les parties, professionnelles en la matière, connaissent nécessairement ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 23, 1., du Règlement (CE) n° 44-2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
3°/ ALORS, encore et en toute hypothèse, QUE, la détermination des effets du connaissement à l'égard du destinataire de la marchandise s'effectue selon la loi applicable au contrat de transport, et donc la loi désignée par les parties au contrat, suivant l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; que l'article 3.4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 énonce que l'existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont régies par les dispositions établies aux articles 8, 9 et 11 ; que l'article 8.1 de la même convention prévoit que l'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu de la présente convention si le contrat ou la disposition étaient valables ; qu'il résulte des articles 3. 4 et 8.1 combinés de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que l'existence du consentement du destinataire de la marchandise à la clause désignant la loi applicable est soumise à la loi qui serait applicable en vertu de la convention si ladite clause était valable ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le connaissement émis par la société DAL désignait la loi allemande comme loi applicable ; que, dans ses écritures d'appel, la société DAL soutenait que, selon le droit allemand, toutes les clauses du connaissement sont opposables au destinataire, clause de loi applicable comprise ; qu'en décidant, pour refuser de donner effet à la clause attributive de compétence, que la société DOLE FRANCE, destinataire réel, ne l'avait pas acceptée de manière spéciale, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées.
4°/ ALORS, enfin et en toutes hypothèses, QUE, la détermination des effets du connaissement à l'égard du destinataire de la marchandise s'effectue selon la loi applicable au contrat de transport, et donc la loi désignée par les parties au contrat, suivant l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; que l'article 3.4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 énonce que l'existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont régies par les dispositions établies aux articles 8, 9 et 11 ; que l'article 8.1 de la même convention prévoit que l'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu de la présente convention si le contrat ou la disposition étaient valables ; qu'il résulte des articles 3. 4 et 8.1 combinés de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que l'existence du consentement du destinataire de la marchandise à la clause désignant la loi applicable est soumise à la loi qui serait applicable en vertu de la convention si ladite clause était valable ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le connaissement émis par la société DAL désignait la loi allemande comme loi applicable ; que, dans ses écritures d'appel, la société DAL soutenait que, selon le droit allemand, toutes les clauses du connaissement sont opposables au destinataire, clause de loi applicable comprise ; qu'en décidant, pour refuser de donner effet à la clause attributive de compétence, que la société DOLE FRANCE, destinataire réel, n'a pas accepté de manière spéciale la clause soumettant au droit allemand les litiges à naître, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, en confirmant le jugement, décidé que le Tribunal de commerce de MARSEILLE était territorialement compétence pour connaître de l'appel en garantie formé par la société OCEAN REEFER CONTAINER LINES NV (ORCA LINES) à l'encontre de la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et CO (DAL) ;
AUX MOTIFS QUE « la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, « originelle » est applicable de prime abord aux transports maritimes internationaux litigieux dès lors que les deux connaissements ont été créés au Kenya qui est « un des États contractants » de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, « originelle » et qui ne l'a pas dénoncée, même s'il a par ailleurs et ultérieurement ratifié les Règles de Hambourg ; que la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, « originelle » ne contient aucune disposition relative à la compétence des juridictions appelées à statuer sur la responsabilité des transporteurs maritimes et ne prohibe pas en matière de compétence juridictionnelle la conclusion de clauses dérogeant au droit commun ; que s'agissant d'un litige opposant des ressortissants de l'Union Européenne, il convient d'examiner si les dispositions du Règlement CE N° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale reçoivent une application exclusive des règles de droit national ; que, sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Océan Reefer Containers Associates Lines NV que le connaissement émis, le 25 mars 2005, par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV comporte une clause figurant à son recto, parfaitement lisible sur l'exemplaire photocopié produit au débat par le transporteur maritime, prévoyant que les litige seraient régis par la loi belge et attribuant compétence aux Tribunaux d'Anvers ; qu'une telle clause est régulière quant à sa forme ; que l'article 23 1. c) du Règlement européen admet, si l'une au moins des parties a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, les prorogations de compétence territoriale pour connaître des litiges à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé ; que des « conventions attributives de juridiction » doivent, pour ce faire, avoir été conclues « dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée » ; que la compétence de la juridiction désignée devient alors exclusive ; qu'en l'espèce une clause attributive de compétence territoriale au profit des tribunaux d'Anvers a été insérée dans le connaissement émis par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV ; que cependant elle n'est pas opposable à la S.A.S. DOLE FRANCE ; qu'en effet, le chargeur, lors de la conclusion du contrat de transport maritime, ne représente pas le destinataire ; qu'il s'ensuit que s'il peut être réputé que le chargeur, en l'occurrence la société KENYA HORTICULTURAL EXPORTERS, a accepté la clause, son acceptation ne vaut pas pour le destinataire, la S.A.S. DOLE FRANCE, que le chargeur ne représentait pas ; qu'il ne peut être tiré d'un usage généralisé dans la branche d'activité considérée que le consentement de la S.A.S. DOLE FRANCE, partie contractante au connaissement litigieux la désignant comme destinataire des marchandises et contenant la clause attributive de juridiction, a été donné ; que le destinataire doit spécialement accepter la clause attributive de compétence, au plus tard, au moment où, recevant livraison de la marchandise, il adhère au contrat de transport ; que cette acceptation ne résulte pas du seul accomplissement sans réserves à cet égard du connaissement ; que l'invocation de la jurisprudence communautaire selon laquelle l'existence de l'usage généralement et régulièrement suivi en ce qui concerne les clauses attributives de compétence territoriale insérées dans les contrats de transport maritime et sa connaissance par les parties contractantes doivent être appréciées au regard du chargeur et du destinataire, tous deux parties contractantes, est inopérante ; que, enfin, la S.A.S. DOLE FRANCE n'a pas succédé aux droits du chargeur, la société KENYA HORTICULTURAL EXPORTERS ensuite de « la cession de droit » intervenue entre elles, le 20 mars 2006, dès lors que la S.A.S. DOLE FRANCE agit en vertu de son droit propre de destinataire réel de la marchandise en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la mauvaise exécution du contrat de transport maritime ; que cette « cession de droit » ne peut concerner le droit personnel d'agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle, que la S.A.S. DOLE FRANCE tenait du contrat de transport tripartite ; qu'au surplus que la clause attributive de compétence territoriale insérée au connaissement émis par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV et considérée dans l'ensemble indissociable de ses dispositions est nulle comme potestative ; qu'en effet la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV a imposé une clause de juridiction lui permettant, et à elle seule, à son entière convenance et dans son intérêt exclusif, de saisir une autre juridiction que celles d'Anvers qui avaient été désignées et étaient obligatoires pour les parties, même s'il s'agit de la juridiction du lieu où le « Merchant » a des biens et/ou un domicile ; qu'en l'absence de clause attributive de compétence territoriale valable et/ou opposable à la S.A.S. DOLE FRANCE, il convient d'appliquer l'article 5 1) b du Règlement CE qui dispose qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre Etat membre en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, précision étant donnée que le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base de la demande est pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été fournis ; qu'en l'espèce, en vertu du contrat de transport, la livraison des marchandises a été effectuée à Marseille, lieu où les avaries ont été effectivement constatées ; que le Tribunal de commerce de Marseille était bien compétent pour connaître de la demande en réparation fondée sur le contrat de transport maritime, intentée par la S.A.S. DOLE FRANCE, destinataire des marchandises ; que sur l'exception d'incompétence soulevée par la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et Co que la clause attributive de compétence territoriale insérée au connaissement émis, le 28 mars 2003, par la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et Co est inopposable à la S.A.S. DOLE FRANCE qui ne figure sur la connaissement en aucune qualité et qui, destinataire réel, n'a pas accepté de manière spéciale ladite clause, pas plus celle soumettant au droit allemand les litiges à naître (cf. motivation ci-dessus) ; que le Tribunal de commerce de Marseille est compétent pour connaître de la demande en réparation formée contre la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et Connaissement, comme de l'appel en garantie formée par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV à rencontre de la société Deutsche Afrika Linien GmBH et Co en application de l'article 6 2) du Règlement CE ; que la société DEUTSCHE AFRIKA LINIEN GmBH et Co « personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre » en Allemagne, s'agissant d'une demande en garantie émanant de la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV, peut être attraite en France devant le Tribunal de Marseille saisi par la S.A.S. DOLE FRANCE d'une demande originaire en réparation fondée sur des faits uniques (transport maritime effectué en « sous-traitance ») ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire juger les instances ensemble pour éviter des décisions qui pourraient être contradictoires ; que le jugement mérite confirmation pour les motifs différents exposés ci-dessus et ceux utiles et non contraires des premiers juges, sauf à préciser que la clause attributive de compétence territoriale insérée dans le connaissement émis par la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV n'est pas opposable à la S.A.S. DOLE FRANCE » ;
1°/ ALORS, d'une part, QU'il résulte des articles 6, 2 et 23, 1 du Règlement (CE) n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qu'une clause attributive de juridiction valable au regard du second, et qui désigne un tribunal d'un Etat contractant, prime la compétence spéciale prévue à l'article 6, 2 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur la validité de la clause attributive de compétence stipulée au connaissement et désignant les juridictions de HAMBOURG à l'égard de la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV, mentionnée au connaissement en qualité de destinataire et donneur d'ordre de la société DAL, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
2°/ ALORS, d'autre part, QU'il résulte des articles 6, 1 et 23, 1 du Règlement (CE) n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qu'une clause attributive de juridiction valable au regard du second, et qui désigne un tribunal d'un Etat contractant, prime la compétence spéciale prévue à l'article 6, 1 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur la validité de la clause attributive de compétence stipulée au connaissement et désignant les juridictions de HAMBOURG à l'égard de la société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES NV, mentionnée au connaissement en qualité de destinataire et donneur d'ordre de la société DAL, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
3°/ ALORS, encore, QUE (subsidiaire), en se bornant à relever qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire juger les instances ensemble pour éviter des décisions qui pourraient être contradictoires, sans autrement caractériser la connexité entre les demandes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, 1 du Règlement (CE) n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
4°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, la cassation à intervenir de l'arrêt devant entraîner, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, l'arrêt sera nécessairement aussi cassé pour avoir déclaré la juridiction française compétence pour se prononcer sur l'appel en garantie formé à l'encontre de la société DAL par la société ORCA LINES, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-10460
Date de la décision : 16/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles - Article 3 - Loi choisie par les parties - Effets à l'égard du tiers porteur d'un connaissement - Détermination

Viole l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 l'arrêt qui, dans le même litige, ne détermine pas la loi applicable au contrat de transport au regard de ce texte mais retient que la clause insérée au connaissement soumettant à tel droit national les litiges à naître est inopposable au tiers porteur de ce connaissement qui ne l'a pas spécialement acceptée


Références :

Sur le numéro 1 : article 23 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000
Sur le numéro 2 : article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 octobre 2007

Sur le n° 1 : Dans le même sens que :1re Civ., 16 décembre 2008, pourvoi n° 07-18834, Bull. 2008, I, n° 283 (cassation) Sur l'opposabilité d'une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat international à l'assureur subrogé dans les droits du destinataire, à rapprocher :1re Civ., 12 juillet 2001, pourvoi n° 98-21591, Bull. 2001, I, n° 224 (2) (rejet) ;Com., 4 mars 2003, pourvoi n° 01-01043, Bull. 2003, IV, n° 33 (2) (rejet) Sur l'effet de la clause attributive de juridiction à l'égard du tiers porteur du connaissement dans les litiges soumis à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, cf. :CJCE, 9 novembre 2000, Coreck maritime, aff. C-387/98, Rec. 2000, page I-9337, point 27, dispositif 3.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 déc. 2008, pourvoi n°08-10460, Bull. civ. 2008, IV, n° 215
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, IV, n° 215

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Raysséguier (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Potocki
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Peignot et Garreau, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:08.10460
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