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04/12/2008 | FRANCE | N°08-11158

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 décembre 2008, 08-11158


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 20 novembre 2007) et les productions, que George X... est décédé lors d'un accident de la circulation impliquant le véhicule qu'il conduisait ; que la société Amagic, venant aux droits de la société AIOI Europe (l'assureur), a refusé sa garantie en raison de l'état d'imprégnation alcoolique de la victime ;

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'écarter la clause d'exclusion et de reconnaître le droit

à indemnisation de Mme X... pour la valeur du véhicule et son préjudice par ricoche...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 20 novembre 2007) et les productions, que George X... est décédé lors d'un accident de la circulation impliquant le véhicule qu'il conduisait ; que la société Amagic, venant aux droits de la société AIOI Europe (l'assureur), a refusé sa garantie en raison de l'état d'imprégnation alcoolique de la victime ;

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'écarter la clause d'exclusion et de reconnaître le droit à indemnisation de Mme X... pour la valeur du véhicule et son préjudice par ricochet alors, selon le moyen :

1°/ que la règle selon laquelle la stipulation portant exclusion d'assurance, qui doit être formelle et limitée, ne concerne que les conditions de fond de l'exclusion ; qu'elle est étrangère aux règles gouvernant la charge de la preuve et déterminant sur laquelle des deux parties pèse la charge de la preuve ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1315 du code civil et L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que dès lors qu'une exclusion a été instituée et que la police a prévu une exception à cette exclusion, il appartient à l'assuré d'établir que les conditions de l'exception sont réunies ; qu'en statuant comme ils l'ont fait quand ils constataient que Mme X... ne rapportait pas la preuve du fait permettant d'écarter l'exclusion, les juges du fond ont violé les règles de la charge de la preuve, ensemble l'article 1315 du code civil ;

3°/ que l'exclusion devait jouer dès lors que l'état d'alcoolémie était avéré ; qu'en écartant l'exclusion, quand les conditions de l'exception de l'exclusion n'étaient pas remplies ainsi qu'il sera démontré dans le cadre de la quatrième branche, les juges du fond ont dénaturé l'article 26 des conditions générales de la police ;

4°/ que l'exception à l'exclusion supposait que l'état d'alcoolémie soit sans lien avec l'accident ; qu'en invoquant la circonstance que la preuve n'était pas rapportée que l'alcoolémie ait été la cause exclusive de l'accident, quand cette circonstance est étrangère à l'exception à l'exclusion, les juges du fond ont de nouveau dénaturé l'article 26 des conditions générales de la police ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que selon l'article 26 des conditions générales du contrat ne sont pas garantis les accidents survenus alors que l'assuré conduisait sous l'empire d'un état alcoolique et que toutefois cette exclusion n'est pas applicable s'il est établi que le sinistre est sans relation avec cette infraction, l'arrêt retient d'abord que, le contrat ne précisant pas qui de l'assureur ou de l'assuré devait rapporter la preuve de la seconde condition, il convenait d'en déduire que l'assureur ne pouvait dénier sa garantie qu'à la condition d'établir, d'une part, l'existence d'un état alcoolique, d'autre part, le lien de causalité entre cette imprégnation et l'accident, puis énumère les circonstances de fait créant un doute sur les raisons de la perte de contrôle du véhicule, pour constater qu'une autre cause pouvait avoir été sur ce point déterminante, par exemple un malaise cardiaque ;

Que de ces énonciations et constatations la cour d'appel a pu, sans dénaturation du contrat, ni inversion de la charge de la preuve ni violation de l'article L. 113-1 du code des assurances, constater que l'assureur n'établissait pas de façon certaine que l'état d'alcoolémie de M. X... était à l'origine directe, certaine et exclusive de l'accident et en déduire que la clause d'exclusion n'était pas opposable à l'assuré ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Amagic aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Amagic ; la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Amagic.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a écarté la clause d'exclusion invoquée par l'assureur et admis en son principe la demande de Madame X... tant en ce qui concerne la valeur du véhicule qu'en ce qui concerne le préjudice par ricochet de l'épouse ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « il a été rappelé en en-tête que le litige opposant les parties est afférent à l'application au cas d'espèce des garanties du contrat d'assurance figurant à l'article 26 des conditions générales du contrat sous le titre « Quels sont les cas où la garantie n'intervient pas ? », lequel énonce : « ne sont pas garantis les accidents survenus alors que l'assuré conduisant sous l'empire d'un état alcoolique ; Toutefois, ces exclusions ne sont pas applicables s'il est établi que le sinistre est sans relation avec ces infractions » ; qu'outre le fait que l'assureur n'établit pas de façon certaine que l'état d'alcoolémie, même avéré de Monsieur X..., était à l'origine directe, certaine et exclusive de l'accident, une autre cause ayant pu être sur ce point déterminante (malaise cardiaque par exemple), la Cour estime que c'est à juste titre que le Tribunal a retenu, par des motifs appropriés, qu'elle fait siens, que, dès lors que le contrat ne précisait pas à qui, de l'assureur ou de l'assuré, il appartenait de rapporter la preuve de la 2ème condition, le doute devait profiter à l'assuré et permettre l'ouverture de son droit à indemnisation »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 26 des conditions générales du contrat d'assurance précise sous le titre « Quels sont les cas où la garantie n'intervient pas ? : « …ne sont pas garantis les accidents survenus alors que l'assuré conduisait sous l'empire d'un état alcoolique… Toutefois, ces exclusions ne sont pas applicables s'il est établi que le sinistre est sans relation avec ces infractions » ; que dès lors d'une part, il appartenait à l'assureur de démontre l'existence de la cause d'exclusion dont il se prévaut, d'autre part que l'article 1162 du Code civil commande, dans le doute, d'interpréter une convention en faveur de celui qui a contracté l'obligation, il convient d'en déduire que le contrat signé ne permet à l'assureur de dénier sa garantie qu'à la condition d'établir : - d'une part, l'existence d'un état alcoolique réprimé par le Code de la Route ; - d'autre part, par la relation de causalité entre cette imprégnation et l'accident ; qu'en l'état, si le rapport de gendarmerie établit la présence dans le sang de la victime d'un taux d'alcool de 1,74 g par litre, il ne résulte d'aucun élément que celui-ci ait été à l'origine du sinistre ; qu'il apparaît au contraire que les réflexes de la victime, certainement diminués par l'absorption d'alcool, n'étaient pas mis à contribution cette nuit là, celui-ci progressant sur une route décrite par les gendarmes comme rectiligne ; qu'il est encore établi que Georges X... présentait des facteurs de risque cardio-vasculaires notables liés à un tabagisme important, qu'un doppler réalisé en 1997 mettait en évidence une artérite débutante, qu'un syndrome de Wolf Parkinson White avait été révélé lors d'une consultation du mois de septembre 2002, la consultation de son dossier médical permettant au médecin ayant constaté le décès de suggérer qu'un malaise au volant pouvait expliquer l'accident ; qu'il apparaît enfin que celui-ci avait expliqué à ses amis quelques heures avant le drame qu'il était fatigué ; qu'il sera encore précisé qu'il venait de parcourir les 550 kilomètres séparant son domicile de son lieu de travail comme il en avait l'habitude le dimanche, circonstance pouvant provoquer un relâchement d'attention chez tout conducteur ; qu'en toute hypothèse le doute sur les raisons de la perte du contrôle du véhicule doit, pour les raisons précitées, ouvrir droit à indemnisation de la demanderesse » ;

ALORS QUE, premièrement, la règle selon laquelle la stipulation portant exclusion d'assurance, qui doit être formelle et limitée, ne concerne que les conditions de fond de l'exclusion ; qu'elle est étrangère aux règles gouvernant la charge de la preuve et déterminant sur laquelle des deux parties pèse la charge de la preuve ; qu'en décidant la contraire, les juges du fond ont violé les articles 1315 du Code civil et L.113-1 du Code des assurances ;

ALORS QUE, deuxièmement, dès lors qu'une exclusion a été instituée et que la police a prévu une exception à cette exclusion, il appartient à l'assuré d'établir que les conditions de l'exception sont réunies ; qu'en statuant comme ils l'ont fait quand ils constataient que Madame X... ne rapportait pas la preuve du fait permettant d'écarter l'exclusion, les juges du fond ont violé les règles de la charge de la preuve, ensemble l'article 1315 du Code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, l'exclusion devait jouer dès lors que l'état d'alcoolémie était avéré ; qu'en écartant l'exclusion, quand les conditions de l'exception de l'exclusion n'étaient pas remplies ainsi qu'il sera démontré dans le cadre de la quatrième branche, les juges du fond ont dénaturé l'article 26 des conditions générales de la police ;

ET ALORS QUE, quatrièmement, l'exception à l'exclusion supposait que l'état d'alcoolémie soit sans lien avec l'accident ; qu'en invoquant la circonstance que la preuve n'était pas rapportée que l'alcoolémie ait été la cause exclusive de l'accident, quand cette circonstance est étrangère à l'exception à l'exclusion, les juges du fond ont de nouveau dénaturé l'article 26 des conditions générales de la police.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 08-11158
Date de la décision : 04/12/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Dispositions de la police - Conditions générales excluant de la garantie les accidents survenus à un assuré conduisant sous l'empire d'un état alcoolique - Conditions - Preuve d'un lien de causalité entre l'imprégnation et l'accident - Nécessité

Dès lors que, selon les conditions générales du contrat, ne sont pas garantis les accidents survenus alors que l'assuré conduisait sous l'empire d'un état alcoolique et que toutefois cette exclusion n'est pas applicable s'il est établi que le sinistre est sans relation avec cette infraction, la cour d'appel, qui a retenu que le contrat ne précisait pas qui, de l'assureur ou de l'assuré devait rapporter la preuve de la seconde condition, a pu en déduire que l'assureur ne pouvait dénier sa garantie qu'à la condition d'établir d'une part l'existence de l'état alcoolique et d'autre part le lien de causalité entre cette imprégnation et l'accident


Références :

article L. 113-1 du code des assurances

article 1315 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 déc. 2008, pourvoi n°08-11158, Bull. civ. 2008, II, n° 255
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, II, n° 255

Composition du Tribunal
Président : M. Gillet
Avocat général : M. Lautru
Rapporteur ?: Mme Fontaine
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:08.11158
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