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13/11/2008 | FRANCE | N°08-81446

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 novembre 2008, 08-81446


Statuant sur le pourvoi formé par :
- A... Pierre,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 10 décembre 2007, qui, sur renvoi après cassation, dans l'information suivie contre lui pour homicides involontaires, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 octobre 2008 où étaient présents : M. Pelletier président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Foulquié conseillers de

la chambre, Mme Lazerges conseiller référendaire ;
Avocat général : ...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- A... Pierre,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 10 décembre 2007, qui, sur renvoi après cassation, dans l'information suivie contre lui pour homicides involontaires, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 octobre 2008 où étaient présents : M. Pelletier président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Foulquié conseillers de la chambre, Mme Lazerges conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Magliano ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de Me LUC-THALER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MAGLIANO, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 21 mars 2008, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, le 16 juillet 1995, Diane Y..., épouse Z...a été grièvement blessée dans un accident d'avion qui aurait eu pour cause directe une panne de carburant et une application maladroite de la procédure d'atterrissage d'urgence ; que le pilote et le copilote de l'aéronef, exploité par l'association " Centre Aff'Air ", ont trouvé la mort dans cet accident ; qu'une information a été ouverte, contre personne non dénommée, du chef d'homicides involontaires, blessures involontaires, transport d'un passager par un pilote ne possédant pas la licence requise, exercice d'une activité de transport aérien contre rémunération sans autorisation, affrètement d'un aéronef à titre professionnel sans autorisation ; que, Diane Y..., épouse Z...étant décédée des suites de ses blessures le 18 mai 2001, le juge d'instruction a été saisi de réquisitions supplétives d'homicide involontaire ;
Attendu que Pierre A..., qui, à l'époque des faits, exerçait les fonctions de directeur du district de la région Centre de l'aviation civile et de délégué régional, a été mis en examen, le 22 février 2005, du chef d'homicides involontaires ; qu'il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation de l'ordonnance du 15 décembre 2003, désignant Raymond B... en qualité d'expert, du rapport d'expertise du 20 mars 2004, et de sa mise en examen ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers du 13 septembre 2005, annulant l'ordonnance de commission d'expert, le rapport d'expertise, la mise en examen et prononçant non-lieu après évocation, sans qu'il résulte d'aucune de ses énonciations que les parties aient été invitées à présenter leurs observations sur le règlement éventuel de la procédure, a été cassé et annulé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 19 septembre 2006, la procédure et les parties ayant été renvoyées devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6, 188, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe de l'autorité de la chose jugée, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure jusqu'à la cote D 518 ;
" aux motifs que, sur l'exception de nullité tirée de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 7 mai 2002, selon les termes de la requête en annulation et repris dans les mémoires en défense, la mise en examen serait invalidée et se heurterait à l'obstacle de droit que représenterait l'extinction de l'action publique intervenue sur le fondement de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 7 mai 2002 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers ; qu'il convient cependant d'observer que par cette décision cette juridiction d'instruction avait circonscrit sa compétence à l'examen en appel de mesures d'instruction complémentaires sollicitée par les parties civiles confirmant sur ce point l'ordonnance du premier juge ; qu'en effet, par ordonnance du 21 janvier le magistrat instructeur avait sur demande du conseil des parties civiles, refusé de procéder à l'audition de Pierre A... et du colonel C... ; que par son arrêt confirmatif en date du 7 mai 2002, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers avait limité son examen à l'objet de cette ordonnance ; qu'ainsi les juridictions d'instruction de la cour d'appel de Poitiers ne s'étaient pas prononcées dans le sens de la clôture de la procédure ; que l'absence de clôture de l'information signifiait que la procédure pouvait légalement se poursuivre comme le révélait l'intervention d'un réquisitoire supplétif en date du 6 juin 2002 auquel faisait droit le magistrat instructeur : qu'il est donc établi que cet arrêt du 7 mai 2002 n'avait pas vocation à mettre un terme à la procédure d'instruction, si bien qu'il ne saurait être soutenu qu'il était revêtu de l'autorité de la chose jugée ; qu'il n'y avait donc pas lieu à réouverture de l'information pour charges nouvelles pour la reprise de l'information, que ce motif d'annulation de la mise en examen sera donc rejeté " ;
" alors que la requête et le mémoire de Pierre A... rappelaient les termes de l'ordonnance dont appel, qui constatait expressément que l'enquête était complète et ne permettait pas d'imputer à quiconque une faute ou violation visées aux articles 121-3 et 221-6 du code pénal, ce dont le demandeur déduisait que la décision du Juge d'instruction étant implicitement une ordonnance de non-lieu, l'arrêt du 7 mai 2002 qui avait à son tour analysé tous les éléments de la procédure avant de confirmer ladite ordonnance était assimilable à un arrêt de non-lieu pour absence de charges et invitait la cour à se prononcer sur la nature de cet arrêt et les conséquences qu'il convenait d'en tirer sur l'autorité de chose jugée susceptible de s'y attacher ; qu'en cet état, la chambre de l'instruction qui s'est bornée à énoncer, par un motif de pure affirmation que les juridictions d'instruction ne s'étaient pas prononcées dans le sens de la clôture de la procédure a omis de répondre aux conclusions du demandeur et privé sa décision de motifs " ;
Attendu qu'après notification des avis de fin d'information, les parties civiles ont présenté une demande d'actes et ont sollicité qu'il fût procédé à une nouvelle audition de Pierre A... et à celle d'un officier supérieur de la gendarmerie ; que cette demande a été rejetée par ordonnance du juge d'instruction du 21 janvier 2002, confirmée, sur appel des parties civiles, par arrêt de la chambre de l'instruction du 7 mai 2002 ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure subséquente à cet arrêt et de la mise en examen, prise de ce que cette décision était assimilable à un non-lieu, les juges énoncent que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers a confirmé une ordonnance de refus d'actes, qu'elle a circonscrit son examen aux mesures d'instruction complémentaires sollicitées par les parties civiles, que l'arrêt n'avait pas vocation à mettre un terme à la procédure ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, R. 330-15 du code de l'aviation civile alors applicable, 80-1, 40, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de la mise en examen de Pierre A... ;
" aux motifs que, dans la requête aux fins d'annulation et repris dans les mémoires en défense, il est invoqué à titre subsidiaire que le magistrat instructeur aurait procédé le 22 février 2005 à la mise en examen de Pierre A... en méconnaissance des dispositions de l'article 80-1 du code de procédure pénale ; que, pour contester la validité de cette mise en examen sur le fondement des dispositions légales sus-énoncées, il est soutenu l'absence d'indices de « fautes caractérisées », de connaissance du risque inhérent à l'activité prétendument illicite de l'association « Centre Aff'Air » et de lien de causalité entre une éventuelle faute de Pierre A... et la survenance de l'accident aérien du 16 juillet 1995 ; que le texte sus-visé dispose qu'à peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que lors de l'interrogatoire de lere comparution, le magistrat instructeur a entendu Pierre A... sur les attributions qu'il exerçait au moment des faits en sa qualité de délégué régional du directeur de l'aviation civile nord pour la région centre ; que dans ses déclarations, répondant aux questions du juge d'instruction, il a indiqué que son service connaissait des activités aéronautiques qui pouvaient se développer sur sa zone de compétence, ajoutant (...) que, compte tenu de l'effectif de ce service, il ne pouvait pas contrôler l'activité de chaque aérodrome situé dans son ressort, que le district de compétence était alerté de toute création d'association se livrant à une exploitation d'aéronefs ; que tout en précisant n'avoir pas été sensibilisé au fonctionnement de l'association « Centre Aff'Air », il a admis qu'à la suite des constatations opérées par la BGTA de Toulouse, son district avait été destinataire du procès-verbal de la brigade de gendarmerie du transport aérien de Chateauroux Déols qui, tout en concluant à l'absence de transport public illicite avait relevé la contravention correspondante ; qu'il n'avait pas estimé alors prendre quelque mesure que ce soit entrant dans son champ de compétence, alors même que la Direction de l'aviation civile Nord préconisait dans une formule sibylline « pour suite éventuelle à donner », de procéder à une enquête ou à tout le moins, de recueillir des informations sur l'activité de l'association « Centre Aff'Air » en coordination avec la direction de l'aviation civile Sud ; que se retranchant derrière une impossibilité d'agir promptement et efficacement, il s'était abstenu de toute enquête et s'était borné à se ranger aux conclusions de la. gendarmerie du transport qui avait pourtant, en termes prudents indiqué dans son procès-verbal « qu'il semblerait que l'activité de cette association ne soit pas en contradiction avec les textes actuels » ; que la formulation employée par ce service de gendarmerie, la connaissance qu'il pouvait avoir acquis d'un incident et d'interrogations concernant l'activité de l'association « Centre Aff'Air » justifiaient une intervention de sa part sous la forme la plus appropriée, autre que celle de « suivre les conclusions des services de gendarmerie » ; qu'il ne pouvait ignorer notamment la voie qui lui était ouverte de saisir le procureur de la République compétent sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale ; qu'il se déduit de l'examen de la procédure et des déclarations de Pierre A..., et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si le rapport d'expertise contesté est le support nécessaire de la poursuite engagée à son encontre, l'existence d'indices graves suffisamment caractérisés de nature à motiver sa mise en examen du chef d'homicide involontaire, qu'en conséquence, ce moyen d'annulation sera rejeté " ;
" alors que, saisie d'une demande d'annulation de la mise en examen pour absence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que Pierre A... ait pu participer à l'infraction poursuivie, il appartenait à la chambre de l'instruction de caractériser sans insuffisance, dans le cadre des dispositions de l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal les indices rendant vraisemblable l'existence d'une faute caractérisée à l'encontre de Pierre A... impliquant la connaissance du risque qu'il faisait courir à autrui, ainsi que les mesures qu'il lui appartenait de prendre et le lien de causalité entre une éventuelle faute et le dommage ; qu'à cet égard, Pierre A... exposait dans ses écritures que destinataire des seuls PV n° 6 / 95 et 7 / 95, de la BGTA de Châteauroux, il n'avait jamais été informé du PV n° 492 / 94 de la GTA de Toulouse relevant la contravention de transport illicite, seule susceptible de faire cesser les activités de l'association Centre Aff'Air ; que cette argumentation était essentielle puisque de nature à exonérer le mis en examen de toute responsabilité pénale ; qu'en cet état, d'une part, l'arrêt attaqué, qui, sans constater que Pierre A... avait personnellement eu connaissance du PV n° 492 / 94 et sans rechercher s'il existait d'autres indices de nature à établir la connaissance qu'il pouvait avoir d'irrégularités relevant de sa compétence, a estimé de façon hypothétique qu'il aurait dû être alerté par les termes d'un procès-verbal énonçant que l'activité de l'association ne semblait pas en contradiction avec les textes applicables « et qu'il » pouvait avoir acquis la connaissance d'un incident et d'interrogations concernant l'activité de l'association n'a pas justifié sa décision ; que d'autre part l'arrêt lui reproche ne n'être pas, à la suite de ce procès-verbal intervenu sous la forme la plus appropriée en saisissant le procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, bien que ce texte n'était pas applicable, s'agissant la contravention de cinquième clase que constituait à l'époque l'activité de transport sans autorisation et bien que l'arrêt relève par une contradiction manifeste des motifs que le procès-verbal en cause avait été transmis au parquet du tribunal de grande instance de Chateauroux qui l'avait classé sans suite, ce qui démontre que Pierre A... ne pouvait intervenir utilement ".
Attendu que, pour écarter l'argumentation du demandeur, qui soutenait que sa mise en examen du chef d'homicides involontaires ne répondait pas aux exigences de l'article 80-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant par ces motifs, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à l'application de l'article 40 dudit code, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais, sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 157 et 160, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de faire droit à la demande d'annulation de l'ordonnance du juge d'instruction commettant Raymond B..., expert honoraire ;
" aux motifs que, le 27 novembre 2003, Dominique Z..., une des parties civiles, déposait une requête aux fins de complément d'expertise dans le prolongement des réquisitions supplétives intervenues le 6 juin 2002 ; que cette mission, comme les précédentes, était confiée à Raymond B... par ordonnance du 15 décembre 2003, qu'il parait avoir échappé à l'attention du juge d'instruction que cet expert, atteint par la limite d'âge, n'était plus inscrit sur la liste établie par la Cour de cassation, qu'il bénéficiait cependant de l'honorariat et, au vu de l'opinion exprimée par les parties, de leur estime pour ses compétences ; que dans son mémoire, le conseil de Pierre A... conteste la régularité de cette désignation en soutenant que s'agissant de la désignation d'un homme de l'art non inscrit sur une liste d'experts judiciaires, le magistrat instructeur était tenu de motiver cette désignation et de recueillir sa prestation de serment ; qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 157 du code de procédure pénale, les juridictions peuvent, à titre exceptionnel, et par décision motivée choisir des experts figurant sur aucune des listes ; que cette exigence légale est applicable à un expert honoraire et présente un caractère d'ordre public ; que cependant, en l'espèce, il est manifeste que le juge d'instruction a fait droit à une requête aux fins de complément d'expertise qui lui était adressée par l'une des parties civiles ; qu'il est d'ailleurs expressément porté dans l'ordonnance de commission d'expert du 15 décembre 2003, sous l'intitulé « mission » les mentions successives " comme suite à votre précédent rapport du 17 septembre 1997 ", « vu la demande de complément d'expertise du 27 novembre 2003 jointe » ; qu'ainsi, il apparaît clairement que cette mesure expertale se rapportait explicitement à une expertise effectuée par le même expert et dont les conclusions du rapport déposé avaient été notifiées aux parties civiles sans que celles-ci n'émettent de contestations ; que dans ces conditions, le choix de Raymond B... répondait à une logique à la fois procédurale et de fond, puisque cet expert, déjà profondément investi dans la connaissance de ce dossier, était parfaitement qualifié pour assurer une mission complémentaire en lien avec ses travaux précédents et pour exprimer exclusivement un avis (p. 20 du rapport) sur les questions définies par le juge d'instruction dans son ordonnance ; qu'il en résulte que la motivation du choix de l'expert se trouve suffisamment caractérisée ; que, s'agissant du défaut de prestation de serment, force est de constater que dans un arrêt du 5 mai 2006, la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis que, dans la mesure où un « expert honoraire au moment de sa désignation n'était nullement délié du serment qu'il avait prêté lors de son inscription initiale, il n'avait pas, en conséquence à le renouveler » (...) ; que cette jurisprudence intervenue également dans le cadre d'une information ouverte à l'occasion d'un accident aérien trouvait logiquement à s'appliquer dans la présente affaire ; Que les moyens invoqués par la défense tendant à obtenir l'annulation de l'ordonnance du décembre 2003 et du rapport d'expertise complémentaire déposé le 25 mars 2004 par Raymond B..., expert commis, sont donc dépourvus de pertinence de nature à justifier leur rejet " ;
" alors que, d'une part, la violation de l'article 157, alinéa 2, du code de procédure pénale prescrivant que les experts non inscrits sur la liste dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d'appel ne peuvent être désignés qu'à titre exceptionnel et par une décision spécialement motivée, dispositions destinées à garantir la valeur de l'expertise, est sanctionnée par une nullité d'ordre public ; qu'en l'espèce, la cour, saisie d'une demande d'annulation de l'ordonnance pour violation de l'article 157 a rappelé le caractère d'ordre public de ces prescriptions et constaté que Raymond B... devenu expert honoraire n'était plus inscrit sur une des listes visées à l'article 157, ce dont il se déduisait qu'en l'absence de motivation spéciale, l'ordonnance de désignation encourait l'annulation ; qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué, qui, pour rejeter la demande de nullité après avoir énoncé par un motif inopérant que l'expert présentait les qualités requises a estimé que la mention relative à une expertise complémentaire figurant sur la demande des parties et reprise par le juge dans l'ordonnance de désignation suffisait à satisfaire l'exigence de motivation spéciale, a méconnu le caractère d'ordre public des dispositions susvisées et privé sa décision de base légale " ;
" alors que, d'autre part, la cour qui, pour rejeter le moyen pris de la violation de l'article 160 du code de procédure pénale prescrivant également à peine de nullité la prestation de serment des experts non inscrits, s'est bornée à se référer à un arrêt de la chambre criminelle au motif qu'il avait été rendu dans une affaire d'accident aérien, sans rechercher les circonstances qui, en l'espèce pouvaient justifier l'absence de prestation de serment, a derechef privé sa décision de motifs ".
Vu l'article 157 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, le juge d'instruction qui désigne un expert ne figurant ni sur la liste nationale établie par le bureau de la Cour de cassation ni sur une des listes dressées par les cours d'appel, doit motiver sa décision ; que l'inobservation de ces dispositions d'ordre public, édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, entache l'ordonnance de nullité ;
Attendu que Raymond B..., qui était inscrit sur la liste des experts de la Cour de cassation, a été désigné, par ordonnance du juge d'instruction du 27 juillet 1996, avec mission de déterminer les causes techniques de l'accident ; que, par ordonnance du 15 décembre 2003 portant la mention inexacte de son inscription sur cette liste, alors qu'il avait, entre temps, été admis à l'honorariat, il a été désigné pour procéder à une nouvelle expertise ; qu'il a déposé son nouveau rapport le 20 mars 2004 ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de l'ordonnance du 15 décembre 2003, et du rapport d'expertise du 20 mars 2004, prise de ce que la décision de désigner cet expert, non inscrit sur les listes, n'était pas motivée, l'arrêt énonce que le juge d'instruction a fait droit à une demande de complément d'expertise présentée par les parties civiles et que cet expert était parfaitement qualifié pour assurer une mission complémentaire en lien avec ses précédents travaux ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'ordonnance critiquée de désignation d'un expert honoraire ne comportait aucune motivation, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 10 décembre 2007, en ses seules dispositions ayant rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance d'expertise du 15 décembre 2003 et du rapport du 20 mars 2004, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize novembre deux mille huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-81446
Date de la décision : 13/11/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Expertise - Expert - Désignation - Expert non inscrit sur les listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale - Décision motivée - Nécessité

EXPERTISE - Expert - Désignation - Expert non inscrit sur les listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale - Décision motivée - Nécessité

Un expert ne figurant plus sur les listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale, même s'il a été admis à l'honorariat, ne peut être choisi à titre exceptionnel que par une décision motivée, faute de quoi la désignation est entachée de nullité


Références :

article 157 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10 décembre 2007

Dans le même sens que :Crim., 8 juillet 2004, pourvois n° 04-82.601, 04-80.145, Bull. crim. 2004, n° 180 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 nov. 2008, pourvoi n°08-81446, Bull. crim. criminel 2008, n° 231
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2008, n° 231

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : Mme Magliano
Rapporteur ?: M. Pometan
Avocat(s) : Me Luc-Thaler, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:08.81446
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