LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 janvier 2001 par la société Connex Rhodalia, devenue la société Véolia Transport Rhône-Alpes interurbain, en qualité de conducteur receveur, a été licencié pour faute grave le 11 décembre 2001 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ qu'après avoir expressément constaté que « dans la version qui lui est la plus favorable, le salarié s'est fait voler le 8 juin 2001 sa recette correspondant à deux mois de tournée selon les calculs de l'employeur dans son véhicule personnel » ce dont il ressortait que le défaut de restitution de cette recette ne pouvait lui être imputé à faute au soutien de son licenciement, la cour d'appel, qui se borne à affirmer péremptoirement que le salarié aurait « persévéré dans son attitude d'opposition, continuant à garder les fonds et a aggravé au cours des mois de novembre et de décembre 2001 la dette qu'il avait envers son employeur », sans nullement motiver sa décision sur ce point qui était expressément contesté et notamment préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour retenir qu'il aurait persévéré dans son attitude d'opposition en continuant de garder les fonds et en aggravant, au cours des mois de novembre et décembre 2001, la dette qu'il avait envers son employeur, a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il appartient à l'employeur, qui invoque une faute grave au soutien du licenciement, de rapporter la preuve tant de la matérialité que de l'imputabilité des faits reprochés au salarié ; que réclamant à plusieurs reprises à son employeur, des justificatifs des sommes prétendument conservées (lettres des 31 octobre 2001 et 23 novembre 2001), il avait constamment contesté avoir omis de restituer à son employeur les sommes qu'il avait encaissées au titre des recettes, à l'exception de celle qu'il s'était fait dérober dans son véhicule le 8 juin 2001 et pour laquelle il avait déposé plainte auprès du commissariat de Vienne ; qu'après avoir expressément constaté que « dans la version qui lui est la plus favorable, il s'est fait voler le 8 juin 2001, sa recette correspondant à deux mois de tournée selon les calculs de l'employeur dans son véhicule personnel », la cour d'appel, qui se borne à affirmer péremptoirement que ce dernier avait « persévéré dans son attitude d'opposition, continuant de garder les fonds et a aggravé au cours du mois de novembre et de décembre 2001 la dette qu'il avait envers son employeur », sans nullement rechercher ni préciser d'où ressortait la preuve, qu'il incombait à l'employeur de rapporter, que le salarié avait effectivement manqué à son obligation de restituer les recettes qu'il avait encaissées pour le compte de son employeur, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail, ensemble l'article L. 122-14-3 dudit code ;
3°/ que les motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement circonscrivent les limites du débat judiciaire et les juges du fond ne peuvent retenir à l'encontre du salarié d'autres griefs que ceux ainsi contenus dans la lettre de licenciement ; qu'en retenant que « dans la version qui lui est la plus favorable, il s'est fait voler, le 8 juin 2001, sa recette, correspondant à deux mois de tournée selon les calculs de l'employeur, dans son véhicule personnel alors qu'il n'avait pas travaillé la veille et que la précaution la plus élémentaire imposait de garder cet argent à domicile » pour retenir, à la charge de l'exposant, que « malgré ce cumul de manquements graves à ses obligations » il avait « persévéré dans son attitude d'opposition continuant de garder les fonds et a aggravé au cours des mois de novembre et de décembre 2001, la dette qu'il avait envers son employeur », pour en déduire que « tant la nature des faits qui lui sont reprochés que leur persistance ne permettaient plus à l'employeur de le maintenir dans son emploi même pendant la durée limitée du préavis », cependant qu'aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur s'était borné à reprocher à l'exposant un défaut de restitution des sommes encaissées au titre des recettes, sans nullement faire état notamment s'agissant du vol intervenu le 8 juin 2001, d'une quelconque faute « de négligence » constituée par le manquement à une « précaution la plus élémentaire » imposant de garder cet argent à domicile, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du code du travail ;
4°/ que les motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement circonscrivent les limites du débat judiciaire et les juges du fond ne peuvent retenir à l'encontre du salarié d'autres griefs que ceux ainsi contenus dans la lettre de licenciement ; qu'en l'état des termes de la lettre de licenciement selon lesquels « … bien loin de rendre les recettes qui nous étaient dues, vous avez au contraire augmenté votre dette vis-à-vis de l'entreprise, en ne rendant pas -ou que partiellement- les recettes encaissées au cours du mois d'octobre et novembre », la cour d'appel, qui retient à la charge de l'exposant le fait que « malgré ce cumul de manquements graves à ses obligations » il avait « persévéré dans son attitude d'opposition continuant de garder les fonds et a aggravé, au cours des mois de novembre et de décembre 2001, la dette qu'il avait envers son employeur », pour en déduire que « tant la nature des faits qui lui sont reprochés que leur persistance ne permettaient plus à l'employeur de le maintenir dans son emploi même pendant la durée limitée du préavis », a violé l'article L. 122-14-2 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui est restée dans les limites du litige fixées par la lettre de licenciement, a retenu que le salarié avait fait l'objet de onze sanctions disciplinaires en onze mois de collaboration pour avoir été responsable d'accidents et pour ne pas avoir restitué les recettes perçues pour le compte de son employeur ; qu'elle a pu décider que la persistance du salarié à ne pas remettre ces sommes et l'aggravation continue de la dette envers l'employeur rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers l'employeur qu'en cas de faute lourde et l'article L. 144-1, devenu L. 3251-1 du code du travail ;
Attendu que pour ordonner la compensation entre la dette salariale due par l'employeur et la perte de recettes imputable au salarié, la cour d'appel a énoncé que la portée de l'interdiction prévue par le second des textes susvisés est limitée aux seules dettes contractées par les salariés envers leurs employeurs « pour fournitures diverses quelle qu'en soit la nature » et sous réserve des exceptions prévues aux paragraphes 1 à 3 ; que cette prohibition ne s'applique pas lorsque la somme dont l'employeur est créancier est de nature indemnitaire et qu'en l'espèce le salarié qui n'avait pas restitué l'intégralité des recettes encaissées à la suite de sa négligence était redevable d'une indemnité ;
Attendu, cependant, que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le salarié à rembourser à son employeur par compensation le montant des recettes non restituées pour un montant de 1 921,01 francs, l'arrêt rendu le 18 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Véolia transport Rhône-Alpes interurbain à rembourser à M. X... la somme de 1 921,01 euros ;
Condamne la société Véolia transport Rhône-Alpes interurbain aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Véolia transport Rhône-Alpes interurbain à payer à la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. X..., la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille huit.