LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., administrateur judiciaire, estimant diffamatoires certains passages de l'ouvrage intitulé "La mafia des tribunaux de commerce" rédigé par M. Y... et publié par la société Editions Albin Michel, a assigné M. Y... et la société Albin Michel sur le fondement des articles 29 et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 devant la juridiction civile en réparation du préjudice subi ; que par arrêt du 20 mars 2002, la cour d'appel d'Angers, estimant que M. X... aurait dû viser dans son assignation les dispositions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et non celles de l'article 32, alinéa 1er, de la même loi, déclarait sur le fondement de l'article 46 M. X... irrecevable en ses demandes en tant que présentées à la juridiction civile ; que cette décision a été cassée (2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n° 02-15.187) ; que par arrêt du 23 septembre 2004 la cour d'appel de Caen statuant comme cour de renvoi a déclaré M. X... irrecevable en ses demandes tant en ce qu'elles étaient dirigées contre M. Y... qu'en ce qu'elles étaient dirigées contre la société Editions Albin Michel en raison de ce que n'était pas fondée une poursuite autonome indépendante de la mise en cause des personnes visées aux articles 42 et 43 de la loi ; que par arrêt du 12 juillet 2006 ( Civ1 pourvoi n° W 04-19.700) l'arrêt de la cour d'appel de Caen a été cassé motif pris de ce qu'aucune disposition de la loi sur la presse ne subordonne la mise en cause de l'auteur de l'écrit à la poursuite, à titre d'auteur principal, du directeur de la publication ou à celle à quelque titre que ce soit d'autres personnes pénalement responsables en application des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur le second moyen tel qu'il figure au mémoire en demande et qu'il est reproduit en annexe :
Attendu que le moyen qui manque en fait dans ses première cinquième et sixième et septième branches s'attaque à des motifs surabondants dans ses autres branches ;
D'où il suit qu'il n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que pour déclarer M. X... irrecevable en ses demandes en tant qu'elles étaient fondées sur les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 tendant à la condamnation de la société éditions Albin Michel, la cour d'appel de Caen, statuant comme cour de renvoi, a énoncé que la société Albin Michel ne contestait pas sa qualité d'éditeur, que l'article 42 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que "seront passibles, comme auteurs principaux des peines ... 1°) les directeurs de publications ou éditeurs..."; mais que cette loi d'essence pénale ne comporte pas de dispositions permettant de condamner une personne morale et que cette impossibilité continue ; qu'elle ne vise donc pas la société Editions Albin Michel ; que si cette loi peut fonder une poursuite devant les juridictions civiles, c'est seulement à l'encontre des personnes qu'elle vise ; que l'action à l'encontre de la société à titre principal est irrecevable ; que la société n'est pas liée à M. Y... par un contrat de travail et qu'aucun titre ne permet de la retenir en qualité de civilement responsable ;
Qu'en statuant ainsi quand la victime d'une diffamation peut demander la réparation de son préjudice devant la juridiction civile, à une personne morale, l'éditeur désignant toute personne physique ou morale éditant une publication, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action dirigée contre la société Editions Albin Michel, l'arrêt rendu le 9 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Editions Albin Michel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille huit.