LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 septembre 2007) rendu sur renvoi de cassation (Soc.15 février 2006, n° 05-42237) que M. X... a été engagé le 17 mai 2001 par la société Transports distribution logistique (TDLC) en qualité de coursier, par contrat de travail prévoyant une rémunération pour 151,67 heures de travail correspondant au minimum conventionnel garanti et équivalent à 877 bons, ainsi qu'une prime de bon fonctionnement calculée en fonction des bons réalisés au-delà des 877 bons ; que le salarié a saisi la formation de référé prud'homale d'une demande de rappel de salaire en application de l'article 14 de l'annexe 1 de la Convention collective nationale des transports routiers, soutenant que la rémunération aux bons étant illicite, son taux horaire devait être déterminé en tenant compte à la fois du minimum garanti et des bons supplémentaires perçus ; que le syndicat général CFDT des Transports parisiens est intervenu à l'instance ;
Attendu que la société TDLC fait grief à l'arrêt d'avoir, par confirmation, condamné l'employeur à payer au salarié la somme provisionnelle de 45 000 euros, toutes causes confondues, à titre de rappel de salaire et de congés payés y afférents et à payer la somme de 5 000 euros au syndicat CFDT des transports parisiens à titre de dommages-intérêts pour violation de la convention collective nationale des transports routiers, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 3 de l'avenant n° 94 du 13 décembre 2005 à la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport du 21 décembre 1950 prévoit, pour le personnel «coursier» que «la rémunération effective perçue sera proportionnelle au nombre de courses effectuées» ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la pratique des bons suivie dans l'entreprise n'était pas compatible avec l'obligation de sécurité qui résulte de la loi et de la convention collective en ce que la délivrance de bons pour rémunérer des courses effectuées au-delà du nombre forfaitaire conduirait à une majoration du salaire en fonction des distances parcourues et des délais de livraison, ce qui inciterait les salariés à dépasser la durée normale de travail et des temps de conduite autorisée, la vitesse jouant nécessairement un rôle dans le nombre des courses, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées, ensemble celles de l'article 14 de l'annexe I de la convention collective nationale des transports routiers ;
2°/ qu'en toute hypothèse, en s'étant abstenue de répondre au moyen invoqué par l'employeur dans la note en délibéré qu'il avait été invité à produire par la cour et qui rappelait que les nouvelles dispositions conventionnelles prévoyaient une rémunération effective du coursier «variable assise sur les courses effectuées» en s'appuyant sur une disposition invoquée dans ses conclusions d'appel et dans son dossier de plaidoirie, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que n'est pas prohibé, en soi, le paiement, par une entreprise de transport routier de marchandises de proximité, d'une prime calculée en fonction du nombre de bons payés par les clients lorsque ce nombre est indépendant de la durée du travail fourni ainsi que du temps de conduite ; de sorte qu'en décidant que la prime dite « d'efficacité » prévue par le contrat de travail de M. X... était contraire aux prescriptions de l'article 14 de l'annexe I de la convention collective nationale des transports routiers, en se fondant sur le motif inopérant selon lequel « il n'est pas établi que l'exécution du forfait exigé soit toujours compatible avec l'horaire de travail à plein temps alors que le coursier n'est pas maître de l'attribution des courses et peut se voir attribuer des courses non spécifiques et sans majoration de bons », sans même rechercher si M. X... - qui n'en demande pas le paiement - aurait accompli des heures supplémentaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées, ensemble de celles des articles 1134 du code civil, L. 221-1 et L. 221-5 du code du travail ;
4°/ qu'un motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; de sorte qu'en décidant que la prime dite « d'efficacité » prévue par le contrat de travail était illicite en ce qu'elle « pouvait inciter le coursier à augmenter le nombre de ses courses non spécifiques et sans majoration de bons » et donc à dépasser la durée normale de travail et les temps de conduite autorisés, au mépris des prescriptions de l'article 14 de l'annexe I de la Convention collective nationale des transports routiers et en se déterminant, ainsi, par un motif hypothétique, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble les dispositions susvisées ;
5°/ que les juges du fond sont tenus d'analyser, au moins sommairement, les pièces fournies par les parties, sans pouvoir se prononcer par un motif d'ordre général ; de sorte qu'en se prononçant, par un motif d'ordre général selon lequel « les rapports évoqués par la société TDLC ne concluent pas à la compatibilité de la pratique des bons suivis dans ces entreprises avec l'obligation de sécurité qui résulte de la loi et de la convention collective », la cour d'appel a violé, de nouveau, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que toute décision judiciaire doit être motivée à peine de nullité ; de sorte qu'en condamnant la société TDLC à payer la somme de 45 000,00 euros à M. X... « toutes causes confondues », en se bornant à renvoyer aux « éléments produits », les juges du fond ont statué par un motif d'ordre général, violant, de ce fait, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la prime d'efficacité conduisait à une majoration du salaire en fonction des distances parcourues et des délais de livraison, ce qui incitait les salariés à dépasser la durée normale de travail et les temps de conduite autorisés, la vitesse jouant nécessairement un rôle dans le nombre de courses ; qu'elle en a déduit à bon droit, par une réponse motivée et exempte de généralité, qu'un tel mode de rémunération de nature à compromettre la sécurité du salarié était prohibé par l'article 14 de l'annexe 1 de la Convention collective nationale des transports routiers ; qu'appréciant ensuite les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, elle a alloué au salarié une provision dont elle a fixé le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société TDLC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille huit.