LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 juin 2006) qu'au sein des magasins Champion, plusieurs catégories de salariés sont tenues de porter une tenue de travail, pour des raisons d'hygiène, de sécurité, de contact avec la clientèle ou de stratégie commerciale ; qu'à la suite d'une opération de restructuration, un accord collectif de substitution a été conclu le 30 janvier 2004 pour harmoniser les pratiques des différents magasins relativement au port et à l'entretien des tenues de travail ; que le Syndicat national de l'encadrement CFE-CGC du groupe Carrefour, la Fédération des personnels du commerce, de la distribution et des services CGT ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir enjoindre à la société Champion supermarché France (CSF), qui impose le port de tenue de travail à certains salariés, d'assurer le coût de l'entretien de ces tenues vestimentaires ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il avait l'obligation d'assurer la charge du coût de l'entretien des tenues de travail dont il impose le port à l'ensemble de ses salariés, de l'avoir enjoint de satisfaire à cette obligation sous astreinte, de lui avoir donné acte de son offre de fournir à chaque salarié un baril de 3 kg de lessive par trimestre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de la combinaison des articles L. 231-11, R. 233-1 et R. 233-42 du code du travail qu'en l'absence de texte spécial ou de disposition conventionnelle contraire, l'employeur qui fournit à ses salariés les vêtements de travail qu'il leur impose de porter n'a pas l'obligation d'assumer le coût de l'entretien desdits vêtements, sauf lorsque leur port est rendu nécessaire par le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux ; qu'en jugeant que la société CSF devait assumer le coût de l'entretien des tenues de travail dont elle impose le port à l'ensemble de ses salariés, que ce soit pour des raisons d'hygiène et de sécurité ou pour des raisons de simple stratégie commerciale, sans constater le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux effectués par les salariés, expressément contesté par l'exposante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ que l'article L. 231-11 du code du travail interdit seulement de faire supporter aux travailleurs, du fait de mesures concernant la sécurité, l'hygiène et la santé au travail, des charges financières supplémentaires par rapport à celles que le travailleur devrait exposer en l'absence de telles mesures ; que l'entretien d'une tenue de travail fournie par l'employeur n'entraîne pas de charges supplémentaires pour le salarié puisque s'il ne portait pas cette tenue, il serait contraint d'entretenir ses propres vêtements ; qu'en jugeant qu'il résultait de l'article L. 231-11 du code du travail que la société CSF devait assumer le coût de l'entretien des tenues de travail dont elle impose le port à l'ensemble de ses salariés, la cour d'appel a violé ce texte ;
3°/ que l'article L. 231-11 du code du travail dispose que les mesures concernant la sécurité, l'hygiène et la santé au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs ; qu'en ordonnant à l'exposante, sur le fondement de l'article L. 231-11, de prendre en charge le coût de l'entretien des vêtements de travail dont elle impose le port à ses salariés pour des raisons de simple stratégie commerciale, la cour d'appel a violé ce texte ;
Mais attendu qu'indépendamment des dispositions de l'article L. 231-11 du code du travail selon lesquelles les mesures concernant la sécurité, l'hygiène et la santé au travail ne doivent en aucun cas entraîner de charges financières pour les travailleurs, il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L.121-1 du code du travail que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; qu'ayant constaté que pour chacune des catégories d'emplois concernés, le port du vêtement de travail était obligatoire et qu'il était inhérent à l'emploi, la cour d'appel a exactement décidé que l'employeur devait assurer la charge de leur entretien ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Champion supermarché France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Champion supermarché France à payer au Syndicat national de l'encadrement CFE CGC du groupe Carrefour et à la Fédération des personnels du commerce de la distribution et des services CGT la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille huit.