LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l' arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Stéphane, partie civile,
contre l' arrêt de la cour d' appel de RIOM, en date du 1er mars 2006, qui l' a débouté de ses demandes après relaxe de Denis Y... du chef d' infractions à la réglementation du travail relative au contrat de travail à durée déterminée ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 122- 1, L. 122- 1- 1, L. 152- 1- 4, D. 121- 2 du code du travail, 463, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l' arrêt infirmatif attaqué a renvoyé Denis Y... des fins de la poursuite ;
" aux motifs que, pour apprécier si un employeur peut recourir à des contrats à durée déterminée successifs, il convient uniquement de rechercher, indépendamment du fait que le salarié concerné occupe un emploi lié à l' activité normale et permanente de l' entreprise :- si l' on se trouve dans l' un des secteurs visés par l' article D. 121- 2 du code du travail,- si un usage constant autorise l' employeur, pour l' emploi concerné au sein de ce secteur d' activité, à ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée ; que, donc, Denis Y... ne pourrait être retenu dans les liens de la prévention que si la preuve était rapportée de l' absence d' un usage constant l' autorisant à recourir à des contrats à durée déterminée successifs pour les emplois concernés ; qu' en l' espèce, le prévenu ne conteste pas employer un certain nombre de salariés par le biais de contrats à durée déterminée, mais verse également aux débats des exemples de contrats à durée déterminée, établis par différentes entreprises de déménagement et se référant aux usages de la profession ; qu' en l' état du dossier soumis à la cour, l' inexistence, dans le secteur concerné, d' un usage constant de recourir à des contrats à durée déterminée n' est donc nullement établie ; que, compte tenu de l' ancienneté des faits, objet de la prévention, il n' est pas opportun de recourir à un supplément d' information pour rechercher de façon plus approfondie l' existence dudit usage ; que Denis Y... sera renvoyé des fins de la poursuite ; que Stéphane X..., partie civile, sera débouté de sa demande de dommages- intérêts.
" 1°) alors qu' un contrat à durée déterminée ne peut avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l' activité normale et permanente de l' entreprise ; que la cour d' appel, qui n' a pas recherché si Stéphane X... occupait un emploi lié à l' activité normale et permanente de l' entreprise ne pouvait, sans violer les textes susvisés, décider de renvoyer Denis Y... des fins de la poursuite ;
" 2°) alors que, pour déterminer si l' infraction d' embauche de salarié par contrat à durée déterminée pour un emploi durable et habituel est constituée, le juge doit vérifier l' existence d' un usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée ; qu' en décidant que Denis Y... ne pourrait être retenu dans les liens de la prévention que si la preuve était rapportée de l' absence d' un usage constant l' autorisant à recourir à des contrats à durée déterminée successifs pour les emplois concernés, la cour d' appel a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que la cour d' appel ne pouvait sans se contredire constater, d' une part, que les contrats de travail à durée déterminée avaient été renouvelés, Stéphane X... ayant effectué neuf contrats à durée déterminée entre le 7 janvier et le 9 septembre 2002 ; qu' aucun usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l' emploi occupé par Stéphane X... n' était établi, ce dont il résultait que l' infraction était constituée et, d' autre part, prononcer une relaxe ;
" 4°) alors que les juges qui constatent que les éléments constitutifs d' une infraction sont réunis ne peuvent tenir pour acquise l' existence d' une cause exonératoire et refuser d' ordonner un supplément d' information ; qu' en refusant d' ordonner un supplément d' information pour rechercher l' existence d' un usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l' emploi occupé par Stéphane X... tandis qu' elle constatait que la preuve de l' absence d' un tel usage n' était pas rapportée, la cour d' appel qui s' est à nouveau contredite a violé les textes susvisés " ;
Vu l' article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 122- 1, L. 122- 1- 1 et D. 121- 2 du code du travail, devenus les articles L. 1242- 1 et L. 1242- 2 du même code ;
Attendu qu' il résulte des articles L. 122- 1- 1, 3°, et D. 121- 2 du code du travail que, même lorsqu' il est conclu dans l' un des secteurs d' activité visés par ces textes, au nombre desquels figure le déménagement, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d' autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l' insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu' il résulte de l' arrêt attaqué qu' un contrôle effectué par l' inspection du travail des transports a permis de constater que l' entreprise de déménagement
Y...
avait employé plusieurs salariés en recourant à des contrats à durée déterminée successifs ; que les juges relèvent que Stéphane Z... a été employé entre le 12 mars et le 15 novembre 2002 sous le couvert de huit contrats à durée déterminée, que José X... a travaillé dans les mêmes conditions entre le 2 janvier et le 31 octobre 2002 et que Stéphane X... a exécuté neuf contrats à durée déterminée entre le 7 janvier et le 9 septembre 2002 ;
Attendu qu' à la suite de ce contrôle, Denis Y..., directeur général de l' entreprise, a été cité devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l' article L. 152- 1- 4 du code du travail, pour avoir, de janvier 2002 à novembre 2002 embauché ces trois salariés par contrats de travail à durée déterminée en méconnaissance des articles L. 122- 1, L. 122- 1- 1, 3°, et D. 121- 2 dudit code ;
Attendu que, pour infirmer la déclaration de culpabilité et relaxer Denis Y..., l' arrêt retient, d' une part, que ce dernier, exerçant dans le secteur d' activité du déménagement prévu par l' article D. 121- 2 du code du travail, pouvait recourir à des contrats de travail à durée déterminée sans qu' il soit besoin de rechercher si ces contrats ont été rendus nécessaires par un surcroît temporaire d' activité de l' entreprise et, d' autre part, que le salarié n' a pas rapporté la preuve contraire à la présomption, résultant de l' article L. 122- 1- 1 du code précité, d' un usage constant autorisant l' employeur à ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée ;
Mais attendu qu' en prononçant ainsi, sans préciser en quoi les emplois concernés présentaient par nature un caractère temporaire, et alors qu' elle avait constaté que les contrats avaient pour objet de pourvoir durablement des emplois liés à l' activité normale et permanente de l' entreprise, la cour d' appel n' a pas donné de base légale à sa décision.
D' où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l' arrêt susvisé de la cour d' appel de Riom, en date du 1er mars 2006, et pour qu' il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d' appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l' impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d' appel de Riom, sa mention en marge ou à la suite de l' arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, Mmes Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;