LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Jean-Marie,
- Y... André,
- Z... Jean,
contre l'arrêt de cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 22 mai 2007, qui, pour infraction au code de l'urbanisme, les a condamnés, respectivement à 200 000, 2 000 et 4 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur les pourvois d'André Y... et de Jean Z... ;
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
Il - Sur le pourvoi de Jean-Marie X... ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, 8 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Marie X... coupable d'avoir exécuté sur une construction existante des travaux ayant pour effet d'en modifier l'aspect extérieur, le volume et d'en changer la destination sans avoir obtenu, au préalable, un permis de construire et l'a condamné à 100 000 euros d'amende et au paiement de dommages et intérêts au profit du syndicat des copropriétaires ;
"aux motifs que la prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à compter de l'achèvement des travaux ; que le prévenu reconnaît lui-même dans ces conclusions qu'il a procédé à l'aménagement des appartements au cours de l'année 1996 ; que les faits qui lui sont reprochés, soit un changement de destination du lot 68, transformé en deux logements d'habitation, sont distincts de ceux pour lesquels le promoteur a été condamné, à savoir pour exécution de travaux non conformes au permis de construire, principalement pour création d'un quatrième niveau du bâtiment Parking, non prévu au permis ; que c'est en vain que le prévenu invoque l'extinction de l'action publique par prescription et chose jugée ; que le quatrième niveau du bâtiment parking, correspondant au lot n° 68 acquis par Jean-Marie X..., a été construit en toute illégalité ; qu'il fait partie d'un bâtiment qui, selon le permis délivré, n'était pas destiné à l'habitation mais à l'édification de garages et de boxes correspondant strictement au nombre de logements ; que la circonstance que le règlement de copropriété l'ait englobé dans la construction, alors qu'il n'était pas prévu dans la demande de permis (sans doute compte tenu du coefficient d'occupation des sols) et l'ait qualifié de « réserve aménageable » est sans incidence sur la destination de ce niveau ; qu'en tout état de cause, une réserve, à supposer celle-ci autorisée, ce qui n'était pas le cas, ne constitue pas un local à usage d'habitation ; qu'incontestablement, en transformant le local qu'il avait acquis, en commençant par le rendre non clos par la pose de fenêtres et de baies vitrées puis en y créant deux logements d'habitation, le prévenu a procédé à un changement de destination qui était soumis à l'octroi préalable d'un permis de construire (et non à une déclaration de travaux, seule demande d'autorisation qu'il a effectuée postérieurement au procès-verbal) ; que le prévenu ne peut valablement se retrancher derrière les agissements du promoteur, des avocats et notaires et même de l'Etat qui a vendu un lot construit illégalement pour recouvrer une astreinte … pour contester l'élément intentionnel en excipant de sa bonne foi ; qu'il convient de relever en effet : que le prévenu a acquis le lot n° 68 avec un agent immobilier, soit un professionnel, que la mise à prix de ce lot, décrit dans la publicité comme une ossature en béton d'environ 200 m² dénommé «Le Blockhaus» (qui était en réalité d'une surface supérieure) était seulement de 5 000 francs, somme inférieure à celle fixée pour les parkings mis aux enchères (8 000 F) et sans commune mesure avec celle relative au lot 24 (appartement mis à prix à 250 000 F) ; que si effectivement il pouvait penser à priori que le lot qu'il voulait acquérir était légal, puisqu'il était vendu par l'Etat, il reste que le descriptif des lots mis en vente faisait état d'une astreinte ordonnée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 23 juin 1976, ce qui aurait dû attirer son attention, qu'il ne peut sérieusement prétendre avoir acquis dès l'origine 280 m² de Shon à Vallauris au prix de 50 000 francs alors que la lettre du syndic de la copropriété en date du 18 mai 1989 visée dans la publicité de la vente rappelait : « l'ensemble des lots fait l'objet d'une procédure pour défaut de permis de construire et devrait être démoli» ; qu'il ne peut, sans mauvaise foi, se prévaloir du fait que dans la déclaration d'adjudication, il ait pris l'initiative d'affirmer qu'il s'engageait à conserver ledit bien à usage d'habitation pendant un délai de trois ans, alors qu'il est constant qu'au moment de la vente, le bien n'était pas à usage d'habitation, qu'il a lui-même reconnu que, dès qu'il est devenu propriétaire, soit en 1990, il a appris par les copropriétaires que le niveau 4 avait été construit sans permis de construire, qu'il a payé des charges sur la base de tantièmes correspondant à des locaux à usage de débarras, ce qui fut d'ailleurs un des motifs de récrimination des copropriétaires ; que, pour transformer les locaux en appartement, il a dû faire procéder à des branchements sauvages aux réseaux de viabilisation de la copropriété ; que c'est donc en toute connaissance de cause que Jean X... a réalisé bien après l'achat du lot n° 68 un changement de destination sans permis de construire, s'engageant, comme l'a dit l'expert A... « dans la brèche résultant de la situation ambiguë de l'ensemble immobilier pour créer des surfaces closes et habitables à partir d'un local brut de maçonnerie acheté à bas prix » ; que, par la suite, ces locaux, dépourvus de l'étanchéité prévue pour des locaux affectés à l'habitation, ayant été affectés de désordres, ce qui corrobore leur destination étrangère à l'habitation, il n'a pas hésité à assigner la copropriété à l'effet de lui faire supporter le coût des travaux nécessaires pour rendre les lieux conformes à la destination qu'il leur a donnée… ;
"alors que, d'une part, la prescription de l'action publique court à compter de l'achèvement des travaux, et des faits de construction sans permis déjà sanctionnés ne peuvent l'être une nouvelle fois plus de trois ans après l'achèvement des travaux ; qu'ainsi, en l'espèce, où Jean-Marie X... était prévenu pour avoir changé la destination du lot 68 sans permis de construire et où le promoteur de la construction avait déjà été condamné par arrêt du 23 juin 1976 pour avoir donné au lot litigieux une affectation qui n'était pas celle prévue au permis de construire, la cour d'appel, en écartant la prescription de l'action publique au motif que les faits reprochés à Jean-Marie X... sont différents, a violé les textes visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, le délit de construction sans permis de construire suppose la conscience de l'irrégularité de la construction ; qu'en considérant que Jean-Marie X..., qui avait acquis sur adjudication, sur poursuites de l'Etat à l'issue des procédures judiciaires, le lot litigieux qu'il s'engageait dans la déclaration d'adjudication à réserver à l'habitation pendant trois ans, lequel, selon le règlement de copropriété, était aménageable au gré du copropriétaire, avait changé en toute connaissance de cause la destination de ces locaux, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Michel B..., qui a créé un étage supplémentaire dans le bâtiment à usage de parking de la résidence Club de l'Horizon, à Vallauris, (Alpes-Maritimes), a été condamné, le 28 octobre 1981, pour infraction au code de l'urbanisme, notamment à la mise en conformité des lieux sous astreinte ; que, cette obligation n'ayant pas été exécutée, l'Etat a fait procéder à la saisie puis à la vente aux enchères publiques des lots non encore vendus, dont ceux illégalement édifiés, désignés dans le règlement de copropriété, comme étant à usage de réserves aménageables ; que Jean-Marie X... a acquis, le 13 décembre 1990, le lot n° 68 d'une surface de 200 m2, au prix de 50 000 francs ; qu'ayant, en 1996, installé dans les lieux qu'il a fermés par des portes et fenêtres, deux appartements, il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour défaut de permis de construire ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation selon laquelle la prescription de l'action publique était acquise, parce que les faits étaient identiques à ceux pour lesquels Michel B... avait été condamné en 1981, l'arrêt constate, par les motifs reproduits au moyen, que Jean-Marie X... a exécuté, sur une construction existante, des travaux ayant pour effet d'en modifier l'aspect extérieur, le volume ou d'en changer la destination, sans avoir préalablement obtenu un permis de construire ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dès lors que les travaux réalisés sur une construction existante, même illégalement édifiée, sont soumis aux prescriptions du code de l'urbanisme, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, 2 et 593 du code de procédure pénale 55, 62-7, 62-8 et 62-9 du décret 67-223 du 17 mars 1967 ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Marie X... à payer 5000 euros de dommages et intérêts au syndicat de copropriété Club Horizon ;
"aux motifs que, selon ordonnance présidentielle du 6 juin 2005, Me C... a été désigné administrateur provisoire de la copropriété Club de l'Horizon avec tous les pouvoirs décisionnels de l'assemblée générale, outre les pouvoirs habituels du syndic et avec notamment mission de régulariser son intervention dans le cadre de l'ensemble des procédures actuellement pendantes devant les tribunaux de grande instance, la cour d'appel d'Aix-en-Provence et la Cour de cassation ; que c'est donc par décision de justice que Me C... a été spécialement autorisé à intervenir à la procédure ; que sa constitution au nom du syndicat des copropriétaires est recevable en la forme ;
"alors qu'il résulte des articles 55, 62-7, 62-8 et 62-9 du décret du 17 mars 1967 que lorsqu'un administrateur provisoire de la copropriété a été désigné avec les pouvoirs décisionnels de l'assemblée, la constitution de partie civile du syndicat doit faire l'objet d'une décision de l'administrateur, qui ne peut être implicite et qui doit être mentionnée au registre des décisions ; qu'ainsi la cour d'appel, en considérant que la régularité de la constitution de partie civile du syndicat résultait de la seule ordonnance désignant Me C... comme administrateur provisoire, sans constater que le formalisme imposé par les textes précités avait été respecté, a violé lesdits textes" ;
Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, 2 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que, l'arrêt attaqué a condamné Jean-Marie X... à payer 5 000 euros de dommages et intérêts au syndicat de copropriété Club Horizon ;
"aux motifs qu'il y a lieu de souligner qu'il est reproché à Jean-Marie X... non des manquements au règlement de copropriété mais l'exécution de travaux sans permis de construire par changement de destination ; que les infractions d'urbanisme commises par les prévenus ont occasionné à la copropriété un préjudice réel et certain participant à la désorganisation de la gestion de celle-ci tant matérielle que juridique ;
"alors que la partie civile ne peut demander réparation que du préjudice directement causé par l'infraction ; que la cour d'appel, sur poursuites du chef de construction sans permis de construire, en allouant au syndicat des copropriétaires des dommages et intérêts tout en constatant qu'il est reproché à Jean-Marie X... non des manquements au règlement de copropriété mais l'exécution de travaux sans permis de construire par changement de destination, a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile du syndicat des copropriétaires de la résidence club de l'Horizon, les juges retiennent que l'infraction commise par le prévenu a participé à la désorganisation de la gestion tant matérielle que juridique de la copropriété et lui a causé un préjudice réel et certain ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs relevant de son appréciation souveraine, d'où il ressort que le préjudice subi découle directement de l'infraction, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 000 euros la somme que Jean-Marie X... devra payer au syndicat des copropriétaires de la résidence club de l'Horizon, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à autre application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;